Neuf réalisateurs ont été invités pour diffuser leur court-métrage sur le thème du racisme au Dissident Club, bar fondé par le journaliste pakistanais Taha Siddiqui en exil en France, en l’honneur de la journée international pour l’élimination de la discrimination raciale.
Situé dans une rue tranquille du 9ème arrondissement de Paris, le Dissident Club passe quasiment inaperçu en ce samedi soir 1er avril 2023. De l’extérieur, celui-ci pourrait se confondre avec tous les autres bars du quartier. Mais une fois la porte franchie, le nom donné au bar, « Le Club des dissidents », devient plus compréhensible. Sur un fond de musique RnB mêlé aux cliquètements des verres en train d’être servis, un sentiment de sécurité, d’acceptation et de compassion règne dans le bar. « Rien ne renforce autant l’autorité que le silence » : sur les murs verts et les colonnes de bois séparant les deux pièces constituant le Dissident Club, de tels slogans inspirants soulignent le thème du bar.
Un homme à l’aura particulière se trouve derrière le bar. Il s’agit de Taha Siddiqui, le fondateur du Dissident Club. Menacé pendant plusieurs années par l’armée pakistanaise et après avoir échappé à un enlèvement et à une tentative d’assassinat pour son travail de journaliste, il a dû fuir avec sa famille en France. Depuis, le journaliste pakistanais, récompensé du prestigieux Prix Albert Londres, multiplie son travail visant la défense des droits humains, notamment en enseignant les droits de l’homme et le journalisme à Sciences-Po Paris et en gérant le Dissident Club le soir, visant à devenir un lieu d’échanges et de sensibilisation à Paris pour les journalistes, intellectuels et autres exilés politiques. Son livre autobiographique édité par Glénat sous forme de BD et venant d’être publié, est mis à l’honneur à côté du bar. La manageuse du site web du Dissident Club, Leah Koonthamattam, en fait la promotion tandis qu’elle attend le début du festival.
« Pour en apprendre le plus sur son parcours, son livre est le meilleur endroit où commencer. » Elle-même ancienne étudiante en journalisme de Taha Siddiqui, elle travaille pour lui depuis quelques mois. « Nous avons repris contact (après mes études) et je travaille sur le blog du Dissident Club depuis quelques mois. » explique-t-elle en anglais. « Je m’occupe d’écrire sur les événements organisés par le bar. »
Une trentaine de personnes sont attendus ce soir-là, pour honorer la journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale avec un festival de courts-métrages, ayant lieu le 21 mars. « Le nombre de personnes présents dépend vraiment du type d’événement. » affirme Leah. « Forcément, quand il s’agit de tables rondes ou de débats féministes, il y a beaucoup moins de monde. »
A partir de 18h, carnet dans la main, elle guette l’arrivée des invités attendus, qui, pour la plupart venus pour la première fois, s’apprêtent à découvrir l’ambiance du bar dédié aux lanceurs d’alerte et tout ceux qui sont engagés pour défendre les droits humains. Ce sont les réalisateurs des court-métrages, de toute âge et de parcours différents, qui se sont déplacés avec leurs proches pour voir leur œuvre diffusé et échanger sur le thème de l’événement. Installés sur les tabourets avec un verre dans la main, ils répondent chacun à leur tour aux questions de Leah, avec un sentiment d’anticipation dans leur regard. Tous ne connaissaient pas le bar, ayant été contactés par la responsable artistique de Monsieur Siddiqui, mais ont l’air admiratif devant le travail de ce dernier.
« Cet homme a eu un parcours inimaginable » s’exclame Alexandre Desane, un des réalisateurs/acteurs présents ce soir. « Je ne connaissais pas du tout le bar, mais en lisant les articles sur le mur, je suis ébahi de son histoire. » Son court-métrage, mêlant l’audiovisuel et la photographie, The Orange Kid, traite de la discrimination, notamment à l’école, du point de vue de l’enfant. D’autres réalisateurs, ont décidé de traiter des émeutes de 2005 dans les banlieues françaises, ou encore des discriminations au logement. Petit à petit, on découvre le traitement varié du thème des discriminations raciales par ces hommes, qui témoigne de la vastitude du sujet à jour.

Monsieur Siddiqui, qui s’est occupé de la mise en place technique de la projection, prend la parole à ce moment-là, pour annoncer le début de l’événement. Un canapé, ainsi que plusieurs rangées de chaises sont prêts à accueillir l’audience devant la télévision de diffusion. Une fois installées, de manière routinière, plus à l’aise en anglais qu’en français, Monsieur Siddiqui remercie les réalisateurs d’être présents ce soir. Les discussions prennent fin et tout le monde se concentre sur le festival d’une heure et demie, interrompu seulement par les applaudissements enthousiastes entre chaque œuvre. Invité à prendre part dans la discussion autour de la réalisation et des thèmes évoqués dans les films, l’audience n’hésite pas à partager son point de vue, bon ou mauvais, dans une atmosphère respectueuse. Taha Saddiqui, un léger sourire illuminant son visage, semble satisfait de la soirée, qui continue ensuite sur un concert live de Jazz.
Inès Bézie