Arnaud Fraval : « La crise a vraiment lancé mon activité de panier bio. »

Alors que la crise sanitaire est une catastrophe pour de nombreux producteurs et commerçant, Arnaud Fraval n’a jamais eu autant de commandes sur son site Internet que pendant les confinements. Rencontre avec ce commerçant pour qui la crise sanitaire est une aubaine.

Arnaud Fraval est un entrepreneur de 48 ans dont l’activité est la distribution en ligne de fruits et légumes bio en Essonne. Il accorde un point d’honneur à distribuer du 100% français et à travailler avec des petits producteurs. Il travaille avec un associé, Mickael, qui ont fondé ensemble la société Mikarno dont le nom commercial est « Les paniers Bio de l’Essonne ».

La crise sanitaire a-t-elle réellement eu un impact uniquement bénéfique sur votre activité ?

L’impact de la crise sanitaire sur mes ventes a été monstrueux. Ma société les Paniers Bio de L’Essonne est née en décembre 2019, c’est tout jeune encore. Je dispose d’un entrepôt pour préparer mes commandes à Villemoisson sur Orge dans le 91. En l’espace de quelques mois j’avais quand même pu rassembler un peu de capital comme un camion par exemple, qui est arrivé 3 semaines avant le premier confinement. A partir de là, aux environs de mi-mars 2020, mes ventes sont passées de 70 à 130 par semaine, c’était déjà énorme. Puis les commandes ont continué d’augmenter et nous sommes passés à 300 commandes par semaine. C’était intenable.

Ce premier confinement a vraiment lancé mon activité, donc c’est sûr que l’impact est positif. Mais vous savez, quand nous avons beaucoup de commandes comme nous avons eu, nous travaillons dans la hâte, et nous faisons moins attention, donc j’admets avoir commis quelques erreurs dans la préparation de certaines commandes. Honnêtement, je ne sais même pas comment j’ai fait pour tenir le rythme, c’était vraiment intense. La crise je ne l’ai pas sentie, je n’ai jamais autant bougé que pendant les confinements.

Quand le mois de juin est arrivé, nous sommes repassés à 150 commandes par semaines, ce qui est toujours énorme par rapport à notre activité de départ. Mais quand tu passes de 300 à 150 commandes, tu t’ennuies vite.

Donc oui c’est certain, la crise a décuplé mes rendements. Quand je me suis lancé dans l’autoentrepreneuriat il y a déjà 5 ans, je ne faisais quasiment pas de recettes, les produits bio sont très chers et surtout que j’essaye de faire du 100% français. Plus tu produis près de chez toi, plus c’est cher paradoxalement. Donc j’ai failli arrêter mon activité. Mais avec la crise, ça a tout relancé et je ne suis plus inquiet.

Entrepôt d’Arnaud situé à Villemoisson sur Orge (91)

Comme vous n’avez pas de magasin, vous faites de la vente à domicile. Avez-vous un protocole sanitaire particulier pour exercer votre métier ?

Non, je n’ai pas de protocole particulier à appliquer. Mickael et moi nous imposons quand même des gestes barrières comme le masque et la distanciation. Je livre beaucoup de personnes âgées, je dois faire quand même un minimum attention. Mais ce ne sont pas les personnes âgées les plus prudentes, puisque bien sûr il m’arrive de prendre un café par exemple avec ces clients.

En ce moment j’essaye quand même de faire attention. Avant je rentrais chez les gens, je rangeais leur panier avec eux, puis nous discutions, nous prenions un café ensemble. Maintenant j’essaye de ne plus rentrer chez les gens. Je le fais encore chez ceux qui acceptent mais c’est surtout pour que je puisse me laver les mains. Je ne mets pas de gel hydroalcoolique, je déteste ca, parce que ça assèche les mains.

Selon vous est-ce dangereux de vous déplacer chez vos clients pendant la crise ?

Absolument pas. En fait j’ai un rapport assez particulier avec cette crise. Tu sais pour moi toutes ces mesures ça soulève bien d’autres problèmes comme les problèmes sociétaux. J’exerce mon métier parce que j’aime les contacts humains, j’adore apporter leur panier aux gens. Tout le monde est content et puis pendant ce confinement ça permettait aussi aux clients de voir quelqu’un et de ne pas rester seul.

Si je dois me protéger comme un médecin se protège de la peste, je perds tout ce lien social qui fait que j’aime mon métier. Et puis pour moi ces restrictions ne veulent pas dire grand-chose puisque plus les mesures se durcissent, plus j’ai de commandes et plus je suis dehors, je suis complètement à contre-courant.

