Deux fois par mois, l’association Le M.U.R invite un street-artiste à s’exprimer sur un mur du quartier d’Oberkampf à Paris. L’annonce d’un nouveau confinement le 20 mars 2021, n’a pas empêché l’artiste Arnaud Liard de participer à ce projet d’art urbain dans le 11ème arrondissement. Alors que les musées sont fermés depuis le 30 octobre 2020, le street art est une manière de continuer de voir de l’art pendant la crise sanitaire.
Premier jour de reconfinement à Paris, au croisement de la rue Oberkampf et de la rue Saint-Maur. Le soleil tape sur la place presque vide, habituellement pleine de clients des cafés voisins en terrasse. Les tables et les chaises ont été rangées et empilées aux entrées des cafés fermés. Mais ce samedi 20 mars, la place demeure tout de même vivante. L’artiste Arnaud Liard est perché en haut d’une échelle collée au mur. Ses vêtements sont tachés de peinture. Une bombe de peinture à la main, il est concentré sur son travail. Les membres de l’association Le M.u.r sont à ses côtés. Gilles, le trésorier, assiste Arnaud. Il a l’habitude d’aider les artistes qui viennent exprimer leur art sur ce mur. Laurence, chargée de la vidéo, est au centre de la place. Le regard fixé sur sa caméra, elle discute avec Inès, secrétaire de l’association.
La scène attire l’attention des passants qui traversent la place. Beaucoup d’entre eux tournent la tête en direction du mur. Certains ralentissent le pas, d’autres s’arrêtent pour contempler le travail de l’artiste ou pour prendre des photos. Anaëlle, stagiaire pour six mois au sein de l’association, distribue des flyers de présentation de l’artiste aux personnes intéressées. Lorsque Arnaud a terminé de travailler sur une zone du mur, il descend de son escabeau et s’éloigne pour prendre du recul sur son travail. Il déplace ensuite l’échelle à la force des ses bras et effectue mécaniquement les mêmes gestes sur une autre partie du mur. Des odeurs de peinture embaument l’air ambiant. On distingue les discussions des spectateurs, les cris des enfants, les moteurs des voitures qui traversent la rue, ainsi que le bruit du spray de la bombe. Le vent emporte avec lui une partie de la peinture qui s’échappe de l’aérosol sous forme de vapeur.
Une pièce abstraite et dynamique
Arnaud Liard a débuté l’art abstrait pendant son adolescence. Pour cette fresque, son inspiration est née d’une série de dessins peints pendant le confinement de décembre 2020. Il a décidé de jouer avec différents tons de couleurs, mélangeant les beiges, gris et blancs et les mariant avec le orange fluo.
En sortant légèrement de l’encadrement du mur, Arnaud Liard a essayé de donner une dynamique de vaisseau spatial à sa pièce. « L’idée était de travailler comme avec des morceaux de papiers déchirés et de les recomposer » explique-t-il, même si le dessin était initialement structuré par des traits. C’est avec de longues bandes d’adhésif, utilisées comme des pochoirs, que l’artiste a donné cet aspect morcelé. En s’approchant du mur, on distingue les traits bruts du pinceau. D’autres parties sont remplies à la bombe. « Je n’ai pas encore donné de titre à la pièce, mais on pourrait l’appeler dynamique ! » s’exclame l’artiste après avoir effectué son dernier coup de pinceau.
Le M.U.R, bien plus qu’une association, un lieu de partage
L’association Le M.U.R a un objectif majeur : donner l’occasion à des artistes – tels que Arnaud Liard – de s’exprimer. Ils viennent de toute la France et parfois même de l’étranger, même si depuis quelques mois, on retrouve surtout une majorité de Franciliens avec le contexte de crise sanitaire. L’art urbain est un art participatif. Au même titre que les artistes, les membres de l’association font partie intégrante du dialogue. Le M.U.R est surtout un lieu d’expression libre et de partage.
Les livreurs de repas à domicile profitent également de ce processus de partage. « Ils sont très friands de cette culture que l’association et les artistes leur offrent tous les quinze jours » explique Laurence, bénévole de l’association. Les vendeurs se donnent rendez-vous sur la place et commentent beaucoup les œuvres. Ils collectionnent les flyers de l’association, demandent des signatures aux artistes et deviennent très connaisseurs.
Le street art est un art surprenant et accessible. « C’est vraiment l’art qui vient du bas et qui monte vers le haut, plutôt que le haut qui vient déverser son art au petit peuple » précise Inès, secrétaire de l’association. C’est le côté rebelle du street art qui l’a attiré, jusqu’à devenir sa passion. « Il se passe des choses humaines sans qu’on ait besoin d’acheter quoique ce soit. On est pas du tout dans un esprit de consommation mais davantage d’expression » ajoute Inès, le sourire aux lèvres. Le street art est un art qui regroupe de nombreux talents. Il est synonyme de partage et de beaucoup de liberté.
Des restrictions sanitaires sans effet pour le secteur du street art
Ce nouveau confinement ne provoque pas de réel changement concernant les méthodes de travail de la majorité des street artistes. Arnaud Liard a le privilège d’être professionnel, ce qui lui permet de se rendre à son atelier presque tous les jours. Il avait déjà l’habitude de travailler chez lui et a même pu en tirer des aspects positifs : « Le confinement m’a permis de trouver un autre public, ça a été assez étonnant ! ». Il parle même d’un rythme de travail davantage serein. Depuis que les expositions d’art ne voient plus le jour, cela laisse davantage de temps à Arnaud Liard pour se concentrer sur ses projets. « La plupart du temps, j’étais toujours en speed d’une expo à l’autre » plaisante-t-il. De plus, l’art urbain a évidemment cet avantage de s’exercer en extérieur. Arnaud Liard a donc eu la chance de contribuer au projet du M.U.R. Recouverte quinze jours plus tard par l’oeuvre d’un autre artiste, sa contribution restera éphémère, mais néanmoins bien vivante dans l’esprit des passants et dans les pellicules de leur téléphone portable.
Elisa Féliers
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