C’est une remise de diplômes un peu particulière : celle du DU passerelle le l’université Paris Dauphine-PSL. Pour 35 étudiants en exil, l’objectif de la formation était de se mettre à niveau en français pour reprendre des études en France. Complicité et retrouvailles étaient au rendez-vous durant la cérémonie du 4 avril 2023.
« Avant je ne connaissais qu’une phrase : « Je ne parle pas français » » plaisante Andrii, un jeune étudiant d’origine ukrainienne. Tout comme 34 autres étudiants réfugiés ou en exil, il a été convié ce mardi 4 avril à la cérémonie de remise des diplômes du DU passerelle.
Conçu par le réseau MEnS, le DU passerelle s’adresse à des personnes non francophones ayant le statut de demandeur d’asile, de réfugié ou bénéficiant de la protection subsidiaire. Il leur permet de reprendre ou d’entreprendre des études dans l’enseignement supérieur français.
Accompagnée d’une trentaine d’établissements français, l’université Paris-Dauphine PSL a choisi de proposer cette formation. « C’est grâce à vous que Dauphine est à la hauteur de sa réputation, université d’expérience et de solidarité » souligne El-Mouhoub Mouhoud, le président de l’université. Face à aux étudiants et à l’équipe pédagogique, il mentionne son parcours personnel : « Je sais ce que c’est d’avoir la peur au ventre. Quand on a passé cette peur, plus rien ne nous fait effraie ». Un discours fort, ponctué de rires et d’applaudissements.
Dans le cadre de cette formation, les étudiants originaires d’Ukraine, de Russie, de Syrie, du Soudan ou encore du Tibet, ont pu bénéficier de multiples cours et activités. Les cours de FLE (français langue étrangère) occupent une place de choix, mais l’accent est aussi mis sur les activités socio-culturelles. « Le plus drôle c’était le théâtre. Ça m’a permis d’améliorer ma communication avec les autres », annonce Alexandra. Pour intégrer les étudiants dans une filière universitaire française, ces activités sont d’autant plus importantes. Pour Khrystyna, c’était l’occasion de « ne pas se concentrer que sur la grammaire et le vocabulaire, mais aussi sur la culture française ».
Les discours des étudiants s’enchaînent, chacun se montrant reconnaissant de l’année qu’il a pu passer à l’université. Andrii somme son discours d’un « remerciement de la part de chaque Ukrainien ». Ce jeune étudiant a atteint un niveau B2 en un an seulement, ce qui transparaît dans son discours qu’il prononce avec assurance et émotion.

UNE CAPACITÉ D’ACCUEIL LIMITÉE
À l’origine, le dispositif visait à permettre aux étudiants d’acquérir au minimum le niveau B2 du CECRL (Cadre Européen Commun de référence des Langues). Mais avec la guerre en Ukraine, Dauphine-PSL a ouvert un second DU passerelle pour favoriser l’apprentissage du français à niveau A1/ A2. 20 étudiants ont été admis, dont 18 ukrainiens.
Bien que l’université reçoive beaucoup de demandes, les capacités d’accueil restent limitées. Pour Mélanie Le Guen, chargée de mission, c’est un vrai avantage : « On voit les étudiants tous les jours, ce qui permet d’aller vite ». Elle peut être au plus près des étudiants et les accompagner au mieux dans leurs démarches.
Le travail ne manque pas, mais elle ne se montre pas découragée : « Il pourrait y avoir deux postes pour effectuer mon travail, mais je m’en accommode très bien ».
PLUS QU’UN SIMPLE DIPLÔME UNIVERSITAIRE
Dans cette salle du septième étage de l’université, les invités se plaisent à se retrouver. Certains discutent calmement de l’année écoulée, d’autres se pressent au buffet dressé pour l’occasion. Les retrouvailles sont entrecoupées de photos où les mines joyeuses des étudiants accompagnent cette journée ensoleillée de printemps.
Des liens forts peuvent se tisser entre les étudiants du programme, comme le montre Khrystyna dans son discours. « En DU Passerelle, j’ai progressé en français mais j’ai aussi rencontré ma meilleure amie, Sofia. On vivait dans la même ville en Ukraine mais on ne se connaissait pas. Je pense que c’est le destin. ».
Ce programme mobilise aussi des mentors bénévoles du groupe SOS Solidarités et de l’association étudiante Fleur de Bitume. « Le but est qu’il se sentent comme chez eux. On cherche à leur faire découvrir de manière plus légère ce que c’est d’être étudiant en France. », déclare Louise, responsable du pôle « Alpha » de Fleur de Bitume. Cette étudiante en master Affaires Internationales et Développement a pour mission de faire le lien entre son association et l’administration du DU passerelle. Chaque étudiant du DU passerelle peut bénéficier d’un « buddy » qui va l’accompagner dans son intégration. Louise s’occupe de créer ces binômes, ce qui peut être un défi : « Le groupe des étudiants en exil n’est pas du tout homogène. Certains étudiants sont déjà parents et n’ont donc pas forcément envie d’être accompagnés. Il faut répondre à des besoins spécifiques. ». Pour cela, Louise fait remplir aux étudiants en exil un questionnaire afin de cerner avec quels mentors de Fleur de Bitume ils pourraient s’entendre.
Gérer le pôle Alpha n’est pas sans difficulté. « Il faut être réactif et avoir une vue d’ensemble. C’est compliqué d’avoir un œil sur tout le monde, j’ai 80 personnes à connaître ».
La demande est telle que Fleur de Bitume a même dû faire appel à des bénévoles extérieurs à l’association. « Ce serait bien si on avait plus de personnes pour épauler l’année prochaine » rapporte Louise.
Pour l’heure, les étudiants diplômés peuvent choisir d’entreprendre des études en France ou postuler pour une année supplémentaire de formation.
Emy Lesieur