Ces agriculteurs qui passent au bio pour défendre l’environnement

Stand de l'agence bio, Hall 4, parc des expositions, Porte de Versailles, Paris

Du 23 février au 3 mars 2019 se tenait le salon international de l’agriculture au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris. L’occasion de promouvoir une agriculture qui suscite un intérêt grandissant de la part des français : l’agriculture biologique.

« Papa regarde! », s’exclame vivement un jeune garçon émerveillé  qui vient de remarquer la présence de deux bovins de race Hereford, et de deux autres de race Angun couchés sur leur lit de paille. Blouson rouge sur le dos, le petit garçon tente d’attirer l’attention de son père pour lui faire profiter de sa trouvaille.

Le garçonnet a également pu admirer à quelques encablures de l’enclos qui a retenu son attention, la vache Imminence, égérie du salon cette année. Une vache de race bleue du Nord ayant élu résidence porte de Versailles pour le plus grand plaisir des petits comme des grands.

Le choix de l’égérie de l’édition 2019 du salon est assez pertinent.  La race bleue du Nord est élevée dans le parc naturel régional de l’Avesnois, premier territoire bio des Hauts-de-France. Le bovin a failli disparaître au cours du siècle dernier. Désormais la race est sauvée alors on chouchoute l’animal comme on peut. L’agriculture biologique a donc été mise en place pour le préserver.

71 % des Français consomment du bio au moins une fois par mois 

Une étude menée par l’Agence bio en 2016 démontre que désormais, 71 % des Français consomment du bio au moins une fois par mois et 17 % tous les jours. Face à une nouvelle demande toujours plus importante, le secteur agricole réagit. La plus grande ferme de France regorge ainsi de stands mettant en avant la protection de l’environnement, ou tout simplement de stands promouvant l’agriculture biologique. Les grands groupes industriels n’hésitent pas à afficher de façon bien visible leur engagement en faveur du respect de l’environnement, de Fleury Michon à Lu en passant par McDonald’s. Le bio et la protection de l’environnement semblent désormais avoir la côte au salon.

L’agriculture biologique, défenseur de l’environnement 

Le Hall 4, qui se détache nettement des Hall 1 et 3, singulièrement bruyants, accorde une place particulière aux producteurs qui ont choisi d’effectuer la conversion agricole et ainsi de passer d’une agriculture conventionnelle à une agriculture biologique. Gilles Cicero et Mélanie Hoff, tous deux producteurs bios y sont exposants cette année.

«Tout ce qu’on met dans la terre se retrouve dans les aliments » avance Gilles Cicero 

Gilles Cicero, 40 ans, silhouette longiligne, chapeau de paille vissé sur la tête, est agriculteur et boulanger bio en Savoie depuis 2014. « Je suis tombé gravement malade il y a quelques années » explique le savoyard qui s’est rendu compte qu’une mauvaise alimentation impactait directement notre santé.

 

« Tout ce qu’on met dans la terre se retrouve dans les aliments » avance Gilles Cicero pour justifier son besoin de mettre en place une agriculture biologique sur les 20 hectares de terre dont il a fait l’acquisition récemment.

 

L’agriculteur a pu se lancer grâce à l’association Terre de liens. Pour lui, il s’agit d’une solution avantageuse pour sauver les terres agricoles.Cette association met en relation des néo-agriculteurs désireux de trouver une exploitation et des terres ayant justement besoin d’être exploitées. L’agriculteur regrette le fait que le bio ne soit pas assez représenté au salon et souhaite encourager les générations futures à changer de mode de consommation. Il prône une consommation plus raisonnée.

Selon Gilles Cicero, le passage vers une agriculteur biologique plus massive permettrait de résoudre de nombreux maux de notre société tels que les problèmes environnementaux en premier lieu. Encourager l’agriculture biologique permettrait également de redonner du travail aux gens et d’œuvrer pour une repopulation des territoires. « Aider l’agriculture c’est aider la société de demain » estime le paysan, qui défend le retour à une agriculture plus humaine et s’oppose à une mondialisation qui à son sens, est allée trop loin.

