Malgré une tendance à la généralisation du télétravail, les espaces de coworking ont dû s’adapter au fil des évolutions de la crise sanitaire. Sont-ils désormais en mesure d’accueillir tous ceux qui ne peuvent travailler depuis chez eux?
8h15. Le parking du coworking Euptouyou de St Herblain, en banlieue nantaise, est encore peu rempli. Une fois la porte bâtiment principal franchie, Pierre m’accueille chaleureusement derrière une vitre en plexiglas. L’entrée débouche directement sur une immense salle avec de grandes tables entourées de chaises qui sont toutes espacées d’au moins 1,40m et disposées en quinconces. Là aussi, de petits paravents en plexiglas délimitent les espaces de travail. Deux ou trois pots de gel hydroalcoolique et des lingettes désinfectantes sont soigneusement disposés sur chaque table. Une partie de l’espace est occupée par un petit bar accueillant plusieurs machines à café. Pour l’instant, la salle est déserte et il y règne un silence religieux. Vers 9h15, l’ambiance commence à s’animer. Régulièrement, les travailleurs dits « résidents », c’est-à-dire issus des entreprises qui louent un complexe de plusieurs bureaux, traversent la grande salle, mug de café ou gourdes en main. Nombreux sont ceux qui se contentent de remplir leur contenant. Seuls quelques-uns s’attardent un peu plus, le temps d’une discussion debout entre collègues car tous les fauteuils et canapés sont interdits d’utilisation.
Des espaces adaptés pour assurer la sécurité des travailleurs
Marie, membre du personnel d’Euptouyou, accepte de discuter avec moi des bouleversements du coworking liés à la Covid. « Au début, il a fallu faire comprendre aux gens qu’il était obligatoire de suivre les nouvelles règles. Certains résidents ne comprenaient pas que les normes varient au sein même du lieu de travail entre les espaces privés et les lieux communs. », m’explique-t-elle. Les dispositifs nécessaires à l’application rigoureuse des règles dont parle Marie ont été mis en place par la société Socotec. Ils sont omniprésents au rez-de-chaussée : marquage au sol des sens de circulation, séparation de certains couloirs en deux par des cloisons mobiles, présence de distributeurs de gel hydroalcoolique, affiches rappelant le caractère obligatoire du port du masque, espacement des postes de travail, plexiglas… « Malgré les contraintes sanitaires, au déconfinement, les travailleurs étaient vraiment contents de revenir après deux mois de télétravail », poursuit Marie. « Aujourd’hui, la plupart viennent à temps partiel, soit pour des questions matérielles soit pour rompre l’isolement, comme la loi les y autorise. » En effet, selon Le Point, seulement un français sur cinq serait un télétravail à 100% pendant ce reconfinement.

Dans le reste du bâtiment, les conditions sanitaires particulières se font tout autant ressentir. La salle de détente semble sans vie : le baby-foot est recouvert d’un drap, des étiquettes « Merci d’utiliser votre stylet » ou « Merci d’utiliser votre pass » sont apposées un peu partout sur le mobilier de cuisine. Dans le même couloir, les toilettes sont vides et l’un des lavabos ainsi que les urinoirs sont condamnés pour respecter les distances de sécurité. A l’étage, toutes les salles de réunion sont désertes. Un petit écran lumineux indique sur chacune d’elles « Salle de réunion disponible pour le reste de la journée ». Sur la terrasse, même le ciel bleu et lumineux d’une fin de matinée automnale ne saurait faire oublier aux travailleurs la réalité sanitaire. Seulement cinq d’entre eux font une pause cigarette, tous à bonne distance les uns des autres, comme exigé sur les pancartes fixées sur les cendriers.
Un changement radical des habitudes de travail
Julien, un résident d’Euptouyou, se confie sur son ressenti face à tous ces changements. « Il a fallu s’habituer à fonctionner autrement. Finalement, on a presque pris l’habitude de fuir l’autre. », déplore-t-il. Il évoque la perte de lien avec ses collègues qui télétravaillent davantage qu’ils ne viennent au bureau : « Avant, j’allais prendre un café deux ou trois fois par jour et je discutais avec les autres résidents. Maintenant, je n’y vais qu’une seule fois et je ne croise presque personne. ». Julien soulève aussi le problème de perte productivité induit par l’isolement : « Je travaille davantage car je fais moins de pauses mais je ne suis pas aussi concentré qu’avant ».
Malheureusement, les réfractaires au télétravail vont devoir composer avec puisque certaines entreprises, comme Apple, ont déjà prévu de prolonger celui-ci jusqu’à juin 2021 minimum.
Les prénoms des personnes citées ont été modifiés
Hélène Guy
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