« En 15 ans de descente, je n’avais jamais vu un chien dans les catacombes »

Lizzie, cataphile confirmée, allume sa cigarette avec la flamme d'une lampe acétylène dans les catacombes de Paris, Canon Prima 135.

Ce samedi 26 mars 2022, 5 cataphiles ont rendez-vous pour une descente très particulière dans les catacombes de Paris. Ils s’apprêtent à fêter leur 5 ans d’exploration commune. C’est l’occasion de retourner sur les lieux symboliques qui ont marqué leurs aventures.

Il est 20h. Danny, Thomas, Natacha et Eve sont devant l’entrée de la gare Montparnasse, le point de rendez-vous. Comme à son habitude, Lizzie est en retard. Mais il est impossible pour le groupe de descendre sans la guide. Cataphile depuis 15 ans, elle connaît le réseau souterrain comme sa poche. À 20h30, Lizzie arrive enfin. Elle porte de grandes cuissardes, une lampe frontale autour du cou, et un pantalon treilli. Sa tenue ne passe pas inaperçue. De nombreux passants froncent les sourcils d’étonnement. D’autres plus curieux osent demander: « Qu’est ce que vous faites ? Vous allez dans les égoûts ? ». Ce à quoi le groupe répond en riant « Exactement, mais ne vous en faites pas nous avons l’habitude ! ». 

Située à quelques dizaines de mètres de la gare, le groupe se dirige vers la plaque par laquelle il faut passer pour accéder au réseau souterrain. Le moment est délicat. Il faut faire preuve de discrétion pour ne pas se faire interpeller par les passants ou les forces de l’ordre. Danny positionne ses pieds de part et d’autre de la plaque. Il la soulève à l’aide d’un tire-plaque fabriqué avec une sangle et une clé à molette. Chacun allume sa lampe frontale et se dépêche de descendre les échelons pour arriver « sous-terre ». 

Plaque située près de la Gare Montparnasse. / Thomas descend une dizaine de mètres d’échelons pour accéder aux catacombes, Canon Prima 135.

« Dans l’imaginaire collectif, qui dit catacombes dit ossements, alors qu’en réalité les ossuaires ne représentent qu’une infime partie du réseau »

Après avoir descendu une dizaine de mètres d’échelons, le groupe est enfin arrivé dans les catacombes. Sans réseau, les cataphiles sont coupés de la capitale. Lizzie sort une cigarette et allume l’enceinte qu’elle a dans son sac. Amatrice de blues, elle fait défiler sa playlist de Robert Johnson. Le son résonne. 

Avant de commencer à arpenter les galeries, le groupe se concerte. L’itinéraire est rapidement tracé. Ils vont commencer par retourner au Carrefour des morts. Cet endroit, situé sous le cimetière de Montparnasse, est un passage obligé pour l’initiation des néophytes. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’est un des seuls endroits où l’on peut trouver des crânes et des ossements.  

Danny, Lizzie, Natacha et Eve (de l’arrière-plan au premier plan) se concertent pour choisir un itinéraire, Canon Prima 135.

L’étroitesse des galeries nécessite un positionnement en file indienne. Lizzie se place devant pour guider. Le trajet est agréable. Les galeries sont hautes, longilignes et non boueuses. Arrivés au Carrefour des morts, tous sont nostalgiques. Cela fait des années qu’ils ne sont pas retournés à cet endroit très touristique. Ils se remémorent des souvenirs de leurs premières explorations en riant.

Ossuaire du Carrefour des morts, Canon Prima 135.

« Direction les galeries inondées »

« Trêve de plaisanterie », s’exclame la guide. Les catacombes n’ont plus aucun secret pour elle. Seule la célèbre galerie inondée, nommée Banga, lui résiste. Phobique de l’eau, elle n’a jamais réussi à la traverser. Il est 22h. Désireuse de se surpasser, elle veut réussir à franchir cet obstacle ce soir.

