Les étudiants se mobilisent contre l’abstention

A six jours de l’élection présidentielle, 59% des 18-30 envisagent de ne pas aller voter. Les associations « Le Parlement des étudiants » ou « Les engagés » ne ménagent pas leurs efforts pour que les étudiantes et étudiants se rendent massivement dans les urnes. Reportage dans le quotidien de la jeunesse engagée. 

Le rendez-vous est au 27 rue Saint Guillaume ; l’adresse parle d’elle-même.  C’est à Sciences Po Paris, grande école axée sur l’étude des sciences politiques, économiques et sociales, que Romain Léo préside l’association “Parlement des étudiants”. En arrivant à cette adresse, les murs placardés de la rue annonçaient déjà la couleur du hall de l’école : des affiches de campagnes d’hommes et de femmes politiques y trônent, de Mélenchon à Hidalgo, de Jadot à Roussel, ne laissant aucune place au moindre mur blanc. Romain Léo précise : “Les affiches de droite ne tiennent pas plus de vingt minutes ici.” 

Le Parlement des étudiants est une association de cent adhérents dont l’objectif premier est de faire vivre la politique à Sciences Po. Cette association fait partie d’un mouvement national qui a pour mots d’ordre la garantie de l’apprentissage de la citoyenneté et des institutions politiques ainsi que l’animation du débat démocratique. 

Ici, le mot “abstention” fait grincer des dents et c’est dans cet objectif de “lutte massive contre l’abstention”, formule présente de manière quasi automatique dans chaque prise de parole du président aux évènements, que l’association a mis en place différents moyens à disposition de la jeunesse. 

L’amphithéâtre Emile Boutmy est la salle de conférence la plus mythique de l’école et reçoit les hommes et femme politiques que l’association semble judicieuse d’inviter en fonction du contexte. En cette période d’élections présidentielles, l’amphithéâtre a accueilli neuf des douze candidats, à l’exception d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen ayant décliné l’invitation et du Président-candidat Emmanuel Macron.  

Jean-Luc Mélenchon initie les conférences des candidats à la Présidentielle 2022.

L’association ambitionne, depuis peu, d’animer de nouvelles conférences dans lesquelles les invités ne seraient plus des politiciens mais des artistes, des écrivains, des journalistes, des comédiens. Cette décision ne l’éloigne pas de son objectif de remobilisation au vote, bien au contraire. L’idée serait d’aborder la politique sous un autre angle pour que les plus réfractaires au domaine l’appréhendent différemment. “Nous aimerions recevoir Fabrice Lucchini par exemple” précise Romain Léo, “ses pièces sous-entendent beaucoup de leçons moralisatrices sur la politique d’aujourd’hui et c’est une autre façon d’envisager les questions actuelles”. 

Innover, pour mieux capter l’attention de la jeunesse : c’est comme cela que l’association s’y prend, jusqu’à se rendre elle-même sur place, dans les collèges et lycées, pour partager son intérêt pour la politique; c’est le rôle du pole pédagogie.  

L’année dernière, certains adhérents se sont rendus dans un lycée dit CEP à Noisy-le-Grand. La démarche est simple : ils arrivent dans les classes, expliquent aux élèves pourquoi la politique est quelque chose d’intéressant et peut ne pas l’être, qu’est-ce que la gauche, la droite, demandent ce que les élèves souhaitent faire plus tard et surtout discutent et sortent du cadre, des exigences, des connaissances de Sciences Po Paris. “Le but est de leur inculquer dès le plus jeune âge une image bénéfique de la politique quand elle est souvent limitée dans ce genre d’établissement à une vision assez péjorative qui, si elle n’est pas modifiée, ne va pas les inciter à croire en la politique et donc à aller voter”. Ces interventions diffusent un message d’espoir dans la croyance en la politique. Elles consistent à simplifier au maximum le discours, sans jamais le minimiser pour autant, et de faire prendre conscience que même si le vote n’est pas un devoir, c’est un droit que les Français ont obtenu et qui existe pour “deux jours et deux fois cinq minutes” comme aime le rappeler Romain Léo.  

Certains ont choisi une autre forme de pédagogie, qui s’assimile davantage à une méthode d’intégration du vote dans les habitudes des jeunes. C’est le cas de l’application “Elyze”

Aux mains entrepreneuses de Grégoire Cazcarra et Francois Mari, deux étudiants à la tête du mouvement citoyen apartisan bordelais Les Engagés, cette application, lancée en 2022, a souvent été banalisé par les médias comme le “Tinder de la politique”. Désireux d’intéresser les jeunes de leur génération à la politique faisant de l’abstention leur bataille, les deux hommes ont réfléchi à une manière d’intégrer les habitudes des jeunes et l’idée de l’application à la forme de “swipe” et de « superlike » des propositions des candidats, à l’image de l’application Tinder, s’est imposée comme “la bonne idée” pour capter l’attention des plus curieux. Le principe est simple: lorsqu’une proposition plaît à l’utilisateur, il swipe à droite et si, au contraire, il est en désaccord avec l’idée, alors il swipe à gauche. Le « superlike » est une option qui permet de montrer plus clairement son accord avec la proposition. Avec déjà deux millions de téléchargements, cette application innovante semble être une option non négligeable dans la lutte contre l’abstention des jeunes.

Louis de Benoist est le développeur de l’application. Diplômé de l’école Polytechnique et actuellement étudiant à HEC, Louis a rejoint l’équipe de « Elyze » pour ses compétences informatiques mais c’est bien l’ambition des deux créateurs qui l’a convaincu à faire parti de ce projet innovant. « Coder cette application n’a vraiment pas été une tâche difficile; la chose la plus délicate était de la rendre la plus juste et précise possible, tout en la laissant ludique pour les utilisateurs. Des politiciens avaient déjà essayé il y a quelques années ce format d’application pour inciter la jeunesse à s’intéresser à leur domaine mais ça n’avait pas fonctionné. Leur logique de l’application était à la fois complexe, formelle et surtout dépassée: elle n’a pas du tout séduite car elle était trop éloigné des gens » confie Louis.

L’application est loin d’avoir dit son dernier mot. Si le premier objectif de remobilisation de la jeunesse semble avoir été atteint, les deux créateurs ne souhaitent pas se reposer sur leur succès et travaillent activement avec Louis dans une optique permanente d’amélioration des fonctionnalités pour assurer la justesse des résultats tout en gardant cette proximité avec les utilisateurs.

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