C’est sur la scène du Scénacle, à Besançon, que des jeunes réfugiés de l’association Sol Mi Ré se sont exprimés ce samedi 29 février. Lors de cette soirée, une centaine de spectateurs étaient présents pour applaudir ces comédiens d’un soir qui leur ont raconté, par les gestes et les mots, des fragments de leurs histoires personnelles. Un spectacle empli d’émotions tant pour le public que pour les comédiens.
« Bienvenue en France ! », clame un spectateur à la fin de la représentation. C’est à Besançon, dans la petite salle du Scénacle, ce samedi 29 février, que douze apprentis comédiens se sont produits. Dix d’entre eux sont des réfugiés mineurs ou en attente d’une reconnaissance de minorité. Certains, sont scolarisés dans la classe d’Unité Pédagogique pour élèves Allophones Arrivants (UP2A) du Lycée Louis Pergaud de Besançon. Deux lycéens du Lycée Louis Pasteur, de Besançon également, se sont joints à eux dans cette aventure artistique.
La centaine de personnes présente dans le public les applaudit, les acclame et les rappelle. Quant à eux, ils saluent la salle, sourire aux lèvres pour certains, modestie dans les yeux pour d’autres.
À l’initiative de la commission culture de l’association Sol Mi Ré (Solidarité Migrants Réfugiés), « cette soirée festive et solidaire a été entièrement organisée par les jeunes réfugiés, du repas, au spectacle, en passant par l’animation », explique Odeline, bénévole de l’association depuis 2016, date de sa création.

Un échange avec les spectateurs
Après cinq jours de stage, les réfugiés volontaires ont pu jouer sur scène l’extrait de la pièce « Du piment dans les yeux », écrite par Simon Grangeat. « Ils m’ont tellement émue pendant ce stage que j’ai décidé que certains intégreront le spectacle professionnel du 27 mai », explique Marilyn Pape, la metteuse en scène qui les a encadrés pendant cette expérience artistique.
A l’issu de cette représentation, un échange avec les spectateurs s’est tenu. « J’héberge quelqu’un qui est sur la scène ce soir », témoigne une femme assise au cinquième rang. « Voir ce que fait l’association pour ces jeunes apaise ma colère, la colère que j’ai contre les gens qui ne font rien et contre la situation actuelle ».
Qu’ils viennent du Tchad, d’Erythrée, de Côte d’Ivoire, d’Irak, de Guinée ou de Biélorussie, c’est par les mots et les gestes qu’ils ont trouvé le courage de raconter sur scène un morceau de leur histoire ou celle des autres. « Tu rames dur », « Au bout de plusieurs tentatives, tu te retrouves au large », « Les vagues sont hautes, très hautes », déclament-ils tour à tour, entassés dans leur canot de fortune imaginaire.
« En dehors du théâtre, on n’en parle jamais »
Pour Ismaël, jeune réfugié ivoirien, ce furent ses premiers pas sur scène. « Jouer cette pièce m’a procuré beaucoup d’émotions, puisque j’ai déjà vécu, pour de vrai, cette action », dit-il en s’excusant de son français pourtant très honorable. Le jeune homme est arrivé en France en juin 2019, il est déjà passé en audience pour une reconnaissance de minorité et attend patiemment la réponse du juge.
Mohamed, quant à lui, est originaire de Guinée. Tout juste sorti de scène, encore ému, il raconte : « Être sur scène ce soir m’a rappelé beaucoup de choses que j’ai vécu auparavant, c’est triste, mais ça permet de raconter notre histoire aux autres. En dehors du théâtre, on n’en parle jamais entre nous ». Arrivé à Besançon en avril 2019, Mohamed a été reconnu mineur par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). À défaut d’hébergement à lui proposer dans cette ville d’accueil, il a été envoyé à Versailles où sa reconnaissance de minorité n’a pas été prise en compte. « Je ne connaissais personne là-bas, à Besançon j’avais eu le temps de me faire des amis dans l’association », explique-t-il calmement. À Versailles, les juges n’ont pas reconnu sa minorité. Il doit maintenant passer en appel pour essayer d’être à nouveau reconnu mineur, afin de pouvoir être hébergé et scolarisé.

Pour essayer de sortir du cadre juridique quelque peu pesant pour beaucoup de réfugiés, c’est chez elle que Jany, professeur des écoles et bénévole à Sol Mi Ré, leur propose du soutien scolaire tous les mercredis après-midi. Quelques jours avant cette soirée solidaire, elle leur a tendu feuilles et crayons pour s’exprimer sur le papier. Ce samedi soir, un mur du Scénacle est orné d’une vingtaine d’affiches sur lesquelles émotions, récits de vie, et souvenirs personnels ont été écrits aux feutres de couleurs par ces jeunes réfugiés. Au cours de cette soirée, c’est au présent qu’ils se sont exprimés pour relater des souvenirs du passé. Un bon moyen de faire face à un avenir, bien souvent incertain.
Suzanne Bouaouli
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