Guilain de Pous : « Startup Nation, c’est un état d’esprit de recherche dans un temps donné »

Transformer le pays en une startup nation, est-ce une promesse électorale réalisable ou un simple fantasme technologique ? Nous en avons discuté avec Guilain de Pous, Responsable de l’Entrepreneuriat chez Schoolab.

Ayant une formation en droit, Guilain de Pous décide de se réorienter en 3ème année vers le monde d’entreprise. Il crée une petite maison de disques comme une première expérience et en 2013 il s’inscrit en master de management avec spécialisation en stratégie digitale à Audencia Business School où il découvre le monde d’entrepreneuriat. Après avoir eu plusieurs expériences sur la stratégie et digitale, il rejoint Schoolab, une société de formation à distance.

Comment décrivez-vous l’écosystème de Startup en France ? 

Je trouve que l’écosystème s’est vraiment structuré ces dernières années et a gagné en maturité. Il n’y a pas mal d’initiatives assez disparates. On commence à mettre le doigt sur les besoins pour le développement de l’écosystème. En parallèle, les pouvoirs publics se sont aussi misent au diapason de cet écosystème. Ainsi, il y a de plus en plus de jeunes qui veulent se lancer dans l’entrepreneuriat qui devient de plus en plus facile à accéder. En revanche, l’accessibilité reste quand même un enjeu important.

Station F|©Patrick Tourneboeuf

Pourquoi l’accessibilité est un enjeu si important ?

C’est une combinaison de plusieurs facteurs. D’une part, le numérique a facilité les choses. C’est-à-dire qu’à l’époque, lancer une entreprise était relativement plus lourd en termes d’investissement. La digitale, en fait, a balayé tout ça… Aujourd’hui avec internet, on a accès plus facilement au marché, ça coûte moins cher. D’autre part, la formation valorise plus l’entrepreneuriat qu’il y a quelques années. L’offre d’accompagnement s’est étoffée avec la création des incubateurs, des accélérateurs etc. Néanmoins, il y a toujours beaucoup d’efforts à faire notamment sur “la bataille d’accessibilité”. Il faut aussi l’amener à des milieux sociaux moins favorisés par exemple les banlieues de grandes villes et les campagnes. 

Comment considérez-vous les efforts du gouvernement ? Pensez-vous que ces efforts sont suffisants en ce qui concerne cette bataille d’accessibilité ?

C’est une question difficile à répondre parce qu’Emmanuel Macron a construit son image sur le monde d’entreprise et particulièrement l’entrepreneuriat.  Même quand il a monté “En Marche”, il a dit que ça, c’est ma startup et avec cette startup-là, on va arriver au pouvoir… Je ne connais pas très bien son parcours. Je ne sais pas s’il a eu de vraies velléités entrepreneuriales avant, mais sans doute, il a une connaissance très importante sur l’économie. En termes d’action, je ne me sens pas très à l’aise pour juger ses actions plus que d’autres. Mais les efforts du gouvernement aujourd’hui me semblent louables parce qu’ils sont orientés vers une ouverture et une plus grande inclusion dans le monde d’entrepreneuriat.

En même temps, je pense qu’il ne faut pas laisser notre destin entre les mains du gouvernement. La société est une somme d’initiatives individuelles, on est donc tous des acteurs. Donc, c’est la responsabilité de chacun. De plus, l’entrepreneuriat est un modèle extrêmement libéral où seul le travail individuel est valorisé.

Emmanuel Macron pendant un discours à la Station F|©Ludovic Marin

Que veut dire le terme “startup nation” pour vous ?

Je vais retourner la question. Qu’entendez-vous par startup nation ? Parce que ce terme ne veut rien dire. Déjà, startup, c’est quoi ? Il y a une définition académique que j’aime bien, la définition de Steve Blank qui est professeur à Stanford. Il dit que startup est une organisation temporaire qui recherche un modèle économique viable et évolutif. Donc, startup nation, c’est quoi ? On peut dire que c’est un état d’esprit de recherche dans un temps donné. C’est plutôt un état d’esprit de notre économie et de notre nation. Mais je ne sais pas si ce terme correspond vraiment à la France. Ce que j’aimerais retenir par startup nation, c’est un pays qui va de l’avant, qui explore, qui est fier de ses réussites et qui en même temps n’a pas peur d’aller au-devant de nouveaux challenges de notre économie, de nouveaux paradigmes qui se présentent devant nous et de nouveaux défis… La nation se construit sur des bases culturelles, il faut aussi faire attention par ce terme à ne pas réduire une nation à un paradigme économique.

La France, peut-elle créer sa propre “Silicon Valley” ?

On a des choses en commun avec la Silicon Valley comme des excellentes écoles, une grande concentration économique de talents en Ile-de-France. Mais aux Etats-Unis, le marché intérieur fait entre 300-400 millions d’utilisateurs. Il y a un marché intérieur qui fait cinq fois celui de la France, donc ce n’est pas tout à fait la même chose. Israël a été d’un excellent exemple de Startup Nation car ils sont partis d’une feuille quasiment vierge. C’est un État qui s’est construit en 50 ans avec des nouvelles valeurs. Ils ont un esprit de pionnier des explorateurs comme historiquement c’est aussi le cas aux États-Unis. Les européennes qui sont venues aux États-Unis, qui ont découvert et qui ont créé la nation. Cette culture est forte dans ces pays-là contrairement à l’Europe.

EPA Paris-Saclay|©Patrice Gueritot

Quels-sont les enjeux pour entreprendre en France notamment en termes de fonds et la présence des investisseurs providentiels ?

Il n’y a pas mal d’investisseurs providentiels. Ils font un travail remarquable pour accompagner aux entrepreneurs. Mais maintenant, il y a un autre levier, c’est sur comment rendre l’épargne des français accessible aux entrepreneurs. Il est là, le gros de l’argent en France. Après, il y a des acteurs institutionnels de financement qu’il faut accompagner vers une meilleure compréhension des enjeux d’entrepreneuriat comme en facilitant l’accès du financement bancaire.

Pour parler de désavantages, on a un marché croisé. À la fois, on a un marché intérieur assez grand qui fait 70 millions. En même temps, à l’échelle du monde c’est tout petit. C’est pour ça que c’est difficile en France de faire émerger des licornes car on a un marché intérieur très faible. Ça, c’est le premier problème. Le deuxième problème, c’est que notre marché le plus proche en termes d’internationalisation est l’Europe. C’est un marché très éclaté. Malgré, l’UE qui vise uniformiser les règles économiques, on a encore beaucoup de disparité entre différents pays. Et des différences culturelles et linguistiques qui font l’internationalisation encore plus difficile.  

Pour revenir à notre discussion sur l’accessibilité, comment évaluez-vous la participation des femmes à l’entrepreneuriat ?

Comme je disais au début de notre conversation sur les enjeux d’accessibilité. Ce sont des enjeux sociaux mais également des enjeux du genre. Il n’y a pas très longtemps que les femmes étaient éloignées du monde économique. Aujourd’hui, il y a une égalité dans l’accès à ce monde économique qui se fait. Il n’y a pas mal d’initiatives pour que les femmes aient plus accès à l’entrepreneuriat comme dans l’exemple de Willa, premier accélérateur féminin (mettre un lien). Mais culturellement, il y a toujours des freins. Il faut travailler à lever ces freins et je pense que ça passe par l’éducation comme cette dernière est la clé de beaucoup de choses.

Propos recueillis par Zekeriya Turkmen.

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