Alors que l’épidémie du Coronavirus ne cesse de croître en France, les centres de dépistages du Covid-19 et les laboratoires d’analyses médicales sont submergés de demandes. Ils enchainent les tests jours après jours. Les délais toujours plus restreints par l’état poussent le personnel soignant à la limite du burn-out.
La queue semble interminable devant ce laboratoire du 16ème arrondissement. Une vingtaine de personnes sont agglutinées dans la rue. Il est 16 heures, une heure avant la fermeture. Le médecin biologiste est déjà exaspéré devant tous ces patients qui viennent faire le test PCR . « Ils ne parlent de rien d’autre que du Coronavirus. J’ai l’impression que nous n’avons plus que des patients covid. Les autres semblent avoir disparus ».
Une organisation radicalement différente
Il est 17 heures, le laboratoire devrait fermer mais les patients ne cessent d’arriver. « Je suis désolé, je vous fait faire des heures supplémentaires », s’excuse un patient. « Oh vous savez je ne compte plus les heures » lui répond la secrétaire. Un climat de tension est perceptible dans la salle d’attente. Les infirmières courent dans tous les sens, la secrétaire ne cesse de répondre à des appels, d’accueillir les derniers patients…
Face aux requêtes de l’État, les laboratoires n’ont pas d’autres choix que de faire des sacrifices. En effet, le gouvernement demande près d’un million et demi de tests chaque semaine. Les résultats doivent arriver dans un délai imposé de 24 heures. Les centres d’analyses ont dû s’adapter. Le laboratoire, comme beaucoup d’autres, a décidé de revoir radicalement son organisation. Une plage horaire est réservée pour les patients covid de 15 heures à 17 heures. Les patients ne peuvent donc pas rencontrer les autres patients qui viennent pour d’autres pathologies. Même si le laboratoire a décidé de ne pas augmenter les heures de travail, le personnel soignant est débordé. « Nos journées ne sont pas plus longues. Cependant, nous avons une immense surcharge de travail par rapport à avant » se plaint une infirmière.
« Nous avons dû faire des compromis »
Le médecin fait part d’autres problèmes rencontrés. Il a fallu adapter les machines et en commander de nouvelles, « nous avons dû faire appel à 3 fournisseurs différents pour nous procurer les automates, ce fut un vrai casse tête ». Le délai des 24 heures a également été un défi à relever. Il fallait en effet poursuivre les autres analyses en parallèle de celles des tests PCR. « Nous avons dû faire des compromis. Nous avons augmenté les délais d’attentes d’autres résultats comme les résultats d’analyses des chlamydias qui nécessitent les mêmes machines que les tests PCR ».
A force d’organisation, les laboratoires ont su faire face à la demande. Une forme de solidarité est même née entre eux. «Lorsque nous avons une machine en panne, nous pouvons demander de l’aide à un autre labo . Nous sommes conscients de la complexité de la situation. Nous n’hésitons pas à aider lorsque nous le pouvons ».
Les patients ont des « comportements inadmissibles »
L’autre médecin responsable du laboratoire vient participer à la conversation. Elle soulève une complication qu’elle n’avait pas anticipée : le comportement des patients. Elle parle d’une émergence du « patient roi ». Celui-ci veut le résultat du test PCR dans les délais qui l’arrangent. « En même temps, il a payé 5000 euros son billet pour les Maldives alors ce serait dommage qu’il ne puisse pas partir à cause d’un test PCR qui met trop de temps à arriver » ironise le médecin. « Ce matin, une patiente m’a traitée de connasse car je n’ai pas eu le temps de répondre à son appel. Vous vous rendez compte ? C’est un comportement inadmissible » ajoute-t-elle encore énervée. Selon elle, comme le gouvernement incite la population à se faire tester, les patients se croient dans leurs droits. Ils pensent donc que les médecins ont pour devoir de répondre à leurs exigences.
«Ils pensent tout savoir sur tout»
Le médecin fait également part de l’émergence d’une forme de patients plus inquiétante. «J’ai découvert, et là c’était hyper poignant, des patients qui pensent tout savoir sur tout et qui me disaient même quoi faire ». Ils ont des demandes spécifiques très poussées. Le médecin est encore choqué des demandes de certains clients. «Il est difficile de leur faire comprendre que ce ne sont pas les informations que l’on trouve sur internet qui vont leur donner la réalité de notre métier.»
C’est finalement surtout le comportement des patients qui est « très dur psychologiquement ». Le médecin se désole :« j’ai l’impression que ce genre de comportement tend à se généraliser ».
Paola Cartolano
Be the first to comment on "Entre surcharge de travail et insultes, les centres de dépistages dénoncent des conditions « très dures psychologiquement »."