Ce jeudi 13 janvier 2022, les grévistes sont majoritaires pour la première fois depuis longtemps dans l’éducation : 62% du personnel des lycées et collèges selon le syndicat Snes-FSU et 75% dans le primaire selon le syndicat Snuipp-FSU, soit une école sur deux fermée. Le mouvement annoncé comme historique semble bien avoir lieu. Les chiffres du ministère de l’Éducation, moins impressionnants, ne prennent pas en compte l’ensemble du personnel éducatif.

A la manifestation parisienne, tous laissent éclater leur colère face à un protocole sanitaire jugé inapplicable. Fait rarissime, certains inspecteurs manifestent également, tout comme quelques lycéens. L’irrespect du ministère est vivement critiqué, la petite phrase de Jean-Michel Blanquer « On ne fait pas grève contre un virus » prononcée l’avant-veille n’a pas aidé et inspire la plupart des pancartes : « En grève contre le virus du mépris » ou « Jean-Michel.le c’est toi le virus », en référence aux différentes polémiques sur l’écriture inclusive.
« On ne fait pas grève contre un virus, on fait grève contre monsieur Blanquer »

Alors que le gouvernement souhaite bâtir « l’École de la confiance« , certains enseignants critiquent le manque de souplesse de protocoles devant être appliqués de manière homogène, sans prendre en compte les spécificités du terrain. Une enseignante s’exclame « L’école de la confiance est en souffrance ! »
Le technocratisme des consignes est aussi mentionné. Mona est Conseillère Principale d’Éducation au lycée Paul Eluard à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), dans un département qu’elle décrit comme « abandonné par les pouvoirs publics, avec des catégories socioprofessionnelles très défavorisées ». Elle porte une pancarte affichant « Notre vie scolaire n’est pas une agence sanitaire ». Dans son lycée, les 5 CPE en poste sont en grève aujourd’hui. « On nous demande de faire des choses qui sont totalement en dehors de nos missions, de nos compétences, on nous balance des protocoles la veille de la rentrée qui sont à peine lisibles et compréhensibles » explique-t-elle, avant d’ajouter « Depuis 2 ans de crise sanitaire, les leçons n’ont pas été retenues. On a l’impression d’être un peu de la chair à canon, on aurait voulu un report de rentrée ».
Un sentiment de ras le bol aussi partagé par des lycéens comme Louri, désigné par son groupe d’amis pour expliquer leurs revendications. Scolarisé en terminale au Lycée René Descartes de Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne), il fait part de leurs inquiétudes pour le baccalauréat et Parcoursup, « générateur d’un stress permanent ». « Les épreuves arrivent bientôt et on n’est pas prêts, les professeurs sont absents et nous aussi, on ne peut pas s’entrainer dans de bonnes conditions ». Il souhaite « le report des épreuves écrites de mars à juin et le retour de la fermeture de la classe dès qu’un cas de covid est détecté ». Comme beaucoup d’autres dans la manifestation, Louri réclame des purificateur d’air et des capteurs de CO2 dans les salles de classe, mais aussi la distribution de tests salivaires. « On veut que des tests salivaires soient donnés chaque semaine à chaque lycéen pour que l’on puisse se tester en autonomie. C’est trop compliqué avec les autotests, et puis ils ne servent à rien car tout le monde ne va pas assez au fond du nez ».

Des revendications plus larges
Dans le cortège se greffent aussi des membres du Collectif des sans-facs de l’université Paris-Nanterre. Ils réclament des places pour toutes et tous à l’université et plus de moyens pour les services publics. Un combat au sujet de l’investissement public que Mareva, professeur d’espagnol dans un lycée de Bondy (Seine-Saint-Denis), entend aussi mener. « Cette mobilisation va au-delà des revendications pour une amélioration du protocole sanitaire, on veut que l’Etat investisse d’avantage dans un secteur qui me semble essentiel et qui s’est détérioré encore plus rapidement pendant la crise sanitaire », expose-t-elle. Elle souhaite également des revalorisations salariales, des augmentations des effectifs de personnels comme les CPE et une « réduction des effectifs d’élèves dans les classes qui commencent à être de plus en plus surchargées ». Quelques mètres plus loin, des manifestants accompagnés par une fanfare scandent en rythme « on veut du fric, du fric, pour l’école publique ! »
Nils Leprêtre
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