Fragment de temps

Dans la routine Métro-Boulot-Dodo peuvent se cacher des perles rares insoupçonnées. Rendez-vous à la gare pour le train de 08:14.

C’était un matin d’hiver. Un de ceux dont on se souvient par les petites socquettes trop courtes que l’on ne s’est pas décidé à ranger au fond du placard, laissant l’air gelé s’infiltrer par les chevilles et mordre la chair des mollets. Le ciel bleu pâle s’ornait de nuages aux airs de plumes. Ces longues nuées blanches auraient pu être l’œuvre d’un ange jetant des litres de lait sur une toile immense. Le ciel était figé, glacé dans le froid de novembre. La vie s’était arrêtée dans un fragment de temps. 

Les câbles électriques venaient s’entrecroiser devant ce tableau vivant. Une hirondelle s’est posée sur le troisième poteau électrique. Juste en-dessous lanternaient des manteaux noirs, plantés sur des pieds de béton. L’hirondelle pris son envol dans un bruissement d’ailes. Une paire de jambes montait les marches. Le martèlement de ses talons plats sur le sol humide brisait le silence qui régnait sur le quai. Le panneau rouillé indiquait voie 2B. Les quelques personnes qui attendaient là, assises sur les sièges métalliques provocant pneumonies immédiates, ne bougeaient pas. Personne ne parlait. Même le soleil ne suffisait pas à réchauffer les corps meurtris par le froid. Une odeur de pneu brûlé montait du fond de la gare. Les haut-parleurs se mirent à grésiller et une jeune femme annonça l’arrivée d’un train : « Veuillez vous éloigner de la bordure du quai » répéta-t-elle à trois reprises. Le train arrivait. Le bruit devenait de plus en plus fort. Les freins crissèrent à en faire saigner une oreille. Le train s’arrêta. Les passagers montèrent dans les wagons rayés verts et bleus. Le train repartit. Le calme revint et l’hirondelle se posa sur le troisième poteau électrique.

Taolina Davy

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