Jeudi 14 mars, l’ensemble des étudiants de deuxième année de Licence de Science des Organisations (LSO) de l’Université Paris-Dauphine ont été conviés à une table ronde dans le cadre des Ateliers Trajectoires. Le programme « bien-être » de l’Université a tenté de proposer quelques conseils pour affronter sereinement ses études à l’étranger.
Seule une petite trentaine d’étudiants de deuxième année encore endormis s’est réunie dans l’amphi A2+3 de l’Université Paris-Dauphine. Dehors, le jour rechigne à se lever et le reste de la promotion semble avoir suivi son exemple. Beaucoup plus souriants, intervenants et associés curieux du programme sont installés sur les deux premiers rangs. Les trois intervenantes discutent avec l’élève invité pour parler de son expérience quand Catherine Chouard, responsable des Ateliers Trajectoires, prend le micro. Elle invite les étudiants à se lever pour commencer cette table ronde par un réveil tonique. C’est parti pour quelques étirements.

Fiche d’invitation des étudiants à l’Atelier Trajectoires du 14 mars
Depuis 2016, l’Université Paris-Dauphine a mis en place des Ateliers Trajectoires pour aider leurs étudiants à affronter les questions porteuses de stress : l’échec, l’insertion professionnelle, voire ici la mobilité. Sur l’estrade Vaitea Jacquier, chercheuse spécialisée dans l’interculturalité et la mobilité, lance la présentation en demandant aux étudiants de se connecter à une plateforme en ligne. Première question : Où partez vous l’année prochaine? Seul trois étudiants présents ne partiront pas.
La présentation se construit autour de la problématique du départ. Les différentes intervenantes, Eloïse Capet et Mireille Briens, stimulent l’échange en se répondant l’une l’autre. La première est directrice adjointe des innovations et transformations pédagogiques de l’Université. La seconde est professeure du MBA en Management des Ressources Humaines à Dauphine et fondatrice d’Eurythmie Consulting, cabinet de conseil dans le même domaine. Toutes deux cherchent à aider les étudiants à appréhender correctement leur départ, le voyage en lui-même… et leur retour.
Pour cela, elles ont préalablement recueilli le témoignage de Vincent. Actuellement à Boston, son échange vidéo est retransmis dans l’amphithéâtre. Mais c’est aussi pour cela que Tom est là. De retour de Hong Kong, le jeune dauphinois évoque son expérience avec émotion : « Je ne connais personne qui n’ait pas adoré son échange. C’était une super expérience, au-delà de mes attentes. »

De gauche à droite, les intervenants du jour : Vaitea Jacquier, Eloïse Capet, Tom et Mireille Briens (Photo : Marie Heymann-Servoin)
« L’idée n’est pas de renoncer à piloter le navire mais d’admettre qu’on ne peut pas piloter l’Océan » – Mireille Briens
« On a tous une petite voix intérieure qu’on a du mal à écouter parce que les filtres font beaucoup de bruit tout autour », explique Mireille Briens. Les coaches insistent sur la nécessité de s’écouter soi, nos envies, nos appréhensions et de se préparer à ce qui ne peut pas l’être pour affronter sereinement sa mobilité. « Se préparer à l’imprévisible est paradoxal mais il faut accepter de lâcher prise », ajoute-t-elle avant de reprendre une citation qui lui tient à cœur mais dont elle a oublié la source : « L’idée n’est pas de renoncer à piloter le navire mais d’admettre qu’on ne peut pas piloter l’Océan ».

Mireille Briens devant les étudiants (Photo : Marie Heymann-Servoin)
C’est aussi pour cela que les coaches ont décidé de présenter cet atelier sous forme de table ronde. Certains sont partis avant les étudiants de cette salle, en témoignent ici Tom et Vincent, et d’autres partiront après eux. « Face aux difficultés, il faut réussir à se dire : c’est comme ça, je l’expérimente, je l’accepte et je vais m’habituer. Au final, vous en tirerez une grande fierté et vous aurez quelque chose en plus dans votre bagage » explicite Mireille Briens. Le fond du programme des Ateliers Trajectoires ressort alors : il faut accepter de se faire confiance, de se tromper et/ou d’avoir besoin d’aide.
« Même si vous ne partez pas, tout cela vaut aussi pour votre vie professionnelle. Vous rentrez aussi dans un univers différent dans lequel vous devez apprendre de nouveaux codes. C’est une expérience humaine », déclare Catherine Chouard, une heure et demie après son réveil tonique. Elle conclut sur ces mots, laissant les élèves fuir vers leurs salles de classe : « Nous ne sommes pas là pour imposer le programme, mais pour proposer. Ça aussi c’est un voyage. »
Des ateliers qui ne convainquent pas les étudiants
Les réactions sont mitigées. Priscille, qui partira en Angleterre l’année prochaine, est plutôt déçue : « C’était trop axé sur le positif et pas assez sur comment nous préparer concrètement. » Romane prépare elle son départ pour le Canada : « L’atelier m’a aidé à poser des mots sur certains de mes ressentis. » Margerie et Paul, deux des étudiants ayant assisté à la table ronde sans partir l’année prochaine s’accordent quant à eux sur l’intérêt des témoignages mais déplorent que la question ait été si centrée sur la mobilité à l’étranger.
Dans les couloirs, alors que les cours s’apprêtent à reprendre, les absents se justifient. « Ne partant pas en mobilité, j’ai estimé que ça ne servait à rien », déclare Sophie, haussant les épaules. Autre raison invoquée, le grand nombre de contrôles continus qui stressent beaucoup les élèves. « Les ateliers en classe, on y va parce que c’est obligatoire pour valider notre année. Mais là, autant travailler. »

La participation aux Ateliers Trajectoires vient majoritairement de leur caractère obligatoire. (Etude réalisée par Juliette Pedram, Marthe Neidhart et Jules Rybojad dans le cadre de leurs études en Sciences Politiques)
Juliette Pedram, ancienne dauphinoise réorientée en sciences politiques à la Sorbonne, mène une enquête sur les Ateliers dans le cadre de ses études. Elle confirme la tendance. « Dans le sondage que j’ai fait circuler, sur 80 élèves ayant répondus, 76 ont déclaré être allés à tous les ateliers. Plus de 60% n’irait pas s’ils étaient facultatifs mais 82,5% pensent qu’intégrer le bien-être dans leurs études est pertinent. »

L’intégration du bien-être dans le cadre universitaire est pertinent pour une grande majorité (Etude de Juliette Pedram, Marthe Neidhart et Jules Rybojad)
Les élèves de première et seconde années de licence ont 1h30 d’Ateliers Trajectoires par semestre. Tous saluent les aides concrètes du programme qui peuvent les aider à se préparer au monde du travail. Mais globalement, les étudiants restent mal à l’aise lors des groupes de travail. « C’est difficile de répondre aux attentes personnelles dans une classe de trente personnes. En plus, on reste face à des gens en qui on n’a pas forcément confiance. Ou qu’on ne connaît pas suffisamment pour se confier », souligne Priscille. « Pour lutter efficacement contre le stress, ça doit se faire plus régulièrement, et sûrement pas en contraignant les élèves », ajoute Paul.

source : groupe facebook des étudiants de Dauphine
L’organisation du programme ne convainc pas les étudiants. Loin de les aider à gérer leur stress, les Ateliers deviennent une contrainte. A l’administration de trouver un modèle plus efficace.
Pour aller plus loin:
Marie Heymann-Servoin