Les paninis de Paris-Dauphine, à la chaîne

Dès 7h du matin, Sylvie, serveuse de la cafétéria de l’université Paris-Dauphine, s’active pour la préparation de son service. Quelles tâches à remplir ? Quels produits à utiliser ?

Une vingtaine de gros cartons beiges est empilée près d’une porte blanche. Sylvie, qui est arrivé depuis 5 minutes paraît anxieuse. Elle rouspète tout en enfilant son tablier violet « Je suis vraiment en retard et regardez déjà toutes les commandes qu’on a reçu ce matin ». Nous sommes mercredi 29 novembre 2017 dans le hall de l’université Paris-Dauphine située dans le 16ème arrondissement de Paris, il est 7h05 du matin. Sylvie est la première de son équipe arrivée. Munie d’un trousseau de clés en argent, elle ouvre successivement deux portes qui entourent l’entrée de la cafétéria. L’une mène aux cuisines, l’autre à une pièce sombre où sont stockés de nombreux autres cartons. Il faudra faire une dizaine d’aller-retour entre les deux pièces pour que les plans de travail de la cuisine soient équipés du nécessaire pour la préparation matinale. Une fois les nouveaux cartons placés dans la pièce de stockage, il faut donc se diriger vers la cuisine. La pièce est rectangulaire d’une superficie d’environ 10 mètres carrés. De part et d’autre de la salle, plusieurs plans de travail blancs sont accolés. On y trouve également un lave-vaisselle, un évier en aluminium et une grande poubelle. Une autre salle est accessible par le fond de la cuisine. C’est la salle de cuisson qui a à peu près la même superficie. Elle contient des fours, des plaques de cuisson, un grand frigidaire. Nous n’obtiendrons pas la possibilité de prendre des photos du lieu ni de la préparation effectuée au cours de la matinée.

Préparer dans la précipitation

Sylvie dépose sur les plans de travail de la première salle les derniers sacs de surgelés. La jeune femme de 28 ans travaille ici depuis bientôt 5 ans et comme deux autres matins dans la semaine, elle doit préparer le service pour la journée avant de servir les étudiants jusqu’à 16h. Il lui reste une heure pour remplir l’ensemble des tâches du matin. « La première chose à laquelle il faut penser, c’est faire cuire les croissants et les pains au chocolat » explique la serveuse en ouvrant les portes des trois grands fours situés dans la salle du fond. Des étudiants viennent chercher leur croissant dès 8h15 du matin, il ne faut pas leur faire faux bond. Il faut surtout aller très vite. Sur de grandes grilles en acier, la jeune femme dépose du papier à cuisson qu’elle déchire vivement par un grand geste du bras. Elle y ajoute à la chaîne les viennoiseries surgelées. Certaines sont déposées en vrac sur les grilles qui sont ensuite glissées dans les fours. La cuisson dure 20 minutes, mais pas un seul regard se sera jeté en direction des fours durant ce précieux temps. 

Les pâtisseries, une fois cuites sont placées derrière les vitrines.

Il faut commencer à préparer les sandwichs. Sur de petits chariots à roulette gris, placés contre le mur du fond de la première salle, d’innombrables plateaux en carton marrons et beiges sont empilés. Ils serviront à porter les futurs sandwichs et paninis ainsi que les viennoiseries. Les baguettes de pains et les pâtes à panini viennent tout juste d’être livrées par un boulanger dont le nom n’est pas explicitement donné par la serveuse. Les plateaux sont à séparer et placer les uns à coté des autres sur les plans de travail. Sylvie, le dos courbé, dépose les petites baguettes de pain les unes à la suite des autres et les découpe afin de les ouvrir en deux. Elle se déplace de plateaux en plateaux par de petits pas réguliers. Elle ne relève jamais la tête, absorbée par sa tâche.

