Reportage – Dans la peau d’apprentis comédiens du Cours Florent pour un remake du clip de Madonna

Depuis plus d’un an, l’art vivant souffre de la crise. Les étudiants du Cours Florent, école d’art dramatique et de formation professionnelle de l’acteur, tentent en vain d’innover, créer et se démultiplier face aux contraintes sanitaires. En effet, depuis l’annonce du président Emmanuel Macron, le 31 mars, les restrictions se sont à nouveau endurcies pour les trois semaines qui suivent. L’administration de l’école rebondit et réduit le nombre d’heures de cours hebdomadaires sur les planches. Michèle Harfaut, professeur en deuxième année, remédie au problème et offre un défi à ses élèves afin de combler les cours manquants. Les comédiens sont lancés dans la réalisation de clip, les « playback ». Ils ont une semaine pour réaliser 20 tournages sur les musiques de leur choix, un défi de taille qui demande organisation et rigueur.

Les prémisses du tournage

Samedi 10 avril, 7 heure sonne, le réveil est dur. Les étudiants du Cours Florent arrivent en trainant les pieds devant les portes de l’établissement. Ils s’agglutinent devant la machine à café. Les plus dégourdis n’attendent pas et installent tous le matériel dans les salles. Dans les escaliers, un bout de perche se balade et percute les murs par mégarde avant que l’élève ne le remarque, gêné. La caméra est posée sur le trépied, les projecteurs branchés et le retour télévision sur le plateau est prêt. Comme par habitude, la carte mémoire de la caméra a été oublié, voire perdue. Une vingtaine de minutes plus tard, les problèmes résolus, le cours de cinéma commence. 

Durant trois heures, une partie des élèves de Michèle Harfaut s’impatientent sur leurs chaises. Cette après-midi, ils vont tourner le clip de Madonna, « Vogue » pour Thomas Laurent, élève de Michèle Harfaut. Chacun d’eux présentera un clip pour leur prochain cours en Visio conférence. L’option de cinéma le samedi matin est la prémisse de leur tournage, ils apprennent les bases. Sourires aux lèvres, ils partent avec hâte vers leur prochain rendez-vous : le tournage.

Retour dans les années 90

Arrêt de métro Censier Daubenton, les élèves sont arrivés à destination et se pressent dans les vestiaires pour se changer. Pantalon boule à facette, body pailletés et palettes de maquillages recouvrent le sol: les préparatifs commencent. Les garçons plaquent leurs cheveux en arrière avec de la cire et un sèche-cheveux pour un effet mouillé et sophistiqué. Leur vestes de costume, ouvertes, laissent entrevoir leur torse, à l’image d’un défilé Dior. Du côté des personnages féminins, les vêtements sont plus colorés mais restent très classes et sensuels : ensemble rouge ou pailleté. A l’image de Madonna, elles ont un joli rouge à lèvres et du liner. Plusieurs cris d’excitation résonnent dans la pièce. Déconcerté par leur look, plusieurs se pressent pour prendre des photos : « on a jamais été aussi beaux, sortez l’appareil, vite! ». 

Thomas Laurent, élève de Michèle Harfaut est l’auteur du projet et l’incarnation de Madonna. Avec sarcasme, il frappe des mains et s’exalte: « bon on y va, on va pas se préparer pendant des heures, Madonna attend! » 

Silence, ça tourne

Le clip de Madonna ouvre le bal de la semaine de clip et les acteurs se prennent totalement au jeu. Sur l’enceinte, la musique imprègne la pièce, « Vogue » tourne en boucle dans les esprits. Tout est installé aux millimètres près. Le cadre est testé et réfléchi afin de trouver l’angle le plus adéquat même pour une prise de 10 secondes. 

Devant le mur blanc et sous les feux des projecteurs, les acteurs prennent la pose. Thomas commence le play-back : « strike a pose ». Les acteurs se disputent les prises pour apparaître dans le clip, tant le projet leur plait. Les multiples « moi, j’ai pas encore fait beaucoup de plans! » ou «  je pars bientôt, je dois être filmé avant les autres! » laissent Thomas un peu démuni, ne sachant qui choisir. Les bras ballants et toujours avec le sourire, il répond : «Oh, je ne sais pas moi, faites comme vous voulez, tout le monde apparaitra quoiqu’il arrive! ».

Une Madonna exigeante et de bons goûts 

Thomas insiste sur le fait que: «  chaque détaille compte. À quoi bon faire un clip à moitié? Au temps se prendre au jeu! ». Résultat, les élèves tournent une minute du clip en une heure et demie de temps. Ils perfectionnent chacune de leurs idées et vont au bout des choses.

Dans le rôle de Madonna, Thomas s’enchante et l’imite avec précision, en accentuant ses mimiques, ses attitudes et ses intonations de voix. Le projet est pris très au sérieux mais garde une belle touche d’humour avec une Madonna stylisée : bras musclés, peu de poitrine, bref un homme.

Idées innovantes des élèves 

N’ayant pas de projecteurs, le clip est réalisé avec les moyens du bord. Thomas va chercher une lampe dans sa chambre; elle fera office de projecteurs. Les élèves la portent à bout de bras en hauteur, par équipe tournante de trois. Il s’agit d’obtenir un éclairage sans ombres, le plus chaud possible.

 Après 3 heures de tournage, la fatigue commence à prendre, malgré l’engouement et un goûter s’impose. La pause re-dynamise l’équipe qui reprend le tournage avec une créativité plus gourmande. Les plans s’enchaînent, les acteurs sont motivés, Thomas met toute sa confiance dans le cameraman et innove des plans avec tous les acteurs.  Plus qu’un défi, le clip devient un projet collectif, tout le monde y met son cœur avec joie et bonne humeur.

Les éclats de rires retentissent après la dernière prise : « Chuchoter Vogue durant toute une journée et finir sur cette chorégraphie, tes voisins vont finir par croire que tu as invité une secte », blague Ruben, acteur dans le clip et élève.

Les applaudissements finaux s’estompent et  une petite bière est prise à 18 heures avant que tout le monde ne retourne chez soi et s’attaque à son propre clip. 

Le résultat 

Une heure et demie de montage plus tard sur « Imovie » , le clip prend forme, prêt à être jugé par Michèle Harfaut. Thomas avoue après réflexion que: « Le plus compliqué dans ce projet était de tous se réunir en respectant les mesures sanitaires. Il faut constamment restez prudents si on veut que l’école reste ouverte, Michèle est intransigeante sur cette règle». 

À la découverte des clips, Michèle Harfaut est réjouie, heureuse que ses élèves se soient autant pris au jeu! Elle exprime toute sa gratitude en les complimentants : « Bravo… vous avez tous su incarner vos personnages et dévoiler vos univers ». 

Ce défi a rapproché les acteurs, ils ont pu passer du temps ensemble hors plateau et hors répétitions théâtrales. Enthousiasmés, les acteurs reviennent sur le plaisir d’avoir enfin passé du temps ensemble, partagé leur créativité en s’amusant, ce que la situation sanitaire ne permet pas. 

A l’aube d’un nouveau discours sur les mesures sanitaires, les acteurs profitent de chaque secondes pour s’épanouir dans la production de capsule artistique et cinématographique. 

de Ines Chartois

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