Du point de vue des jeunes Sénégalais passionnés de danse, l’École des sables a tout d’un « miracle ». C’est l’un des seuls établissements de formation pour les danseurs sur le continent africain. Grâce à sa fondatrice, Germaine Acogny, grande chorégraphe béninoise, quelques centaines de personnes ont pu faire de cet art leur métier.
Au bout d’une allée sableuse, perdue au fond du village sénégalais Toubab Dialaw, l’École des sables apparaît en pleine brousse, la mer en contrebas. Le rythme des tam-tams et des djembés se rapproche. Sous un chapiteau, une trentaine de danseurs, les pieds nus, répètent une chorégraphie de danse contemporaine africaine. Aux abords de la piste se succèdent des maisonnettes rouges ou orangées sur un sol terreux parsemé de végétation. Cette école est d’autant plus spéciale qu’elle s’avère l’une des seules à proposer une formation professionnelle reconnue au niveau international.
Les jeunes du village de Toubab Dialaw ont été les premiers à bénéficier de cet apprentissage à l’École des sables dès la fin des années 90. Depuis, Gana, Dyenebe ou encore Rokhaya sont tous devenus des professionnels. Certains ont commencé par suivre des cours de danse après l’école. D’autres ont été repérés par Germaine Acogny, la chorégraphe qui a fondé ce centre désigné comme « un miracle » et « un trésor » par la population locale. A découvrir dans notre reportage, avec les images de Thomas Larabi :
Dialogue avec le cosmos
La plupart des danseurs qui ont foulé le sable du chapiteau sont venus apprendre la technique Acogny. « Je suis venu ici parce que cette technique touche profondément mon âme d’artiste », explique Zara, un danseur dakarois, avec les yeux qui brillent. Ce style de danse synthétise des danses occidentales et des danses traditionnelles de l’Afrique de l’Ouest. Il se caractérise par des mouvements de la colonne vertébrale, tels des ondulations et des tremblements, qui symbolisent des éléments de la nature ou de la vie quotidienne. Danser en extérieur, dans un endroit calme, là où se mêlent la terre, la végétation et l’eau, prend alors tout son sens. La chorégraphe, surnommée la « Mère » de la danse africaine contemporaine, revendique « un dialogue avec le cosmos ». Chaque partie du corps symbolise un astre, le soleil, la lune ou une étoile.

Un grain de sable
En plus de cette technique, le stage auquel nous avons assisté enseigne durant deux semaines des danses traditionnelles et des danses contemporaines. Les frais d’inscription contribuent au financement de l’école qui, après plus de vingt ans d’existence, connaît des difficultés au point de ne plus pouvoir se projeter à long terme. « L’école est en danger, alerte Patrick Acogny, le fils de Germaine Acogny, co-directeur artistique du centre de formation. On planifie nos activités pratiquement mois après mois. » L’heure est à la recherche de subventions. Certaines d’entre elles, notamment celles de l’Etat sénégalais, prennent des mois à être versées. En attendant, pour se maintenir, l’École des sables compte sur le nombre d’élèves qu’elle accueille. Les stages rencontrent un vif succès, mais Patrick Acogny redoute un retournement de situation : « Si ça ne marche pas, est-ce qu’on pourra tenir ? Est-ce qu’il faudra faire un emprunt ? » L’école de danse semble prise dans des sables mouvants.