L’enseignement à distance pour les collégiens, imposé par la situation en mars en 2020, a pu faire craindre des risques de décrochages scolaires et de lacunes importantes chez les élèves. Nathalie Deuil, professeur d’allemand dans deux collèges du 6ème arrondissement de Paris nous fait part de son expérience durant cette période: » Il a fallu travailler beaucoup l’oral au premier semestre pour que les élèves reprennent l’habitude de participer. »
Depuis l’apparition des variants et avec la crainte d’un troisième confinement qui pourrait toucher les écoles, de nombreux enseignants ont demandé un renforcement du protocole sanitaire et un prolongement des vacances scolaires de février afin d’éviter à tout prix la fermeture des écoles. Pour un grand nombre d’élèves, la fermeture des écoles en mars 2020 à eu des conséquences désastreuses, certains professeurs se sentent aussi particulièrement exposés au virus. Nathalie Deuil n’a pas constaté de décrochages chez ses élèves, mais constate des carences dans le protocole sanitaire. Elle revient pour nous sur son travail, perturbé depuis près d’un an.
De nombreux professeurs ont demandé un renforcement du protocole sanitaire pour éviter de devoir fermer les écoles. Avez-vous le sentiment que les moyens mis en œuvre pour freiner la circulation du virus et ainsi assurer la continuité scolaire sont suffisants ?
La situation est très différente entre les deux collèges dans lesquels j’enseigne. Dans l’un deux rien n’a vraiment changé par rapport à d’habitude à part le port du masque et la distribution de gel hydroalcoolique le matin à l’arrivée des élèves. La direction de l’établissement avait proposé un protocole plus strict après les vacances de la Toussaint avec des changements de salle à chaque heure et plusieurs créneaux de récréation. Cela avait été jugé trop contraignant par les professeurs. Alors que dans l’autre collège, les choses sont organisées plus sérieusement, les élèves restent dans la même classe et seuls les professeurs changent de salle ce qui limite les contacts entre les classes. Depuis l’apparition des variants les consignes sont aussi plus strictes à la cantine dans les deux établissements et les masques « faits maison » sont interdits.
Quel est votre avis sur des mesures comme le prolongement des vacances scolaires ou encore l’enseignement en demi-groupe qui sont pour l’instant refusées par le gouvernement (les demi-groupes sont permis uniquement au lycée et dans le supérieur) ?
Le prolongement des vacances scolaires était une bonne idée et je pense que ça peut encore arriver vu la situation actuelle. Il y a une forme d’hypocrisie, on sait déjà que le gouvernement refuse de fermer les écoles en période non-scolaire pour que les parents puissent travailler mais pour des collégiens ou des lycéens qui sont autonomes le problème est moindre. La question des demi-groupes s’est posée, mais c’est compliqué à organiser et aucun professeur ne veut revivre l’expérience de l’enseignement à distance. Au collège, la situation n’est pas la même que dans les lycées où les élèves sont souvent plus de 30 par classes !
En France, actuellement, 1600 classes et 103 établissements sont fermés pour des cas de coronavirus, avez-vous connaissance de fermeture de classe dans votre établissement. Certains syndicats ont demandé à ce que les enseignants soient prioritaires dans l’accès au vaccin, vous sentez vous particulièrement exposée au virus en tant qu’enseignante ?
En mars, tout le monde était paniqué, je ne me sentais pas du tout protégée et ça me révoltait. Depuis la rentrée, je ne me suis pas particulièrement sentie exposée quoi que je fasse davantage attention depuis cette histoire de variants. Dans une classe, il y a toujours des moments où il faut s’approcher des tables ou se pencher au-dessus d’un cahier. Une de mes classes a été fermée fin septembre pendant une semaine car 9 élèves étaient contaminés. Il y a eu beaucoup de cas chez les élèves, mais finalement un seul professeur a été contaminé depuis septembre et pas davantage depuis l’apparition des variants, en mars par contre il y avait eu beaucoup de professeurs atteints de la covid 19.
Le confinement et l’enseignement à distance ont aggravé les inégalités scolaires et ont placé certains enseignants dans une situation de détresse. Comment avez-vous vécu l’enseignement à distance ? Vos élèves se sont-ils bien adaptés à la situation ?
Pendant le confinement et lors de la fermeture de la classe, ce sont surtout les parents qui étaient paniqués, ils voulaient que l’on envoient les cours en pdf et que l’on donne beaucoup de devoirs aux élèves ce qui nous a rajouté beaucoup de travail. Au début, la situation m’a beaucoup stressée. Envoyer les cours par internet et donner des devoirs aux élèves, c’est très différent de ce qu’est notre métier habituellement. Devoir rester toute la journée devant un écran et corriger pas mal de devoirs maison m’a un peu fatigué. La situation s’est calmée après les vacances de printemps, tout le monde a pris l’habitude et la charge de travail s’est réduite. Finalement, ça s’est plutôt bien passé. Mais ce n’est pas du tout une expérience que j’ai envie de revivre, j’étais ravie que les écoles ne ferment pas en novembre !
Avez-vous constaté des lacunes dues à l’enseignement à distance durant le confinement. On sait également que plus de la moitié de la communication est non verbale, quelle est votre expérience quant à l’enseignement avec un masque surtout en tant que professeure de langue étrangère ?
Je n’ai eu aucun cas de décrochages majeurs ou de lacunes, je n’ai pas vu de différences de ce point de vue là. Certains élèves se sont un peu relâchés, mais nous avons bien travaillé en distanciel et je n’ai pas observé de retards particuliers. Le lien a toujours été maintenu avec la classe et entre les élèves. Le point faible, c’était l’oral, ils ont fait moins d’oral pendant le confinement et il a fallu travailler beaucoup l’oral au premier semestre pour que les élèves reprennent l’habitude de participer. En septembre, j’avais quelques inquiétudes quant à l’enseignement avec un masque surtout pour l’allemand, mais je m’y suis habituée. C’est plus fatiguant, car je dois parler plus fort pour que les élèves comprennent. Mais surtout, il y a certains élèves que je n’entends pas du tout derrière leurs masques et donc que j’interroge moins.
Propos receuillis par Théo Mazeli.
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