Après plus de 18 mois de fermeture des boites de nuit pour des raisons sanitaires, le GHB, la « drogue du violeur » fait son retour. Pour lutter contre ce fléau, le gouvernement a lancé un plan national le 16 février dernier. Des mesures concrètes sont mises en place mais sont-elles efficaces ?
Vendredi 18 mars 2022, la soirée Purple est organisée au Faust, grand club parisien situé sous le pont Alexandre III. Vers 2 heure du matin, plus de 1500 fêtards s’enflamment sur la grande piste de danse. L’alcool fait ses premiers effets. De nombreuses personnes commencent à s’embrasser, danser coller-serrer. Une partie des invités fait de moins en moins attention à ses verres. Au bar, un inconnu en jean chemise basket qui venait de danser pendant 5 minutes avec une femme brune très bien apprêtée, lui offre un verre. La soirée continua jusqu’à 6h du matin, la drogue n’a pas fait de ravage ce soir-là grâce au professionnalisme de l’équipe.
Avant le début de la soirée, les organisateurs ont organisé un briefing avec tous les équipiers pour leur rappeler que le GHB circule en boite de nuit. « Il faut rester vigilant face à tous les comportements, nos clients doivent passer une soirée incroyable » répète Alexandre, un des organisateurs. Il est rappelé aux vigiles à l’entrée qu’ils doivent fouiller tous les noctambules pour éviter de faire rentrer de la drogue ou des armes blanches dans le club.

Crédit photo : Théo Jakubowiez
Aller en soirée est un synonime de prise de risque ?
Le GHB est une drogue liquide ou soluble, molécule anesthésique, qui a forte dose peut faire l’effet d’un somnifère puissant. Il a un effet euphorisant puis sédatif. Selon le ministère de l’Éducation national, depuis une vingtaine d’années, il est souvent utilisé à des fins non médicales. Le mélange alcool et substance illicite peut causer des dommages cérébraux. Des personnes peuvent alors profiter de la victime puis l’abuser sexuellement, sans son consentement.
« Après avoir été drogué à mon insu, j’ai eu un black-out. Je ne me rappelais plus d’une partie de la soirée, comment j’étais rentré chez moi, j’étais totalement perdu ! » Gaétan, 19 ans, victime du GHB en octobre 2021 après une soirée à la Purple. Les médecins rappellent que l’effet anesthésiant peut faire perdre la mémoire. Cependant Gaétan n’a jamais pu porter plainte. Il n’avait aucune preuve et a désormais « peur de se rendre dans des night-club ». Le GHB s’élimine très rapidement, il est détectable jusqu’à 12 heures dans les urines contre quelques heures dans le sang.
La parole des victimes se libèrent
Sur les réseaux sociaux, de nombreux hashtag #touchepasàmonverre ou #balancetonbar et page sont créés pour dénoncer des actes malveillants, des situations vécues, … Les réseaux libèrent la parole. Le week-end et veille de jour férié, ces hashtags sont utilisés par énormément d’utilisateurs. Des centaines de tweets peuvent y être recensés. Sur Instagram, LeSnapÉtudiant a posté des conseils pour apprendre à « reconnaitre si votre verre a été drogué ». Ce post a été repartagé des milliers de fois en story et aimé plus de 370 000 fois.

Une « capote » pour protéger son verre
Le gouvernement a profité du 16 février 2022 pour lancer un plan national de lutte contre le GHB. Ce plan consiste en la mise place d’un protocole « viol » pour toutes les personnes qui pensent s’être fait agresser sous GHB : un prélèvement toxicologique est effectué dès l’arrivée de la victime à l’hôpital, la mise en place d’un QR code dans les clubs permettant de contacter les forces de l’ordre ou encore offrir une formation aux équipes des discothèques. Ce même jour, la Région Sud a annoncé qu’elle fournirait dans les mois à venir 400 000 couvercles de verre antidrogue aussi surnommé « capote de verre ».
Le cup condom est une protection à mettre au-dessus de son verre permettant d’éviter que des individus malveillants mettent du GHB dans un verre. Cet accessoire rend le verre hermétique. Gaétan espère fortement que « la région Ile de France prendra exemple sur la région Sud, il faut que les cup condom se généralisent dans les boites de nuit ». Mettre seulement sa main sur son verre n’est plus une solution efficace. Lorsque les personnes profitent de la soirée, la vigilance diminue.
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Dans les toilettes de la Purple, des affiches sont placardées. Elles conseillent de ne pas laisser trainer son verre car des individus mal intentionnés peuvent mettre du GHB dans les boissons. Si une personne se sent mal, il ne faut pas qu’elle reste seule. Elle peut informer le personnel des boites de nuit qui connait la procédure à suivre : appeler les pompiers et la police. Des affiches faites par le ministère de l’intérieur permettent de relier, en scannant le QR code présent sur l’affiche, un fêtard qui pense s’être fait droguer avec la police ou la gendarmerie.

crédit photo : Théo Jakubowiez
Cependant Camille, 22 ans, qui a été drogué au GHB le 18 février 2022 lors d’une soirée de réouverture, ne pense pas que les protocoles auront les effets escomptés. « Dans beaucoup de boites de nuit, il y a un manque de sécurité, les vigiles ne nous écoutent pas quand on leur lance un appel à l’aide… ». De nombreux noctambules ne souhaitent donc plus consommer dans les boites de nuit par peur de se faire droguer. Arthur, un serveur de la Purple, constate même que les individus consomment moins en soirée et « préfère boire en before » quitte à arriver déjà ivre en boite.
Une partie des forces de l’ordre a reçu une formation pour avoir le bon comportement à avoir face à une victime. François-Régis, brigadier-chef réserviste, trouve cette formation utile même s’il n’a jamais été confronté en zone rural ou sur le littoral breton à des cas de personnes droguées au GHB, « c’est majoritairement à Paris que ça se passe et dans les villes touristiques même si depuis quelques mois, ça arrive de plus en plus dans les zones rurales ».
Le gendarme rappelle qu’il ne faut pas s’amuser à mettre du GHB dans le verre d’inconnu. « L’individu risque jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende ».
Crédit vidéo : Théo Jakubowiez
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