A LIRE: Métro Cambronne, ligne 6, lundi matin, 9h

Les gens du métro offrent cet amusant spectacle de personnalité dans son monde, contraint, le temps d’un voyage, de partager son itinéraire avec des inconnus qui, pour une raison propre à chacun, empruntent eux aussi cette ligne, à cette heure précise, d’une station prédéfinie à une autre. 

Parmi ces gens du métro, il y a celui qui prend toute la place, débordant sur le strapontin d’à côté et celle qui se serre. Il y a ce sexagénaire matinal, qui se tient droit, vêtu de ce costard gris soigneusement repassé, observant ces gens aliénés par leur écran et ceux qui tapent le rythme de leur musique, mal insonorisée par leurs écouteurs, avec leurs pieds. Certains préfèrent hocher la tête. C’est le cas de cette jeune fille aux cheveux courts ébouriffés, un casque sur les oreilles, une veste masculine spécialement trop grande pour le style qui lui donne un air rebelle et un sac en tissu sur lequel figure le nom de son école d’art. 

Entre Bir Hakeim et Passy, les têtes se relèvent et une vague d’émerveillement enfantine face à cette Tour Eiffel impressionnante rend le wagon un peu plus joyeux et une prise de conscience, plus ou moins éclairée selon l’éveil de son public, naît de ce que c’est d’avoir comme première vue celle qui fait déplacer des cars entiers de touristes de l’autre bout du monde. Certains tentent de la prendre en photo en restant discret pour faire parisien, d’autres ne s’en cachent pas. 

Les vieux rails de la ligne de métro font tanguer ces gens de gauche à droite et puis un peu en avant quand le métro freine. Un courageux s’aventure à ouvrir la porte, les autres le regardent, admiratifs et soulagés de ne pas s’asperger pour la cinquième fois de la matinée de gel hydroalcoolique. Il se bat entre son avant bras, son coude ou sa main recouverte par une manche un peu trop longue, bien pratique cette fois-ci et rate le hoquet puis se rattrape. L’alarme retentit, ces gens du métro se précipitent, des pieds perdus au milieu de la foule se font marcher dessus, des épaules se prennent un sac trop imposant, négligemment lancé sur une épaule dans l’euphorie générale de quitter cette rame à l’odeur trop quotidienne.

Louise Rialland

Be the first to comment on "A LIRE: Métro Cambronne, ligne 6, lundi matin, 9h"

Leave a comment