Voici comment l’héritage culturel façonne le quotidien

Alicia, Nadia et Sarah, trois personnalités dont la diversité et la singularité font la force, trois vies bien différentes que tout semble opposer, pourtant trois destins qui se croisent à Paris. Comment leurs religions et/ou leurs origines impactent leur quotidien ?

Alicia, 19 ans, d’origine Algérienne-Tunisienne et juive pratiquante, habite dans le 16ème arrondissement de Paris avec ses parents et ses 2 frères, Benjamin et Léo.

Nadia, 19 ans, d’origine marocaine et musulmane, vit avec ses parents et son petit frère Yacine à Carrières-sous-Poissy dans la proche banlieue parisienne.

Enfin, Sarah, 19 ans, d’origine ivoirienne-sénégalaise, non-croyante, vit avec ses parents musulmans pratiquants, son grand frère Babacar et ses deux petites sœurs Maryam et Anna à Courbevoie.

Les origines et la religion d’Alicia de Nadia et de Sarah ont depuis toujours énormément impacté leur quotidien et leurs vies de famille. Bien que très différentes les unes des autres, certaines de leurs pratiques se rejoignent et se ressemblent. Leur vie de famille est rythmée et façonnée par les pratiques religieuses et /ou traditionnelles héritées de leurs parents.

Cet héritage concerne tout d’abord des valeurs, elles-mêmes transmises par les générations antérieures.

Toutes trois ont été éduquées selon les valeurs de leur religion et/ou selon leurs origines. Alicia, juive, depuis son plus jeune âge a été habituée par ses parents à célébrer le Shabbat le vendredi soir. Elle a depuis intériorisé cette pratique : « C’est un rendez-vous obligatoire, auquel tout le monde doit être présent ». Selon elle, au-delà d’être une pratique religieuse, la célébration du Shabbat constitue une réelle tradition qui se perpétue de génération en génération.

Table préparée à l’occasion de la célébration du Shabbat, à Deauville.

Sarah a été élevée selon les valeurs africaines : « La culture africaine joue dans mon éducation ; mes parents tentent de me transmettre ses valeurs telles que le partage et la solidarité ». En revanche bien que ses parents soient tous les deux très pieux et pratiquants, ils ne lui ont pas transmis la religion musulmane qu’ils partagent, ni leur langue, le bambara pour sa mère et le wolof pour son père.

Pour Nadia, franco-marocaine, « le Maroc et ses traditions remplissent ma vie et mes habitudes : la langue parlée à la maison est le dialecte marocain ». Bien que ses parents soient arrivés très tôt en France (à l’âge d’1 an pour son père et 9 ans pour sa mère), Nadia, son frère et sa sœur ont reçu, comme Nadia aime le dire, une éducation « à la marocaine », basée sur le respect. Nadia explique : « Notre mère nous a formés dès notre plus jeune âge aux respect des anciens, chose très très importante dans la culture marocaine, et elle a développé en nous une sorte d’attache à la famille toute entière puisque selon elle « c’est la chose la plus importante dans ce bas monde » ».  Leur mère marocaine, Rajaa, qui avait reçu une éducation plutôt dure, s’est inspirée de sa vie pour que ses enfants ne connaissent pas les mêmes souffrances. En ce sens, elle leur a laissé libre choix d’être pratiquant ou non, en leur exposant les faits et règles de l’islam sans pour autant leur imposer.

 

Depuis petites, les croyances religieuses et coutumières de Nadia et d’Alicia ont aussi façonné leur quotidien. Elles ont depuis leur enfance intériorisé certaines coutumes et supersitions d’Afrique du Nord. Par exemple, Nadia, musulmane, a pris l’habitude de prononcé le mot « Bismillah » lorsqu’elle prend place dans une voiture ou qu’elle entre dans une maison qu’elle ne connait pas. Selon sa religion, cela protègerait des accidents et des mauvaise esprits. Quand à Alicia, juive, a pris l’habitude, à chaque fois qu’elle entre et sort de son appartement, d’embrasser ses mains après avoir touché la Mezouzah, un boitier contenant deux passages bibliques écrits sur un parchemin et accroché à la porte d’entrée. Selon la religion juive, cela permettrait de protéger la demeure et ses habitants à l’intérieur de la maison comme à l’extérieur. D’autres Mezouzah sont également placées à la porte de chaque pièce de la maison.