Après je pense déjà avoir été malade, j’ai eu quelques symptômes comme fièvre, perte du goût et de l’odorat mais franchement je n’ai pas peur de la mort et je pense que si on commence par accepter notre mort, on acceptera aussi plus facilement celle des autres. D’ailleurs, dès que j’ai soupçonné ma maladie, je me suis immédiatement confiné pendant une semaine. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que le virus n’existe pas. Je sais bien c’est une réalité et je fais tout pour ne pas être vecteur de la propagation du virus.

Mais personnellement je continue à vivre. Je ne pense pas que rendre visite à mes clients soit vraiment dangereux.

Des clients ont-ils déjà été réticents à vous recevoir chez eux ?

Ah oui bien sûr ! Tu sais, j’ai vraiment de tout dans mes clients. Certains continuent à passer commande mais ont peur de me voir. Donc ils inventent des stratagèmes: ils me laissent mon chèque par terre à 30 mètres et ne sortent pas tant que je ne suis pas hors de leur propriété.

J’ai aussi eu le cas d’un client qui avait laissé ton panier deux jours entiers sans le toucher après que je l’ai livré ! C’est hallucinant. Donc oui j’ai eu quelques clients complétement flippés, et qui refusaient absolument de me toucher. Mais j’en ai également qui continuent à m’inviter chez eux pour boire un café, qui continuent à discuter avec moi comme si de rien n’était, parfois même sans masque, mais en gardant les distance évidemment.

Et je favorise ça, je pense vraiment qu’agir comme si nous étions tous mourants ça n’arrange rien et ça entretient ce climat de psychose. Certes le virus est là mais il faut continuer à vivre, et c’est pour ça que j’exerce. Je veux vraiment garder cet aspect contact humain, sans bien sûr devenir imprudent, mais au moins continuer à parler aux clients et à leur apporter un peu de chaleur humaine.

Avez-vous dû adapter votre activité au virus et à la situation sanitaire ?

Oui, c’est devenu indispensable. Par exemple, j’ai acheté un transpalette pour aller plus vite dans le déplacement des paniers. J’ai aussi dû développer le site internet sur lequel les clients passent commande, parce que notre fonctionnement d’avant était vraiment adapté pour une petite activité mais pas pour 300 commandes par semaine.

Site d’Arnaud Les Paniers Bio de l’Essonne

J’ai donc vu avec mon informaticien pour automatiser les commandes et créer des créneaux automatiques sur le site pour que les clients puissent voir les créneaux restant. Parce que pendant le premier confinement j’ouvrais le site à 9h00 du matin, je le fermais à minuit le soir, et il m’arrivait de travailler 20h par jours. J’avais vraiment besoin d’un site plus optimisé. J’ai également acheté des étages à roulettes dans mon entrepôt pour déplacer les produits dans la chambre froide plus facilement.

Spécialement pendant le premier confinement également j’ai fait des sortes de ventes privées pour mes clients les plus fidèles. J’ouvrais le site un dimanche pendant une heure et je leur envoyais un mail pour les prévenir. Comme ça je pouvais quand même fidéliser mes plus proches clients, en leur garantissant le créneau qu’ils préféraient dans la semaine.

Je considère que ces clients m’ont vraiment tout donné en restant fidèles et en commandant aussi longtemps chez moi. Je leur dois donc fidélité moi aussi.

A l’avenir, envisagez-vous de prendre des mesures pour étendre votre activité ?

Oui bien sûr. Je m’aperçois qu’il y a de plus en plus de concurrents dans la distribution de fruits et légumes, puisque comme tu as pu le remarquer, ça fonctionne bien en ce moment et les clients sont nombreux. Avec mon associé Mickael, nous envisageons de réduire un maximum les intermédiaires entre le client et le producteur, puisque la traçabilité fait la qualité du produit.

Par ailleurs, je pense diversifier mes ventes et commencer par faire un rayon « bien-être » par exemple avec des produits vraiment ciblés et de bonne qualité, comme tout ce que je vends.

Je pense également développer des « packs » par exemple, qui permettrait de livrer tout le nécessaire aux clients pour leur permettre de faire des recettes comme des soupes, des pots au feu.

Ensuite, je pense étendre mon activité sur d’autres départements comme le 92 avant tout puis le 94 ensuite. Je changerai le nom en « Les paniers bio des Hauts de Seine » pour que les futurs clients s’identifient à l’activité. Et puis avant tout je souhaite créer un magasin, que je dupliquerai. Je me dis que dans le monde dans lequel nous vivons, si nous restons à l’échelle humaine nous nous faisons vite bouffer.

AM

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