COVID-19 : Le marché Libération à l’heure de la crise sanitaire

Un étal de fruits et de légumes. 1m40 de distance au minimum doit être observé entre clients et commerçants

La vie se poursuit ce samedi 12 décembre sur la place du Général de Gaulle à Nice, qui abrite le célèbre marché Libération, lieu de vie historique de la métropole azuréenne. Pourtant, difficile d’ignorer les lourds dispositifs mis en place ; clients et maraîchers sont séparés par des plots et des bandes de sécurité. Quel ressenti pour les commerçants?

Le marché Libération est situé en centre-ville, à 4 km de la Promenade de Anglais.

Des barrières et un sens de circulation ont été établis pour fluidifier le passage des clients. Ceux-ci ne peuvent donc ni stationner, ni toucher les fruits : « Ça prend deux fois plus de temps de se déplacer de droite à gauche pour chercher les légumes », déclare Nicolas, qui travaille au marché depuis 15 ans. « Au final, on n’a même pas la garantie du risque zéro de contaminer les clients, il suffit qu’on l’attrape et on peut le transmettre à tout le monde ». Pour Céline, des investissements ont été nécessaires pour réaménager son banc : « j’ai dû racheter des tables pour disposer mes produits différemment, et avec la distanciation imposée entre les commerçants, j’ai dû réduire le banc de moitié ». Deux personnes minimum sont nécessaires au banc : l’une qui encaisse, l’autre qui sert. « Heureusement que mon fils m’aide, car sinon j’aurai dû payer un autre salarié et on ne travaille plus assez pour en avoir les moyens ». Le masque est également pénible pour tous. Aline, la poissonnière, pointe les effets néfastes sur la communication avec les clients : « Travailler avec le masque, c’est terrible quand on est commerçant, on ne s’entend plus parler. Déjà que le marché était bruyant, aujourd’hui c’est devenu un dialogue de sourds ».

Des panneaux définissant le sens de circulation dans le marché. Des agents de sécurité (en bleu à droite sur la photo) vérifient que les clients suivent bien le sens indiqué.

« Les clients sont tristes, ce n’est plus l’ambiance du marché »

Coté clients se dessine une file indienne discontinue derrière la bande de sécurité. « Les clients sont revenus car ils ont envie d’un peu de normalité. Ils ont besoin de se faire plaisir car les restaurants sont fermés », témoigne Aline. Si la clientèle de la poissonnerie, constituée essentiellement d’habitués, est revenue après le confinement, le constat n’est pas le même pour tous. « Durant le week-end, c’est plutôt rempli mais en semaine rien à voir. Les gens désertent le marché pour les grandes surfaces, explique Nicolas, car ils peuvent toucher ce qu’ils achètent et les prix sont plus compétitifs ». Certains clients ne respectent également pas les dispositifs de sécurité. Un sentiment commun chez les commerçants est d’avoir l’impression de « faire la police ». « Comportement obligatoire pour ne pas se faire pointer » selon Karine, dont la famille est implantée sur le marché depuis 3 générations. En effet, les bancs sont en plein air, à la vue de tous, en face de l’antenne de vidéosurveillance de la ville. « Si on ne le fait pas, c’est soit la police qui nous coince, soit le voisin qui nous dénonce ». L’ambiance n’est également plus la même. « Les clients sont tristes, selon Nicolas, ils ont de la peine pour nous et nous souhaitent bon courage ». Même constat pour Aline, qui souligne le « stress » et la « frustration » croissante des clients.

Et la suite ? Le marché survivra-t-il à 2020 ?

C’est la question qui est sur toutes les lèvres, mais personne n’a vraiment la réponse. Certains encouragent les dispositions mises en place par la ville, comme Karine. D’autres questionnent son utilité, comme Aline et Nicolas. D’autres enfin, sont déçus par son intervention : c’est le cas de Céline, qui possède en plus de son étal un restaurant près du marché dont la situation financière est très instable. Elle estime que l’État ne les a pas assez aidés pendant le 1er confinement et qu’elle a été contrainte de licencier un employé pour survivre. Certains commerçants pensent que l’année prochaine sera encore plus dure que celle-ci, mais aucun n’entrevoit pour l’instant de reconversion professionnelle.

Témoignages de Nicolas et Céline ainsi que des plans du marché.

Propos recueillis par Léna Stern

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