Reportage : une matinée chez l’artisan fleuriste Marie Fichera, un « rayon de soleil » dans la vie des Franconvillois

Après une année marquée par l’instabilité pour les artisans, les trois jeunes fleuristes de l’établissement Marie Fichera Artisan Fleuriste à Franconville (95) apportent chaque jour une vague de fraicheur et de vivacité qui rend le sourire aux clients dans un contexte sanitaire compliqué.

En cette matinée particulièrement ensoleillée du samedi 17 avril, il est 8 heures 45 lorsque Marie ouvre le rideau de fer de la boutique dont elle est la gérante. Cette jeune femme de 26 ans, fleuriste depuis 10 ans, a acheté son propre commerce en 2015 dans la ville de Franconville (95), remplaçant l’ancien fleuriste qui s’y trouvait jusque-là. Dans le cadre de ce troisième confinement, qui permet enfin aux fleuristes de rester ouverts, elle est bien décidée à entamer une nouvelle journée sous le signe de la bonne humeur.

A peine le rideau levé et le traditionnel paillasson affichant « Bienvenue » déposé à l’entrée, Marie s’attelle à l’agencement de l’extérieur. Force d’habitude, on la voit enchaîner les allers retours dans la boutique, déposant dehors les caissons de bois sur lesquels les premiers bouquets et pots de fleurs montrent le bout de leur nez. La boutique encore vide de clients est une chaleureuse explosion de couleurs. Marie doit se dépêcher : à neuf heures, elle a rendez-vous avec un couple pour la préparation de leur mariage.

L’extérieur

« Dans ce métier, une journée n’en est jamais une autre »

L’endroit ne reste pas vide très longtemps. Quelques minutes après Marie, ses deux collègues Mylène et Claire font leur entrée, et en un rien de temps, toutes s’organisent. Claire repart aussitôt pour se charger des livraisons du jour, tandis que Mylène prend place derrière la caisse. Il ne faut attendre qu’un court instant pour qu’une cliente apparaisse. Le premier « Je peux vous aider, Madame ? » que Mylène prononce gaiement sonne le véritable début de la journée.

Mylène a à peine 25 ans. La passion du métier pétille dans ses yeux lorsqu’elle conseille la cliente sur les assortiments de fleurs à adopter pour son bouquet. C’est sa première année d’exercice, et elle travaille ici depuis quelques mois. Elle a passé les examens de son brevet professionnel lors du premier confinement. « Une fois diplômée, j’ai dû trouver un fleuriste encore opérationnel chez qui exercer, ce qui a été assez compliqué », se remémore-t-elle. Auparavant, Mylène travaillait dans le marketing de luxe : sa reconversion lui a permis non seulement d’apaiser sa soif de création, mais aussi et surtout d’adopter un mode de vie où la routine n’a plus sa place. « On ne s’ennuie jamais, parce que chaque client a des exigences particulières. Il y a toujours cette part de challenge qui nous fait nous dépasser, proposer sans cesse quelque chose de nouveau. La semaine dernière, un couple nous a même sollicité pour un mariage thème « Viking » ! ». A Marie d’acquiescer, en sortant de son rendez-vous : « Dans ce métier, une journée n’en est jamais une autre ».

En pleine confection de bouquets

Entre deux visites, les fleuristes s’occupent de remplacer l’eau des vases exposés, ou encore de confectionner de nouveaux bouquets que les clients pourront acheter tout faits. Entre leurs mains expertes, la tâche semble être un jeu d’enfant : des fleurs, des feuillages, un nœud, un emballage. Mais c’est une habileté qui vient avec le temps et persiste avec la joie du métier. Une joie dont elles avaient pourtant failli être privées lors des deux premiers confinements, les fleuristes n’étant alors pas considérés comme des commerces essentiels. Elles avaient réussi à maintenir l’activité via les livraisons, bénéficiant étonnement d’une forte demande même à ce moment-là. « De nombreuses personnes se sont découvert une passion pour les fleurs pendant cette période, parce qu’elles ont réalisé qu’il y avait une vertu thérapeutique au fait de s’en occuper », analyse Mylène en coupant une énième tige en biseau. Cela expliquerait aussi la nouvelle mode du cactus et des fleurs séchées, durables et compatibles avec une routine rythmée par le télétravail. « Les gens sont restés attachés à ce nouvel intérêt. Maintenant que les fleuristes ont rouvert, il nous arrive d’avoir une queue devant le magasin même quinze minutes avant la fermeture », renchérit Claire à son retour.

« Je me suis dit : non, ils n’auront pas nos artisans »

La clientèle se démarque par son côté hétéroclite. Certains sont très jeunes, d’autres plus âgés. Certains viennent pour une occasion ponctuelle – un mariage, un anniversaire, un deuil – et d’autres viennent régulièrement. Souvent ils arrivent avec une idée précise, plus rarement ils se laissent attirer par l’extérieur. Ils repartent presque tous les mains pleines.

Les nouveaux clients sont surtout attirés par le vent de modernité qui souffle depuis la reprise de la boutique par Marie. Sa forte présence sur les réseaux sociaux tels que Facebook et Instagram permet de capter l’attention de générations plus jeunes, à qui l’on prête moins souvent un attrait pour les fleurs. La boutique étant aussi un point relais Potager City, certains se retrouvent même à tomber sous son charme en venant chercher leur panier de fruits.

Les habitués restent les plus reconnaissables. Ce sont ceux que les fleuristes saluent par leur nom, et ceux dont les yeux laissent transparaître le plus de réconfort. L’une d’entre elles vient pas moins de trois fois par semaine, pour acheter chaque fois un bouquet différent. « J’ai commencé à venir entre les deux confinements », raconte-t-elle. « Au début, c’était surtout une marque de soutien. J’étais sidérée par l’indifférence du gouvernement face à la détresse des artisans. Puis, malgré moi, c’est devenu une passion, et aujourd’hui je ne peux plus m’en passer. J’ai besoin de mes bouquets, ils me rendent heureuse et rendent heureux mes collègues ». Munie de son dernier choix, un bouquet de roses branchues et d’œillets, elle remercie encore une fois les fleuristes et déclare fermement : « Je continuerai à venir autant que je le pourrai. Ils n’auront pas nos artisans, c’est hors de question ».

Le déconfinement progressif prévu par le président Macron dès la mi-mai devrait égayer encore davantage les journées déjà bien remplies des trois jeunes femmes. En attendant, elles peuvent compter sur une clientèle bien constituée, qui ne se lassera pas de leurs superbes créations et de leur gentillesse à toute épreuve.

JM

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