Albane Perrot : « Si vous avez un intérêt pour le cinéma qui est vraiment très fort et que ça vous fait du bien, pour moi, vous êtes cinéphile »

Albane Perrot passe de nombreuses heures dans les salles de cinéma. Etudiante en Licence 2 Sciences des Organisations à l’Université Paris-Dauphine, elle y a intégré l’Association de Cinéma, dont elle a été présidente durant une année. Au cours de cette interview, elle revient sur son rapport au septième art.

Quel est votre rapport aux salles de cinéma ? La salle dans laquelle vous allez voir le film est-elle importante ?

Enormément. Je n’aime pas me dire ce film là ce n’est pas grave si je ne vais pas le voir, je le verrai quand il passera à la télévision. Non. Ou alors ça dépend du type de film. Par exemple si c’est un genre que je n’ai pas l’habitude de regarder ou que je n’aime pas plus que ça, je me dis que je peux ne pas prendre de risque, et attendre qu’il passe à la télévision.

En revanche si c’est un film qui a l’air d’être une expérience, qu’il faut vraiment voir en salle, j’ai envie d’y aller. Cela est aussi vrai pour des films qui m’intéressent beaucoup, tout simplement, j’ai besoin de la salle. Je remarque que des fois je les regarde en VOD lorsque je n’ai pas pu aller les voir. Ce n’est pas du tout la même expérience. Je vais regarder mon téléphone, on est en plein jour, il y a de la lumière dehors, ou même le soir et qu’il n’y en a pas : c’est un écran plus petit. En salle l’environnement est différent, donc oui, c’est super important pour moi d’y aller.

Lorsque les salles de cinéma ont fermé avec la pandémie de covid-19, comment avez-vous vécu cette pause avec l’expérience du cinéma ?

Je l’ai très mal vécue. Déjà vis-à-vis des films qu’on attendait dans l’année : tout se stoppe tout d’un coup, donc toutes tes attentes sont déçues. Justement, avec la fermeture, j’ai regardé beaucoup de film chez moi, et en effet ce n’était pas du tout la même expérience.

Je pense que cette fermeture a beaucoup joué sur ma façon de voir les films également. Ça ne me plaisait pas. Il y a des films qui devaient sortir au cinéma qui ne sont sortis que sur les plateformes. Je les regardais donc dessus, et on sent bien la différence. On n’arrive pas à être pris dans le mouvement du film. L’expérience du cinéma m’a beaucoup manqué, et en ce qui concerne les films que je voyais, ce n’était pas pareil.  Donc vraiment j’attendais avec impatience que les salles ouvrent de nouveau.

Vous considérez-vous comme cinéphile ?

Je l’attendais celle-là ! elle me fait peur cette question parce qu’il y a que deux issues possibles : soit on répond « oui » avec cette peur de passer pour quelqu’un qui se vante d’une culture importante, qui s’expose dans ses connaissances ; soit on dit « non, je me considère comme amatrice » qui n’a pas vraiment de connaissances très étendues. Dans cette deuxième situation, comme je suis dans une association de cinéma, on pourrait alors me dire d’arrêter de faire la modeste.

« Cinéphile », c’est un terme que j’aime parce que c’est un beau mot, qui est rattaché au cinéma. Donc je l’adore. Mais dans le même temps, je ne l’aime pas du tout parce qu’il est piégeux. Je le garderai dans sa définition de l’amour pour le cinéma. C’est tout. Peu importe ce que vous allez voir au cinéma, si vous avez un intérêt pour le cinéma qui est vraiment très fort et que ça vous fait du bien, pour moi vous êtes cinéphile.

Vous êtes membre d’une association de cinéma, l’ACD (Association Cinéma Dauphine). Comment et pourquoi y êtes-vous entrée ?

J’y suis allée parce que j’adorais le cinéma, j’aimais beaucoup l’idée de faire une association culturelle aussi, et j’aime tous les types d’art. Il y avait les troupes de théâtre ou de comédie musicale qui m’intéressaient aussi. Ce sont des activités que j’ai pratiquées au lycée. Mais c’est vrai qu’une association de cinéma, je n’avais jamais vu ça. Comme je viens de province, je me disais que ça me faisait plaisir d’arriver dans un endroit où peut être je pourrais voir des films avec d’autres personnes, me faire des ami.e.s à partir d’un intérêt commun. En général, j’ai du mal à aller vers les autres pour me faire des ami.e.s. Je me disais que dans ce contexte, notre passion commune allait sûrement permettre ce mouvement d’amitié.

Votre rapport au cinéma a-t-il changé depuis que vous faites partie de cette association ?

Oui, beaucoup. Ça n’a pas changé l’intensité de ce que je ressens dans une salle par exemple. Mais, ça a changé ma façon de voir la cinéphilie, les choses comme ça. J’avais tendance à penser que je n’étais pas digne d’être considérée cinéphile. Je n’ai pas vu de grands classiques : aucun Parrain, je n’ai pas vu Taxi Driver et beaucoup d’autres films culte. Depuis que je suis dans cette association, je me rends compte qu’on aime tous des choses différentes. Certains adorent le cinéma d’horreur, moi je ne peux pas supporter ça. D’autres ne peuvent pas supporter les comédies romantiques, je n’aime pas plus que cela, mais de temps en temps il faut reconnaitre que ça fait du bien. J’adore Quand Harry rencontre Sally (de Rob Reiner (1989) ndlr). Il n’y a pas plus cliché, mais j’adore ce film.

Il y a un vrai mélange au sein de l’association. On arrive pourtant à avoir une grande cohésion avec des préférences très distinctes. Je me suis rendu compte que finalement, être cinéphile, c’était seulement aimer le cinéma, et peu importe comment ça se traduit ou les œuvres qu’on aime : c’est ça être cinéphile.

Autoportrait, Albane Perrot

En conclusion, auriez-vous un top 5 à nous partager ?

Je pense qu’un top de film dépend beaucoup de la façon dont on se sent à un moment précis. On peut être touché.e par une histoire sur le moment, mais cela peut changer, évoluer. Des films peuvent nous marquer, mais il y a des périodes de notre vie ou cela ne nous saute pas aux yeux qu’ils font partie de nos films préférés. Je peux quand même essayer de me soumettre à l’exercice, même s’il est vrai que faire le choix de 5 films seulement risque de me prendre la semaine !

Plus sérieusement, sans ordre précis, entre le deuxième et le cinquième je dirais qu’il y a :

  • Blade Runer (celui de 1984)
  • Gran Torino
  • Le cercle des poètes disparus
  • Amour, de Michael Haneke, évidemment, ex-aequo avec La Pianiste

La première place dans mon cœur est et restera, je pense toujours, pour Laurence Anyways, de Xavier Dolan. Prenez n’importe quel plan de ce film, je vous assure qu’il sera d’une beauté déconcertante. A mes yeux, c’est une œuvre d’art complète : une peinture pour les yeux, une bande son qui est un concert, des dialogues qui sont des poèmes. J’en suis arrivée à mettre l’affiche dans mon appartement.

Propos recueillis par Inès Benarab

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