Au soir du 10 février 2022, Maria Fakhouri rentre à l’intérieur du restaurant Ragazzi de la rue Longchamp. Après avoir montré son pass sanitaire, elle s’assoit à une table et retire son masque. La première chose qui saute aux yeux, c’est son sourire sincère en-dessous. Dans le bruit ambiant du service du soir, elle nous confie qu’elle est heureuse que sa journée de cours soit terminée. Selon ses mots elle peut enfin se détendre. Elle garde tout de même en tête qu’elle devra répondre à nos questions entre un plat et un dessert. Si elle semble tout d’abord gênée quand nous allumons notre micro, elle prend rapidement confiance. Elle demande à commander, avant que nous puissions commencer. Le choix du plat principal est incertain, tandis que le dessert semble déjà trouvé : « cela sera un tiramisu ». Elle rit. Elle appréhende les questions tout en trouvant l’exercice amusant.
Quels avantages tirez-vous de l’expérience internationale ?
Les langues. Quand on est jeune, on peut apprendre les langues plus facilement. Je parle couramment et sans accent le Français, l’Arabe, l’Anglais et le Grec. Il m’a fallu plus pratiquer pour le Grec, mais mon accent a fini par disparaitre. L’un des autres avantages que je vois est une importante capacité d’adaptation, pour ne pas dire d’intégration. Je peux me fondre dans n’importe quel pays où je vis. Je suis comme les grecs en Grèce ou comme les français en France. C’est en me connaissant davantage qu’on découvre en vérité mon identité multiple. En me regardant, vous ne pouvez pas deviner mon histoire, ni mon parcours.
Mon expérience internationale me permet aussi d’avoir une culture étrangère. Je sais reconnaitre les différents peuples et les dialectes. Le Liban est une mosaïque de peuple, nous vivons les uns à côté des autres, et nous apprenons à nous connaitre. Je continue de voyager et d’apprendre, même si la crise du covid-19 a bien évidemment tout ralenti.
Pour quelles raisons avez-vous voyagé ?
Mes deux parents sont d’origine libanaise. Je suis née moi-même au Liban. J’ai fait le début de ma scolarité là-bas et ce jusqu’à la fin du primaire. Je parle couramment Arabe. Mon père a été promu manager dans une société dont le siège est en Grèce. Nous y avons déménagé. A Athènes, il n’existait qu’une seule école française, mes parents m’y ont inscrite. J’ai donc fait la suite de ma scolarité dans un collège et dans un lycée français. On y parlait naturellement français, mais nous avions des professeurs d’origine grecque. Certains nous parlaient dans leur langue, comme mon professeur de sport. J’ai donc appris des bases en grec en deux ans seulement tandis que j’ai continué de pratiquer mon français. A Beyrouth, la plupart des libanais parlent français, il est tout naturel que je le sache aussi.
A la fin de ma terminale, j’ai obtenu une bourse d’excellence. J’ai décidé de partir en France étudier à Paris-Dauphine. Ce qui explique ma présence à Paris.
Avez-vous connu des problèmes d’intégration dans vos différents déménagements ?
J’ai la sensation de ne m’être jamais vraiment installée. Je n’ai pas de terre d’attache spécifique. Ma famille est dispersée entre le Liban et la Grèce. Je ne me considérais pas comme grecque en Grèce, mais comme libanaise. Ici en France, je me présente comme grecque. L’intégration c’est se sentir chez soi dans un pays, une culture sauf que mon identité est multiple. Comment puis-je me sentir intégrée ?
L’intégration est encore plus difficile quand il semble que c’est le pays en lui-même qui ne veut pas de nous. En France, il est extrêmement difficile et long d’obtenir des droits fondamentaux en tant qu’étranger. Je pense à la carte vitale, au titre de séjour. On a l’impression en tant qu’étranger qu’on ne nous aime pas.
A 18 ans quand je suis arrivée à Paris, l’hospitalité était complètement différente de la Grèce. Il n’est pas courant de parler à un inconnu, de sourire dans les rues. Ces différences de caractères et de culture rendent parfois difficile l’intégration.
Quel est le meilleur exemple de vos mélanges culturels ?
La France m’a appris à aimer l’écriture. La langue française est magnifique. J’aime écrire en français, réfléchir en français. Je parle d’élégance, même si le mot ne semble pas bien choisi.
Je trouve des ressemblances entre la Grèce et le Liban. Les habitants des deux pays ont la même habitude de parler fort et d’aller à l’avant des inconnus. Ils sont souriants et généreux.
Je tiens évidemment du Liban par les langues. C’est une caractéristique commune d’en connaitre plusieurs. Pour la Grèce, je crois que c’est le café. Personne ne prend des cafés à 18h, sauf les grecs. Je sais que je suis grecque pour en faire autant.
Par May Clogenson
Vidéo de présentation de Maria Fakhouri
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