L’agriculture bio est désormais certifiée depuis 1985 et la création du Label AB. AB pour agriculture biologique.  Le label est grandement mis en avant sur le stand de l’agence bio à quelques pas du stand Terre de liens où Gilles Cicero échange volontiers avec les visiteurs curieux d’en apprendre davantage sur l’association ou sur son parcours. Sur le stand de l’agence du bio est présente Julie Potier, 42 ans et présidente depuis 2017 de l’association Bio Consom’acteurs.

Entre sa récolte de signatures pour une pétition visant à interdire les pesticides et la sensibilisation des plus petits sur l’alimentation biologique à l’aide de jeux interactifs, elle accepte volontiers de livrer ses impressions sur l’état du bio dans notre pays. Pour elle, le label AB même s’il est intéressant sur un point de vue production ne va pas assez loin sur le volet social. Elle n’hésite pas non plus à mettre en cause l’État, qui, à son sens n’a pas été assez efficace avec les fameux états généraux de l’alimentation pour développer la filière bio en France.

Passer au bio n’est pas donné à tout le monde

En face du stand de l’association Terre de liens, se tient un autre stand mettant également en avant l’agriculture biologique : le stand de la confédération paysanne. Mélanie Hoff y est présente. Cette agricultrice de 40 ans implantée en Moselle gère une exploitation de 215 hectares avec son mari et son beau-frère. Chez la famille Hoff : élevage de chèvres Angora, de vaches Limousine et production de céréales destinés à la vente et à nourrir les bêtes de l’exploitation.

À la différence de Gilles Cicero, Mélanie Hoff n’a pas toujours utilisé le bio sur son exploitation. La conversion s’est opérée en mai 2018 grâce à des aides financières de l’État. L’exploitation familiale est désormais plus rentable, les prix de vente de l’agriculture bio étant plus élevés. L’argument financier n’est toutefois pas ce qui a décidé Mélanie Hoff à passer au bio. Comme Gilles Cicero, la nécessité de protéger l’environnement était au cœur de la décision. Un besoin d’en finir enfin avec la dépendance aux pesticides s’est également fait ressentir chez l’agricultrice.

Mélanie Hoff ne jette toutefois pas l’opprobre sur ceux n’ayant pas effectué la conversion vers l’agriculture bio. Pour elle, certaines fermes sont difficilement convertibles. Ne disposant pas des ressources nécessaires, comme du fumier naturel pour fertiliser les sols, la conversion peut s’avérer particulièrement onéreuse.

« J’estime respecter l’environnement » affirme par exemple un agriculteur rencontré dans le Hall 1. Bertrand Toueille agriculteur de 59 ans dans la Mayenne confirme les propos de Mélanie Hoff.

Selon lui, la bio est très difficile à mettre en place techniquement. L’éleveur promet toutefois œuvrer pour le respect de la nature, et utiliser des pesticides uniquement en cas de nécessité.

Les syndicats agricoles pas vraiment bio-compatibles 

Dans le Hall 4 est également présente la FNSEA, syndicat professionnel agricole majoritaire en France. Gilles Prieur, secrétaire général adjoint de la FNSEA était au salon cette année. En d’autres termes, le numéro cinq du syndicat. Il détaille sans rechigner la position de la FNSEA concernant l’agriculture biologique qui a de plus en plus le vent en poupe dans l’hexagone. La FNSEA travaille sur les territoires afin d’accompagner les agriculteurs qui souhaitent effectuer la conversion vers le bio.

Stand de la FNSEA

Les aides à l’agriculture biologique sont toutefois vues d’un mauvais œil par monsieur Prieur et la FNSEA. Car si le syndicat est enclin à aider les agriculteurs à effectuer la transition vers le bio, il estime que le marché et uniquement le marché doit être rémunérateur. Les agriculteurs biologiques ne peuvent donc pas compter sur un soutien sur le long terme du syndicat pour trouver une aide financière nécessaire à leur exploitation.

Alexis Cécilia-Joseph