Si réussir ses études à Paris-Dauphine n’est pas une tâche facile, le défi apparait encore plus grand pour ceux qui gèrent en même temps une entreprise. En effet, de plus en plus d’étudiants se lancent dans la création d’entreprise pendant leurs études. Comment arrivent-ils à concilier leur vie étudiante et leur projet professionnel ? L’entreprenariat est-il un frein à leur investissement scolaire ? Quel sont les conséquences de ce double-statut d’étudiant et de chef d’entreprise ?
Samedi 30 mars 2019, 6ème étage de l’université Paris Dauphine. La bibliothèque est quasi-déserte, peut-être que l’heure matinale et le beau soleil de printemps à l’extérieur en sont responsables. Dans la salle qu’elle a réservée, Alfreda Houenou alterne entre appels téléphoniques et prise de notes sur son ordinateur. « Je consacre mon samedi matin à établir le planning de la semaine suivante ainsi qu’à la paperasse comme la comptabilité, les commentaires sur les élèves que j’ai eus en cours la semaine passée etc. ». En effet, auto-entrepreneuse et étudiante, la jeune femme a un planning chargé. À la gestion de sa petite entreprise de soutien scolaire s’ajoute la charge de travail de la deuxième année de DEGEAD. « C’est assez contraignant et j’essaye de cumuler ces deux activités au mieux, sans en sacrifier aucune » confie Alfreda. L’étudiante de 20 ans propose des cours d’aide aux devoirs pour les élèves de niveau collège ou lycée et dispense ses leçons le week-end ou le soir en semaine, lorsqu’elle n’a pas de cours pour sa licence à Dauphine.
« Il faut être parfaitement organisé pour ne pas se laisser dépasser par les événements. Le plus compliqué est souvent lorsque les profs déplacent un de leur cours dans la semaine, ils n’imaginent pas les conséquences pour les élèves comme moi… J’ai alors le choix entre appeler en urgence les parents pour les prévenir et potentiellement perdre des clients ou bien rater le cours. Heureusement, cela ne se produit pas souvent et puis la plupart des professeurs sont conciliants et m’autorisent à ne pas venir. »
La jeune femme devient un peu moins enthousiaste lorsqu’elle pense aux conséquences de cette activité sur ses études : « c’est une expérience super, mais il n’y a aucun doute qu’elle a des répercussions sur ma scolarité et surtout sur mes notes. Je suis toujours en train de courir à droite ou à gauche et c’est parfois compliqué de pouvoir rester totalement concentrée sur les cours. ».
Grégoire C. aussi a expérimenté cette situation difficile où il faut rester concentrer sur les exigences Dauphinoises tout en gérant les activités de son entreprise. C’est pour cette raison que le jeune homme, fondateur de iTechCase et de OCO, conseille aux jeunes qui veulent se lancer dans l’aventure entrepreneuriale de commencer au lycée ou de faire une année de césure.
« Les premières années sont les plus dures et les plus énergivores », Grégoire C.
Le jeune homme a créé sa première boîte à 17 ans, alors qu’il redoublait sa seconde. Un voyage aux États Unis et une passion innée pour le commerce le poussent alors à créer iTechCase, une entreprise qui commercialise des coques pour smartphones et tablettes essentiellement sur des plateformes comme Amazon ou Cdiscount. Il a construit son site pendant les vacances de la Toussaint, a acheté 300€ de marchandises et l’entreprise était lancée. En terminale, Grégoire s’engage dans un nouveau projet qu’il détaille dans cette vidéo de Pépite France. C’est grâce à ce projet qu’il est sélectionné pour suivre le programme « talent » de Dauphine lors de la promo 2016, la première à accueillir des entrepreneurs.
Pour cet étudiant-entrepreneur, « ce programme est un ovni éducationnel, une super initiative de la part de Dauphine. J’en attendais beaucoup mais malgré l’emploi du temps aménagé, c’est très difficilement conciliable ». En effet, trop investi dans ses projets professionnels, Grégoire redouble deux fois sa L2. « Ce programme permet d’allier ma passion et mes études mais les cours paraissent vite théoriques lorsqu’on vit à côté une aventure entrepreneuriale intense, avec des rencontres, des voyages, et qu’on y est totalement dévoué. Je pense à mes projets et mes entreprises constamment, c’est une passion donc j’y consacrais au début environ 8 heures par jour, toute la semaine. En effet, les premières années sont les plus dures et les plus énergivores, on est seul, on fait face à de nouveaux problèmes, il y a beaucoup de travail. Une fois que l’entreprise commence à grossir en revanche, on commence à avoir du temps qui se libère. ».
Raphaël Sultan, étudiant en deuxième année de licence DEGEAD à Paris-Dauphine, connait aussi cette période épuisante. Pour lui, « le plus dur n’est pas d’avoir des ventes, c’est de gérer tout ce qu’il y a autour : les fournisseurs, les stocks, le service client, la comptabilité, la recherche de nouveau produit. ».
Pour réussir à la fois leurs études et leur projet professionnel, les étudiants doivent être passionnés, déterminés et sérieux
Alors qu’il recommençait sa première année de licence à Dauphine, Raphaël a créé Luxury For All, un e-commerce commercialisant montres, bagagerie et objets du quotidien. Raphaël nous confie qu’allier les études et l’entreprenariat requiert d’être sûr de ses objectifs et passionné : « tout mon temps de loisirs est dédié à l’entreprise. Du coup, il est difficile de concilier une vie sociale avec cette activité et les études. Il faut faire un choix, personnellement j’ai choisi ma passion et laissé de côté les soirées, l’engagement associatif étudiant dauphinois etc. Même sans ces activités, j’ai traversé des périodes compliquées, notamment la période de novembre-décembre, où Luxury For All requérait toute mon attention à l’approche des fêtes de Noël avec une explosion des ventes et la période des contrôles continus à l’université. ».
Les chiffres de Luxury For All du 1er Novembre au 31 Janvier
Pour ces étudiants qui ne veulent pas choisir entre leur qualité entrepreneuriale et des études prestigieuses, combiner leur licence à Paris-Dauphine et leur entreprise permet à la fois d’avoir la sécurité du diplôme en cas de reconversion ou d’échec de leur projet mais aussi de continuer à acquérir des connaissances théoriques, à rencontrer de nouvelles personnes, à accéder à des opportunités comme pouvoir demander le soutien de l’incubateur de l’université.
Ainsi, les maitres mots de l’autoentrepreneur-étudiant qui réussit semblent donc être l’organisation, l’efficacité et la rigueur.
Clara Cerrato