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« Ça fait partie de ma personnalité d’affronter les situations et de faire face à chaque difficulté »

Nom, Prénom : Anne-Sophie Tuszynski
Âge : 39 ans
Profession : Fondatrice de Cancer@Work
Fait marquant : Atteinte d’un cancer du sein, elle lutte pour concilier maladie et travail.

 « J’ai découvert par hasard que j’étais malade, il y a presque 10 ans. En sortant de la douche, le 7 mars 2011, j’ai senti que j’avais une boule dans le sein.
Le soir même, à 18 heures, on m’annonçait qu’il y avait 95% de risques que ça soit un cancer. Apprendre ça du matin au soir, c’est saisissant. Parce que derrière le mot « cancer », on entend le mot « mort » et c’est une réalité. Les cancers sont la première cause de mortalité. Cet événement bouleverse une vie. C’est douloureux et difficile. Personne ne pourra dire le contraire.
Quant à 39 ans, maman de trois jeunes enfants, vous apprenez que vous avez un cancer, vous faites quand même un petit bilan des années passées. Sur le plan personnel, familial, professionnel. Vous vous dites : « Si je m’en sors, qu’est-ce que je souhaite garder ? ». Heureusement, j’ai gardé mon mari, mes enfants, ma famille à mes côtés, mais j’avais aussi envie de conserver mon travail, que j’aimais beaucoup. J’ai dû alors annoncer la nouvelle à mon employeur de l’époque. 

Je l’ai mis au courant juste après mon mari. Souvent, c’est une réaction surprenante et beaucoup de personnes hésitent à en parler. A l’époque, les médias, par exemple, ne prononçaient ni écrivaient ce mot. En 2011, les célébrités mourraient de « longues et douloureuses » maladies, mais pas de cancer. Moi, je ne me suis pas posé de question. Ça fait partie de ma personnalité d’affronter les situations et de faire face à chaque difficulté. Pour moi, poser le mot, c’est aussi poser le sujet pour pouvoir ensuite l’accompagner.

Mon employeur a très bien réagi.

Il m’a dit « Anne-Sophie, ne vous inquiétiez pas. On est là, on va vous accompagner. Vous avez carte blanche au niveau professionnel pour organiser les choses comme vous le souhaitez. » C’est une réaction qui me convenait très bien parce que j’étais dans une dynamique d’être actrice de ma maladie, y compris au travail. En parlant régulièrement avec mes clients, mon équipe, mon employeur, de ma maladie, j’ai crée et entretenu un lien fort, notamment avec des employés travaillant dans les ressources humaines et des dirigeants.

On a donc commencé à m’interpeller quand une personne au sein de leurs équipes annonçait qu’elle avait un cancer, au travers d’échanges qui ont dépassé le champ professionnel, lorsque certains prenaient de mes nouvelles. Les entreprises ne savaient pas trop quoi dire ni quoi faire. J’en ai aidé beaucoup, une fois, deux fois, dix fois et c’est ce qui a aiguisé ma curiosité. La naissance de CancerAtWork, en 2012, est liée à ça et à ce que j’incarne : des compétences de femme d’entreprise dans le secteur de l’emploi et cette expérience de la maladie qui me donnent une double légitimé. 

Au-delà de mieux concilier maladie et travail, il y a un enjeu de société autour la pérennité de notre système de Sécurité sociale.

J’apprécie la chance que j’ai eue de sortir ma carte vitale pour avoir accès à des soins de très grande qualité au centre Gustave Roussy, où je suis suivie. Je n’aurais jamais pu me les offrir. J’ai des amies aux États-Unis qui n’ont pas cette chance et qui parfois doivent vendre leur maison pour se soigner ou alors refuser d’être prise en charge pour garantir un toit à leurs enfants. 

Le monde du travail n’est pas assez bien préparé aujourd’hui pour accueillir des personnes après ou pendant leur maladie.

