Quand des dauphinois découvrent l’exposition dont ils deviendront guides pour la « Nuit des Musées »

Affiche de l'exposition Pionnières au musée du Luxembourg

Des étudiants de deuxième année se sont inscrits volontairement à la mission de médiation culturelle organisée entre l’Université Paris-Dauphine et la Réunion des Musées nationaux. Le but est d’échanger avec les visiteurs, de leur proposer des informations complémentaires ou des anecdotes sur les œuvres présentes dans la salle qu’ils auront choisie. Pour s’y préparer, ils découvrent les oeuvres et les artistes exposées lors d’une visite guidée.

A la sortie du musée du Luxembourg, sous un soleil d’été prématuré, se succèdent les conversations enjouées sur l’art de Marie Laurencin, les rires et les exclamations, entremêlés de questions politiques et de débats féministes. Le groupe d’étudiants Dauphinois en pleine discussion vient tout juste de finir sa visite de l’exposition Pionnières dont ils deviendront les guides le 25 mai prochain, à l’occasion de la Nuit des Musées. Chacun demande aux autres quelles sont leurs parties préférées du parcours. Une étudiante s’exclame : « D’habitude je n’aime pas trop le musée du Luxembourg, mais là j’ai tout aimé. Surtout le tableau tissé en laine ». « Moi, c’est la partie sur le sport qui m’a plu » lui répond un étudiant en train de mettre son pull et de s’en aller.

Deux heures plus tôt, au début de l’après-midi, les premiers arrivés se retrouvent dans le hall d’entrée du musée. Le petit groupe alors formé se rassemble autour de Stéphanie Pitoun, coordinatrice du programme Culture de la Fondation Dauphine. Titouan se désole d’avoir fait autant de trajet pour venir alors qu’il n’a pas cours le vendredi. Iliana, elle, ne doit pas tarder pour assurer un cours de soutien dans son ancien collège, tandis qu’une autre étudiante annonce qu’elle doit prendre un train à 15h30… C’est à croire que l’heure de rendez-vous n’arrange personne. Heureusement, Adrien s’exclame de manière très enthousiaste : « Moi, j’ai hâte ! » 

Tableau de Jacqueline Marval

Une fois les sacs déposés au vestiaire et les casques audios distribués, la visite de l’exposition peut enfin commencer. La conférencière se présente : c’est une dame plutôt grande, aux cheveux grisonnants, portant une robe en coton bleu marine et un sac en toile noire à l’épaule. Deux petites barrettes pailletées retiennent sa mèche de devant. Sa voix est aigue mais chaleureuse, attirant l’attention de ses auditeurs. La quinzaine d’étudiants se tait soudainement et écoute ce qui se raconte dans le casque amplifiant la voix de la conférencière. Elle est en train de parler de l’émancipation des femmes dans les années d’après-guerre. « Saviez-vous que la loi interdisait aux femmes de porter des pantalons jusqu’en 1970 ? » demanda-t-elle à son assemblée muette. C’est le genre d’anecdote qui pourrait tout à fait servir aux futurs guides en apprentissage. Cela permet d’interagir avec le public et de sortir du cadre de l’exposition, bien qu’elle soit déjà très diversifiée.

Fresque de Juliette Roche, « Sans titre » dit « American Picnic », vers 1918

Les salles s’enchaînent et les œuvres se succèdent. On y voit des toiles colorées, des vêtements de Coco Chanel, des affiches publicitaires signées Joséphine Baker, des sculptures de silhouettes féminines, des marionnettes en bois réalisées par la célèbre Sophie Taeuber-Arp ou encore de grandes fresques aux paysages exotiques. Les artistes femmes sont mises à l’honneur tout au long de l’exposition. On y met en lumière leurs œuvres, leurs histoires et leurs combats, sans montrer leurs homologues masculins qui, trop souvent, leur ont fait de l’ombre. Selon la commissaire d’exposition Camille Morineau, « ces artistes talentueuses et révolutionnaires méritaient une exposition qui leur était dédiée. Ce sont des pionnières ! ». La conférencière affirma également que « tout ce travail pour sortir de l’ombre les femmes artistes n’a commencé qu’en 2009, et elles sont encore peu représentées par rapport aux artistes masculins dans la plupart des expositions ».

Certains visiteurs se rallient parfois au groupe d’étudiants pour écouter les commentaires. On repère les passionnés à ce qu’ils hochent ou non la tête dès que le nom d’une artiste est cité. Parmi les étudiants, personne ne hoche la tête. Tous suivent religieusement les pas de la guide et le flot de ses paroles. Une seule étudiante prend des notes dans un petit carnet gris. Les autres déambulent dans les allées, tenant en main le boitier du casque audio à défaut de le glisser dans leur poche.

Arrivés dans la dernière salle, les étudiants se regroupent devant la conférencière. Celle-ci les remercie pour leur attention et leur engagement avant de leur demander s’ils ont des questions. Une main se lève : « Les gens s’intéressaient-ils à ces femmes artistes à leur époque ? » Elle lui répond qu’un bon nombre de ces femmes réussissaient à s’en sortir financièrement en se diversifiant et en vendant leurs productions. Elles s’exprimaient dans des formes d’art très différentes, dans un objectif d’indépendance et d’émancipation masculine, détachées du modèle classique d’avant-guerre. Les années 20 rebattaient les cartes. Plus rien n’était interdit, le nouveau était devenu la normalité.

Tableau de Tamara de Lempicka

La visite avait duré près de deux heures, mais on n’avait pas vu le temps passer. La conférencière remercie de nouveau les étudiants. Chacun lui remet son casque audio et se dirige vers la sortie dans une ambiance chaleureuse et détendue. La guide n’avait pas spécialement l’habitude d’accueillir des groupes de jeunes : « Je suis conférencière, je m’adapte aux visiteurs. Cette fois-ci j’ai parlé de choses que je n’aurais pas évoquées en temps normal. J’ai donné plus d’indications aux étudiants, des petites astuces pour faire leurs recherches en amont et se préparer au mieux pour le jour J ».

Dans la boutique du musée, le niveau sonore s’élève immédiatement. La lumière de l’extérieur est presque éblouissante comparée aux néons électriques qui éclairaient les tableaux. On aperçoit sur les étales le livre de Léa Salamé Femmes Puissantes. « C’est dans le thème ! » s’exclame Titouan. En discutant avec Stéphanie Pitoun entre deux piles de catalogues d’art, on apprend que le partenariat entre Dauphine-PSL et le Musée du Luxembourg dure depuis 10 ans. Elle, s’en occupe depuis 2014 : « Au début, les visiteurs sont surpris de voir des jeunes postés dans les salles, mais ils se prennent très vite au jeu. C’est une autre façon de découvrir les oeuvres qui plaît beaucoup au public », avant d’ajouter « les étudiants aiment beaucoup aussi. C’est un moment d’échange privilégié et une expérience de partage entre générations ». Bientôt, ils revêtiront leurs polos de médiateur culturel, aux couleurs de leur université, et prendront la place des guides de musée le temps d’une nuit.

Taolina Davy

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