Les Chief Happiness Officer améliorent-t-ils vraiment le bien-être au travail ?

Cette fonction est apparue récemment en France dans des entreprises soucieuses de promouvoir l’épanouissement des employés, parfois affectés par des organisations complexes, des réorganisations fréquentes et la révolution numérique.
L’histoire des Chief Happiness Officer (CHO) commence avec une légende. Cette fonction aurait été créée par le 107e employé de Google, Chade-Meng Tan. L’ingénieur programmateur souhaitait améliorer la qualité de vie des salariés de la firme, qui ne comptait alors qu’une centaine de salariés. Il s’était lui-même surnommé le « Jolly good fellow » : le super bon pote. Il initiait ses collègues à la méditation de pleine conscience (MBSR). Selon lui, le bonheur est un état d’esprit et la méditation aide les gens à retrouver une paix intérieure afin de pouvoir gérer plus facilement le stress et la négativité des autres.
Devant le succès de son initiative, les autres start-ups de la Silicon Valley adoptèrent l’idée au début des années 2000. Puis le phénomène essaima dans les multinationales américaines et dans tous les secteurs d’activité pour arriver en France en 2015. Le bien-être en entreprise est devenu le nouveau Graal pour améliorer la productivité individuelle et collective.
Les mutations technologiques à l’origine du besoin
Plusieurs facteurs sont à l’origine de ce besoin : « Il y a eu une évolution des organisations. Les salariés ont été amenés à réaliser des projets en collaborant avec des employés situés dans d’autres sites, dans plusieurs pays. La digitalisation entraîne aussi une forme de dépersonnalisation des relations dans les entreprises. Il fallait ré-humaniser, créer du lien et redonner du sens. », souligne Valérie Dugripon, responsable engagement & communication dans une entreprise du secteur pharmaceutique.
C’est dans ce but que le CHO intervient pour proposer des améliorations au quotidien. Il va commencer par mesurer un état initial, via des enquêtes sur le moral des employés. Il peut également suivre des indicateurs de performance, comme l’absentéisme ou le nombre de départs de l’entreprise.
L’art du de rendre les employés heureux consiste à impliquer les collaborateurs dans une démarche participative, s’adressant aux seniors comme aux millenials. Des cours de salsa ou un goûter peuvent être offert par l’entreprise : « Ces activités concourent au travail d’équipe, il n’y a pas de problème de génération, les gens se retrouvent sur l’esprit d’équipe », ajoute Valérie Dugripon, enthousiaste. Et selon elle, le résultat est là : « La motivation des employés a progressé de +16% par rapport au dernier sondage. C’est un signal fort qui montre que les employés sont contents, les activités affichent complet. Les idées viennent des collaborateurs et pas de la hiérarchie. Certains animent même des événements. »
Eviter le burn-out en jouant au babyfoot, vraiment efficace?
Le tableau n’est pas forcément aussi réjouissant dans d’autres entreprises. Patrick Légeron, psychiatre fondateur de Stimulus, auteur fin novembre de l’étude sur l’hyper-stress, s’agace de ce nouveau métier pas toujours bien compris : « Ce n’est pas en mettant en place une corbeille de fruits, une table de ping-pong ou encore des massages gratuits qu’on réglera le problème du stress et du burnout, devenus des enjeux de santé publique. » Un avis partagé sur le terrain par Valérie Dugripon : « Les démarches de CHO ne sont pas suffisantes. Cela contribue mais il y a d’autres leviers. S’ils ne sont pas tous réunis, les collaborateurs seront moins performants, sans sentiment d’appartenance ».
Pour ces responsables du bonheur, l’idée est de changer la vision du travail en entreprise. Frank Gerritzen, associé chez Ganzi & Partners, une agence de recrutement Suisse Romande, abonde dans ce sens : « Dans une entreprise, attachons-nous à l’entretien d’une culture saine, basée sur le respect et les valeurs humaines et donnons aux gens la possibilité de grandir. 99% des problèmes de motivation seront réglés ».