May Clogenson est étudiante en deuxième année de licence à l’Université Paris-Dauphine. Passionnée de cinéma depuis son plus jeune âge, elle nous partage sa réflexion sur les films d’hier, d’aujourd’hui et de demain ainsi que son point de vue sur un septième art en constante évolution.
Après un repas chaleureux au Crous de l’université, nous nous installons sur les marches de la cour intérieure. May porte une doudoune bordeaux, un pantalon blanc et sa paire de Converse fétiche. Impatiente de commencer l’interview, elle laisse s’échapper un petit rire nerveux tout en restant souriante.
Quelle place prend le cinéma dans votre vie ?
Le cinéma a toujours été ma passion, comme peut l’être le sport pour certains. C’est quelque chose qui créé du lien, qui permet de rassembler les personnes et de s’intégrer dans la société. Le fait de pouvoir partager et échanger avec les autres grâce au cinéma me tient à cœur. C’est souvent un des premiers sujets qui sont abordés lorsque l’on rencontre quelqu’un : « quel est ton film préféré ? ». Regarder un film peut nous instruire, nous divertir, nous questionner, c’est tout cela que j’aime. Personnellement j’essaie de continuer à regarder des films en parallèle des études, mais le temps manque. J’ai donc dressé une liste des films que je veux voir, en évinçant ceux dont la bande-annonce ne m’intéresse pas.
Quelle est la recette d’un bon film selon vous ?
Un bon film est un film sincère. Si l’auteur ou le réalisateur va au bout de ses idées, croit en son histoire et défend son message de manière sincère, son film mérite d’être vu et entendu. Je vois le monde du cinéma comme un lieu d’échange des points de vue et de partage des opinions. Pour donner une image, un bon film serait l’équivalent d’un bon argumentaire. Je n’aime pas du tout le caractère commercial des films américains qui sont décevants et ne portent aucun message. On en voit beaucoup dans le cinéma d’aujourd’hui, pour le meilleur et pour le pire …
La part de marché des films français est estimée à 38,4 % en janvier 2022 et celle des films américains à 49,0 %, d’après le CNC. Croyez-vous justement à l’effacement du cinéma français devant les blockbusters américains ?
Les deux doivent subsister. Quand on pense « films américains » on ne retient que les gros succès qui cartonnent en salle mais on oublie tous les ratés. Or, il y en a beaucoup. Je ne crois pas en la domination définitive des grosses productions américaines. Même si le cinéma français en prend un coup, il saura rebondir et se renouveler. Je pense à Kaamelott de A. Astier, qui a été le quatrième plus gros succès en 2021. La série télévisée avait très bien marché donc cela était prévisible. Mais le cinéma français a tendance à se reposer sur des têtes d’affiche, de vieux acteurs qui ont marqué le cinéma d’hier. Il faut au contraire encourager la créativité et mettre en lumière de nouveaux talents. Le problème des petits films d’auteur aujourd’hui est de se focaliser sur les acteurs à l’affiche au détriment de l’histoire. Ces derniers font peut-être venir les spectateurs mais ils ne garantissent pas un film de qualité.
Estimations du mois de janvier 2022 sur la fréquentation cinématographique en France, d’après le CNC
Quels sont les films qui vous ont le plus marquée ?
Les premières expériences avec le cinéma sont les plus marquantes. On se souvient tous d’un film qui nous a traumatisé dans notre enfance, qu’on a vu trop tôt. Moi c’était Taram et le chaudron magique, un Disney pourtant. Comme dans tout bon film d’animation, il y avait un méchant tyrannique. J’en ai encore les frissons … Plus récemment j’ai beaucoup aimé Last Night in Soho, d’Edgar Wright. Il y a de l’action, l’histoire est bien construite et l’ambiance visuelle du film m’a beaucoup plu.
Que trouvez-vous dans le cinéma que vous ne trouvez pas ailleurs ?
Au cinéma, je suis captivée par l’histoire comme nulle part ailleurs. On pourrait retrouver cette caractéristique dans un bon roman, mais le cinéma l’amène à une dimension supérieure. Avec la lecture, on se créé des images dans notre tête, on imagine les personnages, les paysages, les actions, etc. Avec un film, on voit tout cela de nos propres yeux directement. De même pour l’environnement sonore : ce n’est pas le fruit de notre imagination, c’est bien réel. Le cinéma a quelque chose de magique. D’un claquement de doigts on peut devenir enquêteur, aventurier ou magicien, changer d’univers et vivre une autre vie pendant deux heures. C’est un monde créatif énorme, plus valorisé et plus populaire que les livres. Le cinéma a aussi le pouvoir de rassembler les fans du monde entier. Ce qui s’est passé autour de la série Game of Thrones est incroyable, une grande communauté de fans s’est créée. Cette capacité de rapprocher les gens et ce moyen partager les expériences ne se retrouvent pas ailleurs, pas même dans un stade de foot.
En 2021, le marché de la vidéo à la demande est encore en croissance de 12% par rapport à 2020, d’après le CNC. En consommez-vous ?
Je suis abonnée à Netflix et je consomme régulièrement de leurs contenus. Certes, l’expérience d’une salle de cinéma est de bien meilleure qualité sur beaucoup d’aspects différents, mais c’est un investissement de temps. Il est difficile de trouver le temps avec les études. Netflix, c’est la facilité. Cela ne veut pas dire qualité. La marque achète des scénarios et produit des séries, mais l’offre de programmes est standardisée. La plus grande des plateformes de VOD ne prend pas de risque : seuls les formats qui ont déjà fonctionné sont sélectionnés par Netflix. Les utilisateurs savent pour quoi ils vont sur Netflix, quels types de programmes ils vont y trouver. C’est aussi ce que les gens recherchent : une offre caractérisée, dans un style uniforme, plutôt décontracté.
Baromètre de la VOD en décembre 2021, d’après le CNC
Aimeriez-vous travailler dans le monde du cinéma plus tard ?
Non car cela en casserait la magie. Je préfère ne pas savoir, ne pas connaître l’envers du décor en détail. Il est toujours intéressant d’apprendre quelques notions techniques, de comprendre comment certains films ont été tournés, etc. Mais travailler dans le cinéma implique inévitablement une sorte de désillusion. Ce serait comme demander à un magicien de dévoiler les secrets de son tour. Je préfère m’émerveiller devant ses tours sans en connaître les rouages.
Propos recueillis par Taolina Davy
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