Au sein de la maison de retraite Les Marronniers située à Levallois-Perret (92), l’association des Blouses Roses s’est donné pour mission de redonner le sourire aux résidents. Cette association, née en 1944, est présente dans plus de 1000 établissements de santé en France et compte 4200 bénévoles qui portent une blouse rose pour se distinguer des professionnels de la santé.
C’est une journée spéciale pour les résidents le lundi après-midi : ils sont impatients de participer aux animations organisées par les Blouses Roses. Sophie, bénévole de l’association depuis 5 ans, a préparé avec son collègue William un jeu sur la ville de Paris.
Tout est très bien organisé : les retraités, assis autour d’une table ronde, piochent chacun leur tour une carte sur laquelle est inscrit un lieu historique de Paris. Claude, une retraitée pas très bavarde, ouvre le bal en piochant la carte du Louvre. Elle doit situer le monument sur un plan de la ville de Paris que Sophie lui tend pendant que les autres retraités partagent leurs souvenirs au sujet du Louvre. “On avait la carte coupe-file donc on allait souvent au Louvre ensemble !” s’exclame Antoine, le mari de Claude qui est venu lui rendre visite aux Marronniers.
Dès que la conversation perd son fil conducteur, Sophie, munie de son guide de Paris, lance des perches historiques pour animer les échanges. Elle explique que c’est Philippe Auguste qui a construit le Louvre comme résidence luxueuse pour la Cour. Le retraité Jean, ancien chauffeur du ministère des Affaires étrangères, ajoute que lorsque Louis XIV a vécu la Fronde, il a quitté le Louvre pour rejoindre le Château de Versailles. Chacun se complète mutuellement pour retracer l’histoire des monuments tout en ne manquant pas d’évoquer des anecdotes comme la légende du fantôme du Louvre qui a donné lieu à un feuilleton.

La discussion s’enchaîne naturellement et permet à chaque retraité de s’évader de son quotidien médicalisé. “L’objectif est de stimuler les sens et la mémoire des résidents, tout en leur permettant de s’exprimer librement et de partager des moments de convivialité,” explique le bénévole William.
Pour la carte du Bon marché, situé dans le 7ème arrondissement près de la station Sèvres-Babylone, Sophie évoque toutes les innovations dont le créateur, Aristide Boucicaut était à l’origine : l’entrée libre dans les magasins, les soldes, l’affichage des prix, le principe de l’échange et du remboursement, le catalogue de vente par correspondance, etc. “Qu’est-ce qu’il était visionnaire ce monsieur !” s’exclame William. Toutes ces inventions surprennent beaucoup. Gladys, retraitée passionnée de littérature, fait le lien entre le roman Au Bonheur des Dames d’Émile Zola et le Bon Marché. C’est une belle transition pour enchaîner sur la carte des Halles de Paris que Zola cite dans son roman Le Ventre de Paris. Chaque retraité s’amuse à se souvenir des différents commerçants présents à leur époque pendant que Sophie range le jeu.

Il est 16h30, c’est l’heure du goûter. Sophie et William servent du sirop et du gâteau. “Il faut noter que c’est le meilleur moment de la journée !” insiste Jean. Les autres ne sont pas du même avis : le temps est passé trop vite et ils auraient aimé poursuivre l’activité. Mais les moments de partage continuent, chacun échange sur son métier de l’époque. Enfin, c’est le tour de Stérina qui finit par révéler à ses camarades qu’elle est centenaire, suscitant l’émerveillement dans toute la salle.
Une fois l’atelier fini, chacun est raccompagné à sa chambre par les Blouses Roses. Stérina est fière de montrer les photos de ses petits-enfants accrochées à son mur qui créent un environnement joyeux et vivant.
Enfin, les Blouses Roses se réunissent dans la salle pour tout ranger et parler de l’animation qui était très réussie et dynamique : chacun a pu prendre la parole de manière régulière. Cependant, Sophie partage son inquiétude par rapport à Jean qui est resté silencieux alors qu’il avait l’habitude de faire des blagues. Ce genre de comportement est souvent lié à des circonstances familiales et le rôle des Blouses Roses est d’offrir aux retraités un soutien moral précieux en les écoutant, en partageant des moments de convivialité, en prodiguant des encouragements et en leur apportant du réconfort. Les activités ludiques et divertissantes comme les ateliers de loisirs créatifs, les jeux de société, les spectacles ou les sorties culturelles, permettent de rompre la monotonie du quotidien des retraités et de leur offrir des moments de plaisir et de distraction.
Sophie témoigne de la richesse de cette expérience : “C’est une expérience humaine incroyable. On tisse des liens avec les résidents, on apprend à les connaître et on se rend compte qu’ils ont encore tellement de choses à nous apprendre. On a la chance de pouvoir leur apporter un peu de bonheur et de réconfort, c’est très gratifiant.” Les actions des Blouses Roses contribuent aussi à sensibiliser la société sur la situation des personnes âgées et sur les défis liés au vieillissement de la population. Elles favorisent la création de liens intergénérationnels en encourageant les échanges et les rencontres entre les bénévoles et les retraités.