C’est le moment fatidique. Lizzie enlève ses cuissardes, retrousse son pantalon et s’élance sous les encouragements de ses amis. De l’eau jusqu’aux genoux, elle est prise d’une crise de panique. Il est impossible d’aller plus loin. Danny et Natacha décident de s’y aventurer.   

Danny et Natacha traversent Banga, une galerie très inondée, Canon Prima 135.

L’eau n’est pas celle des égouts mais bien une eau bleue filtrée par  le calcaire. L’eau est tellement froide que Danny et Natacha sont pris d’un fou rire incontrôlable. Après 15min de traversée, ils retournent au point de départ où les attendent Thomas, Lizzie et Eve.

Lizzie est dépitée. Elle est déçue d’elle même. L’ambiance n’est pas à la joie. Pour lui remonter le moral, Thomas, son plus vieil ami, décide d’amener le groupe dans une salle pour fêter dignement leur 5 ans de descente commune. 

Un moment de repos émouvant

Les cataphiles s’installent dans une salle nommée « Bocal ». Le groupe dispose des bougies un peu partout en guise d’éclairage. L’ambiance est conviviale. Aux alentours de minuit, Danny décide de sortir le gâteau qu’il a préparé. Les 5 amis se sont réunis ce soir pour fêter leur 5 ans de descente commune. Danny, Natacha, Thomas  et Eve ont tenu à particulierèrement remercier Lizzie. Elle les a initié à la culture cataphile. Elle leur a aussi fait découvrir tous les endroits cachés du réseau. Le groupe est plus soudé que jamais.

Après avoir soufflé les bougies, le groupe offre une lampe acétylène à Lizzie. Elle rêve de cet objet depuis des années. Cette lampe, fonctionnant au gaz, est parfaitement adapté aux souterrains. Elle résiste aux chocs, à la boue et à l’humidité. L’éclairage instaure une ambiance beaucoup plus chaleureuse que les lampes électriques. Lizzie a les larmes aux yeux.

« Avoir une lampe acétylène c’est un rêve de gosse et surtout un accomplissement pour la cataphile confirmée que je suis. Merci, qu’est ce que j’ai de la chance de vous avoir ! »

Lizzie
Lizzie souffle ses bougies aux côtés de Thomas, Canon Prima 135. / Lampe acétylène offerte par le groupe de cataphiles à Lizzie, Canon Prima 135.

Le retour à la « surface »

Il est bientôt 2 heures du matin. Lizzie commence à fatiguer. Il est temps de remonter à la surface. Le groupe décide de sortir par la plaque Cherche-Midi, située à 30min de marche.

Lors du trajet retour, les 5 cataphiles tombent nez à nez avec un autre groupe. Rien d’étonnant jusqu’ici, il est banal de croiser du monde dans le réseau un samedi soir. Mais un aboiement se fait entendre. L’autre groupe est accompagné d’un petit chien. Il est équipé d’un harnais. Il a l’air habitué à se déplacer dans le réseau. Après une brève discussion, les groupes se saluent et poursuivent leur chemin. Les 5 cataphiles n’en reviennent pas.

Un chien équipé, appartenant à un autre groupe de cataphiles, se ballade dans les catacombes, Canon Prima 135.

« En 15 ans de descente, je n’ai jamais vu ça, un chien dans les catacombes ! En voilà une soirée mémorable qui restera gravée dans nos esprits. »

Lizzie

Arrivés sous la plaque, la discrétion est de mise. Danny briefe le groupe: « on éteint sa lampe, on fait vite et surtout on s’éloigne de la plaque une fois remonté ». En moins de 5 min, tous les membres du groupe sont remontés à la surface. Danny ferme la plaque. Un bruit sourd retentit. L’aventure est terminée. Les cataphiles sont couverts de remblais. Ils se dirigent vers l’arrêt de bus noctilien. Chacun rentre chez soi avec déjà l’envie d’y retourner. 

Danny soulève la plaque Cherche-Midi pour retourner à la surface, Canon Prima 135. / Eve sort des catacombes, Canon Prima 135.

Léa Rocchiccioli

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