C’est à La Place, un centre culturel hip hop situé dans le quartier du Châtelet à Paris, que se tient une battle 100% Krump organisée par La Strukture, une compagnie dédiée à ce type de danse hip-hop méconnu.
Situé au cœur de Paris, sous la canopée des Halles, La Place est un lieu hybride dans lequel se rencontrent spectacles vivants, concerts, expositions et workshops avec comme ambition de contribuer au rayonnement du hip-hop. Dans la sombre salle de danse éclairée par les spots lumineux, dès 14h, une trentaine de danseurs venus du monde entier se saluent, se sautent dans les bras, s’échauffent ensemble. « Il y a une notion de partage dans le krump, on se retrouve toutes les semaines pour des battles ou des démos et on évolue ensemble dans des « fam », des sortes de crews » révélait Zepek, vainqueur de la catégorie « Character ».
Mais la tension reste palpable, au programme 8 catégories, des présélections instantanées et des battles endiablées avec à la clé une récompense de 1000 euros pour le meilleur de chaque catégorie.
Qu’est-ce que le Krump ?
Le Krump est une danse née dans le milieu des années 90 dans les quartiers pauvres de Los Angeles. C’est une danse énergique et cathartique dans laquelle on retrouve des influences hip-hop, de mime et de danses africaines. « Le Krump ça signifie Kingdom Radically Uplifted Mighty Praise, en français on le traduit par « éloge puissant d’un royaume radicalement élevé », je trouve que ça montre bien la dimension spirituelle qui nous transcende dans cette danse. » explique Alexandre Morreau alias « Cyborg », membre du jury des battles.
Expressive tant bien au niveau des mouvements du corps que du visage, le krump raconte de manière sublimée l’histoire d’un combat entre le danseur et son adversaire. D’apparence très agressive, elle permettait aux jeunes des quartiers de canaliser leur colère, leur rage, leur revendications sans aucun conflit physique entre les danseurs. « Le krump pour moi c’est un moyen d’expression, comme une prière, un exutoire » précise Katanaah, danseuse krump depuis 7 ans.
Les krumpeurs entremêlent des mouvements improvisés sur la base de « stomp » (les pieds tapent le sol), arm swing (mime d’un coup de poing, d’un jet de projectile), chest pop (mouvement de poitrine vers le haut) et jab (jet puis arrêt du mouvement) sur des instrumentales électroniques et rap rythmées par des basses puissances, expliquait la gérante du compte instagram @instant.krump dans le public.
Des battles organisées et fougueuses
À partir de 16h, les basses s’enclenchent et une musique rap retentit : les battles commencent. Les danseurs décident de concourir ou non pour chaque catégorie puis les juges statuent en faveur de leur sélection ou de leur refus. S’ensuit des battles jusqu’à désigner le vainqueur de chaque catégorie. « On ne se rend pas compte mais enchaîner les battles comme ils le font c’est vraiment physique, ils méritent le respect » a souhaité préciser Arias Fernández (« Joker »), juge espagnol des battles.
Les juges décrivent précisément chaque catégorie en amont. Par exemple le hollandais Brui5er insiste sur la dimension spirituelle du bock : « C’est un mindset, une essence, c’est un esprit de croire que je sais qui je suis, c’est une fondation solide qui vous attrape les tripes ».

Le mal aimé du hip-hop
C’est en 2005 que le réalisateur David LaChapelle capture l’évolution de cette danse dans le film-documentaire RIZE où il suit les traces des créateurs de cette danse tels Tight Eyez ou Big Mijo. Cette danse reste aujourd’hui méconnue, dans l’ombre du hip hop malgré une incursion progressive sur les scènes de Madonna entres autres qui l’intègre à ses tournées.
« Le krump n’est pas encore grand public mais ça bouge, affirme le speaker de l’évènement et créateur de la Strukture, Wolff, nous on souhaite faire connaître la discipline et c’est en organisant des évènements comme celui-ci ou avec notre premier spectacle « Buck the world ».»
Dans le public, des amateurs de krump, des membres de la famille des danseurs mais aussi des personnes ne connaissant pas la discipline. « Je trouve ça vraiment impressionnant, je découvre cette danse pour la première fois aujourd’hui, c’est dommage que ça ne soit pas plus répandu en France » confie Julia 15 ans, accompagnée de son papa.
Pourtant, couronné MVP (« meilleur joueur ») de l’évènement, Edwin Saco alias Jamsy ancien danseur de l’Opéra de Paris tente depuis plusieurs années avec force de faire découvrir la discipline. « J’ai participé à la France à un incroyable talent en 2019, depuis je fais plusieurs plateaux télé pour montrer notre art, montrer que ce n’est pas seulement une danse agressive mais que c’est un moyen d’expression, comme un langage des signes et qu’il s’agit d’une véritable poésie corporelle qui peut toucher tout le monde à sa manière. Il existe autant de Krump que de krumpeurs».
Lola Carré
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