C’est l’un des secrets les mieux gardés des Sénégalaises, l’art de la séduction. Et par là, entendez plutôt l’art de la sexualité. Les jeunes femmes acquièrent le niama niama, un attirail complet pour faire grimper les hommes aux rideaux.
Parler sexualité au Sénégal demande un peu d’habileté langagière. Euphémismes de rigueur pour sujet tabou. Dîtes, par exemple, « faire le mariage » au lieu de « faire l’amour » et « séduction » au lieu de « sexualité ». Pourtant, certaines danses se montrent très explicites. Quant aux Sénégalaises, elles se sont autoproclamées « meilleures épouses du monde » !
Enfants, déjà, les filles sentent la fumée des encens déposés le soir venu par leur mère dans la chambre à coucher. À l’approche du mariage, elles doivent apprendre à leur tour les rudiments de la sexualité pour devenir de « bonnes épouses ».
Les tantes se chargent souvent de leur transmettre les bases. Mais il arrive qu’elles préfèrent déléguer la tâche à des spécialistes. L’une d’elles s’est fait un nom au marché HLM de Dakar. Dans sa boutique, Docteur Badio (« Vagin » en wolof) vend tout l’arsenal d’une sexualité supposément épanouie. À la soixantaine passée, l’experte anime même des enterrements de vie de jeune fille « à la sénégalaise ».
Cette pratique traditionnelle est aujourd’hui reprise par quelques femmes de la jeune génération, version « tradi-moderne » comme le dit Aïda Gueye, coach en séduction. À 29 ans, elle en a fait son métier. Dans sa maison, cette jeune mère a interdit à ses trois enfants d’entrer dans la pièce réservée à sa clientèle.
« Parler de sexe reste tabou dans la société sénégalaise, donc je fais une communication entre pairs. Nous sommes de la même génération, c’est plus facile d’en parler. »
Coaching express pour jeune mariée
« Quand on prépare la mariée à la nuit de noces, on lui parle de ce qui l’attend, on lui montre les bases de la séduction, explique Aïssa Gueye avec malice, avant de préciser : « C’est parfois très chaud entre femmes ! »
Les bases de la séduction « à la sénégalaise »
Thiouraye, béthio, bin-bin et autres astuces intimes. Voici le petit manuel du sexe « à la sénégalaise ».
Faire brûler du thiouraye
D’abord, il y a les préparatifs. À commencer par l’odeur : il faut sentir bon et la maison aussi. Pour ça, les femmes font brûler des encens, les fameux thiouraye. « C’est une façon tacite de dire à son conjoint qu’aujourd’hui, c’est quartier libre ! », plaisante Aïda Gueye.
Porter un beau bin-bin
On dit qu’ils font tourner la tête des hommes. Les bin-bin, des colliers de perles à mettre autour de la taille, se vendent en nombre sur les marchés de Dakar. Ils font « partie de la féminité », comme le souligne Aïda Gueye, avant de glisser un conseil : « Plus ils sont gros, plus ils font du bruit. C‘est ça la séduction à la sénégalaise. On suscite l’envie du gars ! »
Entre béthio et lingerie, les hanches balancent
Les béthios, de petits pagnes, s’enfilent sous la tenue de ville. Certains représentent des scènes d’ébats ; d’autres cousus de grandes mailles sont si aérés qu’ils ne couvrent rien ou presque rien. Dans les armoires des femmes, les béthios côtoient une lingerie à la mode de plus en plus convoitée, achetée sur internet et via les réseaux sociaux.
Voici donc pour les indispensables.
Aïda n’a pas dit son dernier mot. Mais pour connaître des secrets bien gardés, les micros doivent être rangés. Dans son sac à trésors, du miel mentholé et de minuscules cristaux de menthe garantissent une fellation « du tonnerre ». La suite de la leçon reste interdite aux oreilles chastes et exclusivement réservée aux clientes de Madame Gueye. « On ne va pas vous révéler tous nos secrets quand même ! »
Reste le tabou ultime. Ce dont il ne faut surtout pas parler en public. Le plaisir solitaire. Là encore, Aïda a ce qu’il faut. Les sextoys, « en huis clos, les femmes les achètent », assure-t-elle.
Mais où sont les hommes ?
La séduction est une question de communication avant tout, d’après cette sexologue improvisée : « Il y a des astuces avec des petits jeux érotiques, pour savoir ce que le gars veut ou pas. »
Et les hommes dans tout ça ? Déploient-ils autant d’efforts pour accéder aux désirs de leurs épouses ? « C’est là où le bât blesse au Sénégal, admet Aïda Gueye. La femme a été forgée pour plaire au gars, mais les hommes ne sont pas éduqués comme ça. »
Revers de la médaille pour ces messieurs : dans la chambre, c’est la femme qui gère ! « Les hommes sénégalais sont très fiers, affirme Aïda Gueye. Même s’ils sont dominés, ils ne vont pas le laisser paraître. »
« Tu domptes le gars pour pouvoir le manier à ta guise ! »
« Le jeu de la Sénégalaise, c’est qu’elle joue à la soumise, mais après dans la chambre c’est nous qui dictons les choses, on est au-dessus ! C’est un outil de pression sur le gars, ça marche de ouf ! »