Fauteuils rouges, écran blanc, raies de lumière… C’est dans une sombre salle de cinéma qu’est projeté le dernier film de Ken Loach. Sous le regard impassible d’un employé, les couples prennent place face à l’écran.
Une odeur de parfum raffiné flotte dans l’air. C’est chacune leur tour, aux côtés de leurs maris, que ces dames entrent dans la salle. Elles se sont toutes pomponnées pour l’occasion. Mais l’importance de cet évènement semble quelque peu relative… l’odeur lourde et sucrée des pop-corn nous rappelle le lieu populaire où est projeté le film du célèbre Ken Loach.
La salle est plongée dans une obscurité presque complète. De minces filets de lumière s’échappent des portes de secours. Le noir semble engloutir les couleurs des manteaux, des chapeaux, des écharpes et des pulls de chaque spectateur. Seul le rouge des fauteuils résiste à cette obscurité abyssale. Face à l’écran blanc, les dizaines d’assises paraissent si rembourrées que n’importe qui, un jour, a dû se questionner sur leur relatif confort. Ce soir-là, personne ne semble se poser la question et tous s’installent aisément.

Accoudé à la rampe d’escaliers, un homme observe l’effervescence de la salle. Sous son épaisse moustache, pas la moindre esquisse d’un sourire. Pour ce cinquantenaire placide, cette scène doit sembler des plus banales. Sur son visage, des traits fatigués témoignent du temps qu’il a passé à regarder cette valse de spectateurs. Ce soir encore, lunettes sur le nez, c’est sans inquiétude qu’il patiente et s’assure du bon déroulement de ce début de séance. Les spectateurs ne le remarquent pas et poursuivent leurs conversations.
Soudain, les maigres lumières s’éteignent. Les chuchotements enjoués laissent place à un silence serein. Tous les regards se tournent vers l’écran. Le film commence.
Suzanne Bouaouli
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