
Kenza Vincent, 19 ans, vient de Mohammedia au Maroc. Elle habite à Paris depuis bientôt deux ans désormais, et est étudiante en L2 en Sciences des Organisations à Dauphine.
Bonjour Kenza ! Comment as-tu vécu ton arrivée en France pour les études ?
Bonjour ! J’étais dans un lycée français, et j’ai fait toute ma scolarité en français avec le même programme que les étudiants de métropole, donc je n’avais pas de décalage au niveau des connaissances et des prérequis pour l’université. Il y a quand même des différences entre les deux pays et j’ai connu des petites difficultés, surtout au niveau de la culture et des habitudes des français. Dans l’ensemble, je n’ai pas eu trop de problèmes pour m’adapter, d’autant plus que c’est un pays que je connaissais déjà.
Est-ce difficile d’étudier à l’étranger, loin de sa famille et de ses amis ?
Ma situation est un peu particulière. J’avais déjà vécu un changement similaire car au Maroc, j’ai déménagé de la ville dans laquelle j’étais née et où j’avais grandi. J’ai quitté mes amis et j’ai dû faire un effort pour maintenir avec eux des liens seulement virtuels. Maintenant, je n’ai plus de problèmes à ne pas voir mes amis en face à face, donc j’ai en quelque sorte vécu le fait d’étudier à l’étranger comme celui de changer de ville. Je pense que ça a même été un peu plus facile car j’étais « prête » et capable de maintenir des relations à distance avec ma famille également. Cela m’a permis de m’adapter plus facilement et de mieux vivre le changement de pays.
Comment as-tu vécu les deux confinements ?
J’ai passé les deux confinements à Paris. J’ai la chance d’habiter avec ma sœur, donc je n’ai pas trop ressenti de solitude. Étant en plus assez casanière, le fait de ne pas pouvoir sortir ou me balader ne m’a pas vraiment dérangé. Dans ma famille c’est quelque chose de normal, ma mère ne voulait pas souvent que je sorte et ce sont des habitudes que j’ai prises. Je les ai donc bien vécus psychologiquement. Ils m’ont permis de faire de chez moi une distraction ; j’ai beaucoup regardé de films, documentaires et autres séries. Le problème majeur auquel je fais face est celui du décrochage scolaire, car il est justement trop facile d’être distrait chez soi.
Comment est gérée la situation du Covid au Maroc ?
En ce moment il n’y a pas de confinement au Maroc mais un couvre-feu, le gouvernement a tendance à se rallier aux stratégies françaises. Les restaurants sont fermés mais les cafés et plus ou moins tout le reste sont ouverts. Les restrictions sont stupides et manquent de cohérence. Les restaurants fermés sont seulement ceux qui servent de l’alcool, le gouvernement profite de la situation pour appuyer ses idées.
Alors qu’il y a eu des mesures très sévères, les gens souffrent d’un manque d’information et d’éducation. Les masques sont obligatoires mais les gens ne savent pas forcément comment les porter. J’ai vu des situations vraiment choquantes. Nous étions avec ma famille dans un restaurant, et le serveur prend la commande d’un autre client qui tousse très fort, avant de venir prendre la commande à notre table. Aucun des deux ne portait de masque. De plus les tests sont chers : environ 700 dirham (65euros). C’est une dépense très conséquente au Maroc pour les foyers modestes. Le gouvernement a mis en place des tests gratuits, mais il faut faire la queue durant des heures et les gestes barrières ne sont pas respectés : c’est donc plus un moyen d’attraper le Covid qu’autre chose. Il est donc difficile d’estimer la gravité de la situation à cause des problèmes pour se faire tester.
Que penses-tu de la gestion de la crise en France ?
La situation est très complexe et il est impossible de faire plaisir à tout le monde. Je ne pense pas que j’aurais personnellement pu faire mieux. Le gouvernement a dû prendre des décisions très difficiles. Maintenir les écoles ouvertes peut paraître contradictoire par exemple, mais le décrochage scolaire devient un problème si elles sont fermées. En revanche, je ne suis pas d’accord avec la manière dont nous avons été laissés pour compte. Il y a eu un manque de considération global pour les étudiants.
Pour prendre notre exemple à Dauphine, les sujets de contrôle continu n’étaient clairement pas adaptés à la situation et étaient aussi difficiles si ce n’est plus que ceux des années passées. De plus, alors que tous nos cours ont été en distanciel, nos examens se déroulent en présentiel. Les critères sur lesquels nous avons été sélectionnés ne sont pas ceux qui nous permettent de réussir maintenant. Des étudiants qui n’auraient pas eu de problèmes en temps normal vont certainement redoubler cette année. Cette situation semble particulièrement injuste pour nous.
Propos recueillis par Julia Poppe.
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