Les gens se retrouvent sans emploi, et arrêtent de cotiser pour la sécurité sociale. L’idée de CancerAtWork, c’est de les ramener vers l’emploi. Pour cela, on mobilise les employeurs pour qu’ils s’emparent de ce sujet. Et on se réjouit de voir que le monde de l’entreprise a le souhait d’accueillir la maladie sans bâton ni carotte. La crise du Covid a constitué un accélérateur du processus. Faire face à une annonce difficile, se retrouver à distance, confiné, devoir coopérer avec ses collègues sans être au bureau… C’est notre quotidien de malades depuis des années. Mais là, le monde entier à découvert ce que voulait dire « être malade au travail ». Il ne faudrait pas que les entreprises l’oublient à l’avenir. Les enseignements et les leçons à tirer de cette crise à ce sujet sont capitales pour les futurs malades. »

Propos recueillis par Carla Loridan

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« Quitte à avoir mal, je préfère que ce soit à cause d’un métier que j’aime »

PRÉNOM : Laura
ÂGE : 37 ans
PROFESSION : Responsable adjointe d’une grande surface (Tarn)
FAIT MARQUANT : Souffre d’une tendinite dans tout le bras à cause de son travail

« Tout part de la zone située entre le cou et l’épaule et cela tire tout le long du bras. Au début, je ne pensais pas que c’était une tendinite. Je me suis dit que c’était de la fatigue musculaire et j’ai donc un peu trainé avant de consulter. Avec ce genre de maladie, plus on attend, plus c’est long à guérir. Je suis adjointe-responsable d’un magasin. Je fais donc beaucoup, beaucoup, beaucoup de mise en rayon, après mes tâches administratives et managériales. C’est de là que vient ma tendinite qui a du mal à partir. La douleur est apparue au bout d’un an et demi de travail, à cause de la répétition des gestes pendant la mise en rayon et le rangement. Je porte des charges plutôt légères, mais certains cartons pèsent jusqu’à 18 kilos. Pour ce genre de manutention, nous devrions être à deux, mais ce n’est pas toujours le cas.

Je ne veux pas me reconvertir.

La première fois, j’ai été arrêtée pendant sept semaines, avec visite obligatoire chez une médecin de travail. Passé 35 ans, ces maladies sont fréquentes dans mon métier. Elle m’a dit qu’il fallait penser à une reconversion, que ce ne serait pas maintenant, mais qu’il fallait commencer à y réfléchir. Lorsque je suis sortie, je me suis mise à pleurer. J’adore mon boulot. Je ne me vois pas faire autre chose. Je ne veux pas me reconvertir car j’ai été dans la vente toute ma vie. Mon bras droit, je vais l’utiliser dans n’importe quel travail ! Quitte à avoir mal, je préfère que ce soit à cause d’un métier que j’aime. Non, je ne veux pas changer !

Au début, porter une poêle un peu lourde, passer l’aspirateur, c’était impossible.

Quand je sens que mon bras fatigue, mon conjoint m’aide à la maison. Au travail, lorsque j’ai mal, je peux faire une pause cinq minutes au bureau, ou demander à être en binôme. C’est compliqué d’adapter le travail à la maladie, car les tâches, elles, ne changent pas. Il y a des choses que je fais moins, comme le port de charges lourdes. De toutes façons, la médecine du travail m’interdit de porter plus de huit kilos. Chose que je ne respecte pas toujours, mais j’essaie au maximum pour guérir ou en tout cas pour atténuer ma tendinite.

Je me mets encore en arrêt, de temps en temps, car la douleur revient parfois plus fortement.

Je vois maintenant un nouveau médecin du travail. Encore un petit coup de peur, car il m’a demandé de repasser une IRM. Je craignais qu’il ne me considère pas « apte » à travailler. Heureusement, d’après l’imagerie mon état ne s’est pas dégradé, mais il ne s’est pas amélioré non plus. J’attends donc un autre rendez-vous avec lui, en espérant que cela passe. Mes symptômes sont bien liés à mon travail, mais je n’ai pas fait reconnaître ma tendinite comme une maladie professionnelle. Peut-être que dans ma tête, «  maladie professionnelle  », cela ne rentre pas. »

Propos recueillis par Alice Bouviala