Samedi 17 novembre 2018, à 20h31, des voyageurs patientent sur le quai du RER A, à la station de métro Charles de Gaulle Etoile.

Le froid piquant de l’hiver s’est infiltré jusqu’au quai, et les voyageurs qui patientent frissonnent lorsque l’air glacial souffle sur leur peau.

La plupart des voyageurs attendent assis, emmitouflés dans leurs manteaux d’hiver. Plus de la moitié sont sur leur portable.

Les haut-parleurs crachent de leur voix grésillante le message de prévention sur les pickpockets, telle une litanie en français, anglais, espagnol, allemand.

La trotteuse de la grosse horloge au-dessus du quai raisonne.

Deux femmes parlant chinois arpentent le quai en regardant d’un air interrogateur l’écran d’affichage.

L’une des femmes attendant le RER assise sur le banc s’énerve subitement au téléphone. Elle a une cinquantaine d’années, les cheveux grisonnant et bouclés, des grandes lunettes noires, un physique imposant, et deux grands sacs de courses à ses pieds.

Deux hommes assis près de distributeurs de boissons et de snack discutent de la manifestation des gilets jaunes qui se déroule quelques dizaines de mètres au-dessus de leur tête, avenue des Champs-Elysées et dans toute la France. Les deux hommes sont noirs, l’un plutôt petit et fin, porte un bonnet. Le second est plus grand, environ 60 ans. Le ton hausse entre les deux hommes :

« Ce n’est pas une situation pour le pays »

« On est taxé de tous les côtés, moi je ne peux plus, je n’arrive plus, je ne vais plus pouvoir rien faire. Y en a marre. Je suis content de voir que des gens se mobilisent pour changer tout ça. Et puis j’espère que ça va durer sur le long terme. Je paye plus de 80 euros le plein, je ne peux plus vivre hein. Trop c’est trop. »

« Et tu penses que c’est intelligent d’empêcher les gens d’aller travailler pour ça ? Il faut faire des choix dans ce pays, il faut faire le nécessaire pour les personnes dans le besoin, il faut penser à l’écologie et il faut que les politiques… »

La voix de l’homme au bonnet est coupée par l’appel d’air créé par le RER A qui arrive à grande vitesse dans la station.

Les passagers se lèvent dans un même élan et se précipitent dans la rame.

Clara Cerrato