Le lien entre le couturier et l’artiste : immersion dans l’exposition Yves Saint Laurent au centre Pompidou

Yves Saint Laurent en 1958

« Yves Saint Laurent aux musées » célèbre le 60e anniversaire du premier défilé d’Yves Saint Laurent, qui s’était tenu le 29 janvier 1962. D’un format inédit, cette exposition événement se déploie simultanément dans six musées parisiens : le Musée d’art moderne de Paris, le Musée du Louvre, le Musée d’Orsay, le Musée national Picasso-Paris et le Musée Yves Saint Laurent Paris. 

Au Centre Pompidou, l’exposition se tenant du du 29/01 au 15/05/2022 aborde l’œuvre d’Yves Saint Laurent comme celle d’un artiste profondément ancré dans son temps, témoin de l’évolution de la création artistique au 20e siècle. 

Encore employé dans la Maison Dior, Yves Saint Laurent rencontre Pierre Bergé en 1958. Brillant, dès l’âge de 21 ans, Yves Saint Laurent prend la relève après le décès de Christian Dior. Ses débuts de problèmes de santé le rendent souvent absent et ingérable, et la Maison décide de l’évincer. C’est alors que Pierre Bergé entre en jeu, le poussant à ouvrir sa propre maison de couture. L’histoire du duo était lancée.

Pierre Bergé, passionné de théâtre, d’écriture et d’Opéra permet de conforter la vision des arts d’Yves Saint Laurent. Au fil des années, les deux hommes constituent une importante collections d’œuvres d’art (Henri Matisse, Piet Mondrian, Pablo Picasso et bien d’autres) qui sera vendue en 2009 au Grand Palais pour près de 375 millions d’euros, destinés en partie à la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent et à la recherche contre le SIDA.

« J’aime d’autres peintres, mais ceux que j’ai choisis étaient proches de mon travail […]. Mondrian, bien sûr, qui fut le premier que j’osai approcher en 1965  » avouait-il dans le Dialogue avec l’art. Ainsi, alors que Piet Mondrian publie un livre, peu connu à l’époque, il va dessiner la première robe Mondrian en 1965.

Robe Mondrian par Yves Saint Laurent, CR : Clara Garnero Nguyen

Souvent qualifiée de « révolutionnaire » par les créateurs, elle est copiée partout dans le monde et permet de populariser le peintre néerlandais. La collection Yves Saint-Laurent de cette année sera inspirée par cette géométrie et une forme d’abstraction, propre à Mondrian. Il gardera toute sa vie durant que seuls des éléments constructifs purs peuvent aboutir à la beauté pure.

L’ancrage artistique dans les œuvres de St Laurent

En déambulant dans les salles de la collection de l’art moderne au quatrième étage, des dialogues s’installent entre le couturier et les œuvres qui lui ont servi d’inspiration.

Dès la première salle, les créations les plus connues d’Yves Saint Laurent s’inspirent de celles de Pablo Picasso. Cet aménagement permet de constater au premier coup d’œil comment ces œuvres ont influencé le travail de recherches du créateur : les couleurs sont similaires, les formes des éléments des tableaux se retrouvent sur les motifs des vêtements.

Picasso et veste créée de Saint Laurent, CR : Clara Garnero Nguyen
Picasso et robe de gala de Saint Laurent, CR : Clara Garnero Nguyen

Au fur et à mesure des salles, nous pouvons découvrir le large éventail d’inspirations d’Yves Saint Laurent. Bien connu pour son amour pour les tableaux de Picasso ou encore de Mondrian, il surprend les visiteurs en créant un manteau en fourrure à partir de l’œuvre de La grande Odalisque de Martial Raysse (1964). En 1971, Yves Saint Laurent présente la collection inspirée par la mode sous l’Occupation. La même démarche d’appropriation et de désacralisation l’anime. Pièce centrale de la collection: un manteau en renard vert.

« Il a le goût de kitsch assumé, une teinte verte inusitée dans la mode et dans la peinture aussi. Il reprend les codes de la mode sous occupation: manteau court, larges épaules, fourrures », énumère Marie Sarré, du service des collections modernes du Centre Pompidou (site du centre Pompidou).

Une pièce qui va entraîner des critiques de part de la presse et du monde de la mode. En revanche, ce manteau va avoir un large succès auprès du public et même lancer la mode rétro avec le retour d’anciennes pièces ou de tissus comme par exemple ici, la mode de la fourrure.

La grande Odalisque (Martial Raysse) et manteau de la collection Printemps-été 1971, CR : Clara Garnero Nguyen

Une exposition attendue

Le parcours inédit dans la collection de George Pompidou à travers treize modèles emblématiques a conquis le public de l’art et de la mode. L’exposition gratuite et accessible tous les jours de 11h à 21h sauf le mardi est un véritable lieu de culture pour toutes les tranches d’âges.

Ainsi, Laure Lasserre, 19 ans s’est rendue le 19 mars dernier dans ce temple mélangeant mode et art. Elle se confie avoir tout particulièrement aimé la transposition de l’œuvre de Gary Hume avec la robe associée d’Yves Saint Laurent. Il s’agit en fait du tableau The Moon présentant des détails anatomiques, tel le bras d’une pom-pom girl tenant un épais pompon jaune. La robe dessinée par Yves Saint Laurent laisse percevoir un membre du corps humain : la jambe d’une femme.

The Moon de Gary Hume et robe d’Yves Saint Laurent, CR : Clara Garnero Nguyen

Cette exposition a été une découverte du lien entre le couturier et l’artiste et amène à se demander si d’autres couturiers se sont également inspirés du monde de l’art. Solal Fima, amateur de mode trouve que dans la collection d’Alexander McQueen (collection dessinée par Sarah Burton), « on retrouve une inspiration directe des arts gothiques notamment du tableau de John Callcot Horsley Criticisms on costume« . Yves Saint Laurent, plus qu’un simple suiveur de l’art a révolutionné la mode et a inspiré des générations de couturiers.

Clara Garnero Nguyen

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