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Sénégal Fast Foot – Épisode 2
Au cœur des quartiers populaires dakarois, un championnat informel, le Navétane, s’est imposé comme une référence footballistique. En attendant le début de la saison, les équipes enchaînent les matchs amicaux pour affiner leur préparation. C’est le cas d’une des équipes de Yarakh (nord de la ville) qui rencontre onze joueurs de l’Académie Foot Pro.
Un chantier sablonneux le long d’une route, une dizaine d’ouvriers qui réparent une canalisation. Difficile d’imaginer que le lieu puisse accueillir une partie de football. Pourtant, au milieu des tracteurs et des débris, 22 joueurs de 18 à 25 ans vont s’affronter pendant plus de 70 minutes, avec pour seul repère deux buts vétustes d’un bout à l’autre du « terrain ». Ici, on prépare le Navétane, littéralement la « saison des pluies » en wolof, un championnat informel organisé en marge des compétitions officielles de la Fédération. Ces rencontres qui opposent des équipes de quartiers de l’agglomération de Dakar suscitent un fort engouement auprès des populations locales.
Mais à un mois du début de la compétition, la ferveur ne se fait pas encore sentir. Seuls les habitants des maisons qui bordent le terrain assistent au match. Certains, occupés sur le perron, jettent des regards curieux en étendant le linge. Pour les plus jeunes, c’est l’occasion de venir voir les « stars du quartier ». Sur le terrain, des joueurs évoluant en Europe sont revenus taper le ballon pendant leurs vacances. L’occasion pour eux de renouer avec les terrains sableux de leur enfance. Une surface qui est aujourd’hui un passage quasi-obligé pour l’équipe d’Alex Ndiaye, président de l’académie (voir épisode précédent) : « Les Sénégalais qui jouent au foot, quelle que soit la division ou le club, sont tous passés par le Navétane ».
Sur les terrains sableux de Dakar, on prépare le championnat de quartiers du Navetane. Reportage à lire demain sur Demain Dakar pic.twitter.com/BnMm1gbXBm
— Demain Dakar (@DemainDakar) July 6, 2018
Un terrain sans limites
Le coup de sifflet résonne et le ballon disparaît rapidement dans les nuages de sable provoqués par les foulées des joueurs. Il ne faudra pas moins de cinq minutes pour que le ballon percute un taxi à l’issue d’une frappe maladroite. « Ah ça, les aléas du sol sableux », déplore Alex Ndiaye, sur le bord du terrain. L’absence de marquage au sol en fait partie. Dans ces conditions, le jeu est régulièrement interrompu, le temps de récupérer le ballon, ou encore de laisser le tracteur faire sa manœuvre.
Mais le Navétane n’est pas aussi désorganisé que ses terrains. Il possède par exemple sa propre commission disciplinaire et chaque équipe dispose d’un président, souvent le plus aisé du quartier, à même d’investir pour le fonctionnement de l’équipe. Le championnat est une véritable organisation de quartier.
De cireur de chaussure à joueur de Ligue 1

Seydou Nourou Déme connaît par cœur l’ambiance du Navétane. Chasuble bleu par-dessus le maillot, il est revenu jouer avec son équipe de quartier. « Même quand tu nous vois, tu sais qu’on a l’habitude de jouer ensemble », sourit le jeune homme. Dans le football, Seydou a fait toutes ses classes avec ses amis d’enfance et son rôle au sein de l’équipe a évolué. D’abord cireur de chaussures pour les plus âgés, il est ensuite devenu un pilier de l’équipe avant de briller en première division. Et le Navétane lui permet désormais de retrouver la ferveur populaire des matchs de quartiers. « À chaque match, tout le monde vient encourager ses joueurs, les plus vieux sortent les chapelets et les femmes de quartier, bien qu’elles soient prises par les tâches ménagères, demandent toujours le résultat », relate le jeune homme avec émotion.
Navétane, c’est une histoire d’équipes, d’amis, de derbies mais aussi de croyances. Chaque équipe a ses grigris et son marabout qui fait office de « figure protectrice ». Seydou se rappelle une demi-finale bien particulière : « Il y a eu des tirs au but à la fin du match, nous avons appelé le marabout qui était alors chez lui. Il nous a donné un par un le numéro des joueurs qui devaient tirer et dans quelle direction ». Une manière aussi de « dégager les responsabilités », comme le concède le footballeur. Derrière lui, le match s’achève sur un 3-3.
Prochain épisode: le Navétane est plus qu’un championnat officiel, c’est le moment du mercato des centres de formation qui viennent « piocher » parmi les joueurs de quartiers.