C’est un héritage qu’elles envisagent à leur tour transmettre ; origines et religion façonnent donc également leur conception de l’avenir.

Plus tard, Sarah, Nadia et Alicia souhaiteraient transmettre les valeurs de leur religion et/ou de leur pays d’origine à leurs enfants.  Pour Alicia et Nadia, même si leur mari n’est pas de confession juive ou musulmane, et bien qu’il soit difficile de se projeter maintenant, elles souhaiteraient transmettre leurs valeurs religieuses, composantes essentielles de leur personnalité et de leur vie, à leurs enfants pour qu’ils puissent à leur tour les transmettre. Quant à Sarah, elle souhaiterait transmettre les valeurs africaines à ses enfants et retourner régulièrement en Côte d’ivoire et au Sénégal sans pour autant y vivre.

De manière très pratique, ces valeurs s’incarnent dans un mode de vie qui attache une grande importance au partage et à la famille.

Alicia, Sarah et Nadia, portent une grande importance aux rassemblements de famille religieux ou communautaires. Par exemple, la famille marocaine de Nadia a l’habitude de se rassembler lors d’événements tels que les anniversaires. Membre d’une famille de 71 personnes, Nadia porte beaucoup d’importance à ces grands rassemblements.

Sarah a aussi l’habitude des rassemblements avec une grande partie de sa famille à l’occasion des anniversaires et se rappelle du mariage traditionnel sénégalais-marocain de son oncle : « Une odeur d’encens flottait, on était en comité très restreint, c’est-à-dire le cercle familial très proche des deux futurs mariés. Tout le monde portait des vêtements traditionnels, c’est-à-dire des djellabas et les femmes adultes et musulmanes portaient des voiles mais les femmes de ma famille chrétienne n’en portaient pas. Il y a eu une série de prières puis on a dégusté des plats traditionnels sénégalais et marocains, les deux cultures qui se mariaient ».

Enfin, Alicia, juive, a également l’habitude des grands rassemblements familiaux qui rythment sa vie quotidienne. A l’occasion de grandes fêtes qui représentent un moment de l’histoire juive, les familles se rassemblent pour les célébrer ensemble en respectant les traditions : « La fête du Kippour représente le Grand Pardon et Roch Hachana le nouvel an. A l’occasion de la Pessa’h, nous n’avons pas le droit de manger de la farine mélangée à de l’eau car cela rappelle l’époque où les juifs fuyaient l’esclavage en Égypte et quand ils ont dû traverser le désert sans avoir eu le temps de faire lever le pain ».

 

Ces rassemblements sont naturellement l’occasion de préparer des plats traditionnels ; la cuisine est donc également un domaine particulièrement influencé par les origines et les traditions.

Alicia, Sarah et Nadia ont l’habitude avec leur famille de déguster des plats traditionnels. Tandis que Sarah mange régulièrement des plats traditionnels, au sol, sur une natte, Alicia mange chaque vendredi des plats traditionnels tunisiens et algériens à l’occasion de la célébration du Shabbat et Nadia mange essentiellement des plats marocains à partager dans un seul plat. Jeudi 8 février, la mère de Nadia, Rajaa, marocaine, avait par exemple cuisiné un couscous que nous avons partagé ensemble dans le même plat. Rajaa confie que cela ne fait pas longtemps qu’elle a pris l’habitude de manger avec des couverts et non plus avec ses doigts comme cela se fait traditionnellement au Maroc.

