Annoncée en mai 2021 par la mairie de Paris, la piétonnisation du centre de la capitale a été initialement prévue pour 2022. Le projet a pour but de créer une « zone apaisée » en supprimant l’accès des voitures à une partie de la ville, allant de Paris-centre jusqu’au boulevard Saint-Germain. Ayant pris du retard, la mesure sera mise en place dans son entièreté entre 2023 et 2024. Cependant, certaines rues ont été rendues piétonnes début 2022, dans le but de réaliser une étude de l’impact de ce changement. C’est le cas de la Rue des Petits-Champs, située à la limite entre les premier et deuxième arrondissements, dont les commerces connaissent de réels changements.
La rue des Petits-Champs est un axe très commerçant et particulièrement animé. Elle part perpendiculairement de l’avenue de l’Opéra et continue vers l’Est jusqu’à la place des Victoires. Avant son aménagement, la rue comportait deux voies et des trottoirs étroits. Elle était bondée à certaines heures et le trafic y était particulièrement dense entre ses croisements avec les rues de Richelieu et Saint-Anne. À l’image du quartier historique qu’elle occupe, la rue est constituée d’immeubles de style Louis XV ou haussmannien, généralement de moins de six étages. Malgré sa forte affluence et le brouhaha qui s’en dégage, une certaine harmonie règne dans cette rue. Souvent ensoleillée, les couleurs des pierres anciennes se réchauffent et les passants pressés se mélangent aux odeurs en créant une atmosphère euphorique de fin de journée, presque fatigante tant elle est prenante.
En tant qu’un des premiers axes « apaisés » du projet, la rue des Petits Champs connaît une certaine tourmente. En effet, la rue est maintenant embouteillée par des travaux, et ce depuis plusieurs mois. Les plots se déplacent de tronçon en tronçon et chaque commerçant passe quelques semaines derrière des barrières. Pour …, épicier ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ça a été un gros problème. Jusqu’il y a quelques jours, des travaux d’élargissement du trottoir ont été effectués devant sa boutique. Il estime leur durée à « au moins trois ou quatre semaines ». Selon lui, de potentiels clients ont été découragés par l’accès rendu fastidieux à son commerce ; il s’est même résolu à fermer son établissement pendant quelques jours, en attendant la fin des travaux. Il admet finalement que, depuis ces travaux de piétonnisation, les passants se multiplient dans la rue.

En effet, la partie de la rue rendue piétonne n’est pas si « apaisée ». Les voitures ont été remplacée par des piétons étrangers au quartier. Il semble en effet que l’aménagement de la voie en ait fait un lieu d’agrément et de promenade, où des bandes d’amis se donnent rendez-vous. Les quelques terrasses sont pleines, des attroupements sont créés devant les magasins et des groupes d’individus discutent sur les trottoirs en bouchant la circulation des autres piétons. Le premier arrondissement est un quartier très touristique et on le constate d’autant plus ici : on repère des multitudes de touristes. Outre la langue étrangère qu’ils parlent souvent, ils ont généralement un rythme de déplacement plus lent et ont tendance à bien plus regarder ce qui les entoure que les travailleurs ou les passants parisiens affairés.
En plus de la proximité de la rue avec des lieux très touristiques (Musée du Louvre, Jardin des Tuileries, Comédie française, Jardin du Palais-Royal, Place Vendôme, …), son affluence s’explique par un autre phénomène assez singulier : l’apparition d’une dizaine de « Bubble Tea shops ». Il s’agit de très petits magasins ne vendant qu’une seule boisson : une sorte de thé asiatique dans lequel nagent de petites boules. Il existe des centaines de goûts et de couleurs, et nombreux sont les adeptes de cette nouvelle mode. C’est le cas de Sixtine, 17 ans et élève de terminale. Elle affectionne particulièrement ces nouvelles boissons qui sont devenues une réelle habitude. Presque chaque jour, en rentrant du lycée, la jeune fille passe dans son shop favori. Que ce soit dans la rue ou dans son micro-quartier, des flopées de magasins ont été remplacés par ces bars de takeaway. Dès le milieu de l’après-midi, les gens affluent et s’entassent devant leurs portes, et ce jusqu’à au moins vingt-deux heure. Ils déambulent ensuite dans les environs proches, verre à la main. L’ambiance n’est pas plus reposante ou calme qu’avant, mais elle est plus lente et cosmopolite.
Les premiers jets du projet de « zone apaisée » semblent offrir un certain changement de paysage aux quartiers concernés. Comme on le constate rue des Petits-Champs, le caractère piéton ralentit le rythme rapide des Parisiens et rend la rue plus attractive. Elle devient un lieu de rencontre en elle-même et n’est plus qu’un axe de passage.
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