Hygiène et traçabilité des aliments

Le pain paraît sec et ne concurrence pas le bon pain alvéolé du boulanger de campagne. La pâte à panini, elle, est anormalement pâle. Dans une caisse en plastique blanc qu’elle sort du frigidaire de la salle du fond, la jeune femme pioche des aliments en tous genres (salade verte, tomates, blanc de poulet, œufs…). « Vraiment tout est frais ici, les aliments sont envoyés par un distributeur tous les jours » assure Sylvie. Un œil avisé pourra toutefois se demander si ces produits sont sains et bons pour la santé. Pas l’ombre d’une traçabilité des articles n’est perceptible dans tous ces aliments qui semblent provenir de la grosse industrie. On ne sent pas non plus de volonté de privilégier des produits bio ou locaux. Nous n’obtiendrons pas d’informations sur les quantités reçues chaque jour. « Pour la garniture, nous devons porter des gants en latex pour l’hygiène, c’est très important. » ajoute la jeune femme tout en s’équipant des gants en question. Les normes d’hygiène sont nombreuses à respecter à l’intérieur de la cuisine. Non seulement une protection est exigée pour la manipulation des aliments mais également le lavage des mains à la reprise du travail après les pauses, à la sortie des toilettes ainsi qu’après manipulation des déchets ou des aliments. 

Tâches répétitives et fatigantes

« On doit souvent faire des aller-retours entre le four, les sandwichs, les livraisons, la caisse, c’est très fatigant, nous n’avons qu’une heure de pause dans la journée et nous devons rester debout continuellement »

Vient la préparation des différentes sortes de sandwichs que Sylvie remplit de leur garniture respective. Encore une fois, le dos courbé, la jeune femme vient placer les aliments par couches. Il est difficile d’obtenir des réponses à des questions posées durant cette tâche que la serveuse exécute hâtivement. Si hâtivement que certains sandwichs restent à peine garnis, tandis que d’autres reçoivent la double dose. . « On doit souvent faire des aller-retours entre le four, les sandwichs, les livraisons, la caisse, c’est très fatigant, nous n’avons qu’une heure de pause dans la journée et nous devons rester debout continuellement » expliquera plus tard la jeune femme. Une journée type, c’est 7h-16h trois fois par semaine et 8h-18h deux autres jours pour chacune des serveuses. Une heure de pause est comptée pour le midi ainsi qu’un quart d’heure une fois le matin, une fois l’après-midi. Le dimanche et le lundi sont jours de repos pour Sylvie. « Je préfère ouvrir le restaurant que de le fermer. Il faut être matinale mais au moins on est au calme et on prépare ce qu’on a à préparer. A 18h, il faut également s’occuper du nettoyage du lieu, de la fermeture de la caisse ainsi que le vidage des poubelles. Ce sont des tâches fatigantes quand on a déjà enchainé 8h de service » raconte Sylvie. Elle se dirige à nouveau vers les fours.

L’indispensable avant ouverture

En plus de sortir les viennoiseries cuites, il va aussi falloir s’occuper de recharger les machines à café. Elles sont situées dans la salle de la cafétéria, derrière le bar où les étudiants arriveront bientôt pour commander leur petit déjeuner. On accède à l’arrière du bar par une porte située sur la droite de la première salle rectangulaire. Quand on se place face à la cafétéria, le bar prend la forme d’un « C » inversé et des tables ainsi que leurs banquettes sont alignées sur la droite du bar. Sylvie remplit les machines de grains de café, d’eau et de lait et lance le contact. Il est 8h10 et Marylin, la responsable, arrivera à la demie. « Elle est très stricte, si je n’ai pas fini la moitié des sandwichs quand elle arrive, elle va râler » murmure Sylvie en courant à moitié en direction de la cuisine. Les effluves de pain au chocolat grillé commencent à embaumer la cafeteria et même le hall tout entier.

Sylvie ouvre la caisse, avant l’arrivée prochaine des étudiants.

Une fois cuites, les viennoiseries sont placées derrière les vitrines. Deux petites vitrines sont situées aux deux extrémités du bar. Elles sont réservées aux paninis, sandwichs et viennoiseries. Une plus grande qui rejoint les deux autres fait place à d’innombrables cannettes de soda. Une petite place de rangement est réservée aux fruits. Le choix n’est pas très varié. Bananes et pommes sont les deux seuls fruits proposés alors qu’une montagne de panini au fromage s’impose à côté d’eux. Les pommes, si vertes et brillantes, paraissent plastifiées. Une fois une part de la nourriture présentée, il faut s’occuper d’ouvrir la caisse puis les grandes portes situées aux deux extrémités de la cafétéria. Une minute s’est écoulée et déjà une étudiante aux cheveux très blonds fait son entrée. Elle est peu aimable, paraît pressée. Elle commande un capuccino et un croissant. C’est avec un ton cordial que Sylvie inaugure sa première commande de la journée. Une fois la monnaie rendue, pas de temps à perdre, retour en cuisine où les corvées sont encore nombreuses. Il n’est que 8h20.

Tiphaine Leproux.

 

 

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