Couscous à partager dans un seul plat, cuisiné par la mère de Nadia

Petits gâteaux marocains préparés par la mère de Nadia à l’occasion d’un anniversaire

 

Thieboudienne: plat traditionnel Sénégalais cuisiné par le père de Sarah.

Cet attachement à la communauté familiale et à son héritage façonne également leurs relations avec le monde extérieur ; leurs origines ont des conséquences sur leurs cercles d’amis, leurs relations. C’est peut-être dans ce domaine que leurs attitudes sont les plus diverses :

Alicia, juive, confie vivre dans un environnement où beaucoup sont de même confession religieuse qu’elle : « Beaucoup de mes amis sont juifs, ce qui résulte peut-être inconsciemment du choix de quartier de mes parents (quartier juif du 16ème arrondissement de Paris). Même si j’ai étudié dans un lycée public, une majeure partie des élèves étaient juifs, ce qui m’a amenée à reproduire certains comportements et coutumes de la sphère familiale dans ma sphère scolaire. Je me retrouve d’ailleurs parfois avec mes amis dans la sphère religieuse : lorsque je célèbre les grandes fêtes juives à la synagogue, mes amis sont souvent là aussi. Mes amis ne sont bien entendu pas tous juifs mais je suis forcée d’admettre qu’avant d’arriver à Dauphine, la diversité de mon entourage était beaucoup plus restreinte qu’aujourd’hui ». L’importance du lien communautaire dans le cas d’Alicia semble avoir différé les rencontres avec des personnes à l’extérieur de ce cercle.

Quant à Nadia, franco-marocaine, sa mère a toujours conseillé à ses enfants de fréquenter des personnes d’autres origines et d’autres confessions pour qu’ils ne restent pas « qu’entre eux » mais plutôt qu’ils découvrent d’autres horizons et d’autres cultures. Pour Nadia, « le Maroc, bien que nous n’y soyons pas nés, fait partie complète de nos vies mais ce n’est pas pour autant que nous sommes reclus dans cette origine ». Selon Nadia, c’est grâce à cette incitation à l’ouverture, qu’elle se sent aujourd’hui autant française que marocaine : « D’un côté j’ai toujours vécu en France et tous mes amis sont français et de l’autre ma famille et mes valeurs sont au Maroc ». 

Enfin, Sarah, caractérisée par une grande curiosité et une facilité à aller vers les autres s’est facilement liée d’amitié avec de nombreuses personnes de divers horizons.

 

Enfin, Nadia, Sarah et à Alicia se rejoignent sur un dernier point : en se liant d’amitié avec des personnes d’autres origines et religions, elles leur transmettent aussi certaines pratiques et partagent ce qui comptent pour elles.

Par exemple, Nadia aime apprendre certains mots en marocain à ses amis : « Je trouve ça drôle la façon dont ils prononcent les mots et aussi le fait que ça les fassent rire ». Alicia aime partager avec ses amis d’autres confessions, les photos ou les vidéos de traditions juives comme la Bar Mitzvah de son petit frère, ou encore faire écouter certaines chansons et musiques traditionnelles juives.

Elles ont donc réussi à préserver leur diversité et leur singularité tout en les partageant avec les autres. Si leur héritage culturel façonne leur vie quotidienne et leur manière d’être, il est également inévitablement source de curiosité et ainsi occasion de questions, d’échanges et d’ouverture. Dans quelques mois, Sarah et Alicia partiront étudier à Shanghai tandis que Nadia s’envolera pour Montréal. Elles emporteront, là-bas, une part de leurs ailleurs.

 

Emma LEBLOND

 

C’est un très bon travail. il faudrait accentuer encore les aspects du reportage et on a parfois tendance à se perdre entre les personnages. il faut aider le lecteur avec des trucs d’écriture pour que l’on s’y repère mieux avec ces trois jeunes femmes aux prénoms en « a ». vu la longueur de l’article on pourra encore enrichir un peu plus ( des vidéos ? que peut on trouver ?)

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