L’avantage de la vie en collectivité, c’est qu’on ne peut plus rien se cacher. Et quand une bande de blancs-becs découvre la gastronomie locale, les déboires intestinaux de chacun deviennent l’affaire de tous.

Yassa de poulet, thiéboudiène aux poissons et légumes, dorade grillée et lotte en brochettes, mafé à base de pâte d’arachide et sirop de bissap fait à partir de fleurs d’hibiscus… Les saveurs de Dakar ont ravi nos papilles.
Nos estomacs, eux, ont été quelque peu bouleversés.
Doit-on accuser la chaleur, le décalage horaire, la passion des Sénégalais pour les plats bien relevés, ou encore la malarone, ce cachet contre le paludisme que nous avalons en chœur tous les soirs à la même heure ? Nul ne sait.
Les pièges à éviter sont pourtant connus. Les toubabs doivent oublier l’eau du robinet, se retenir de piocher dans les crudités et arrêter de fanfaronner sur le degré de piment qu’ils estiment supporter.

Bizarrement, celle qui respectait le mieux ce code de bonne conduite sanitaire est tombée la première.
Quand elle s’est réveillée à quatre heures et demie la troisième nuit, ce n’était pas à cause de l’appel du muezzin de la Medina voisine.
Blagues, lamentations, conseils et confidences : tandis que le séjour avance, les aventures intestinales deviennent un sujet clé dans les discussions. Et face à l’évidente faiblesse de nos métabolismes, plusieurs options sont apparues.
Il y a eu les confiants : « Plus c’est un boui boui bien local, moins tu risques d’être malade », nous a assuré celui qu’on a ensuite retrouvé rapatrié au lit toute une après-midi.
Il y a eu les téméraires, gentiment invités par des habitants à tester des plats maison aux ingrédients non identifiés.
Il y a eu le malin, qui a déniché le premier des toilettes inoccupées, dissimulées au rez-de-chaussée de notre habitation.
Il y a eu les paranos, qui ont sanctionné chaque repas d’une rasade préventive de Smecta.
Il y a eu les pragmatiques, qui ont stratégiquement choisi leurs plats : « Qui mange du riz blanc, sans rien du tout ? »
Il y a eu enfin les discrets, tenant à rester dignes ou munis d’un ventre en titane.
Le petit sachet bleu au goût approximatif est en tous cas devenu un accessoire incontournable de l’équipe. Objet de deal (« T’aurais pas un Smecta à me dépanner ? »), d’échanges fulgurants (« T’as quel goût ? Orange, vanille ou fraise ? ») et d’instants complices (« Toi aussi ? Alors trinquons ! »).
Mais ne soyons pas mauvaises langues.
Elle a par mégarde dévoré des tomates. Il s’est risqué à siroter l’eau du robinet. Et elle a englouti une demi lotte qui ne flairait plus du tout la fraîcheur de l’océan. La boule au ventre, tous ont attendu une catastrophe digestive, qui n’est jamais venue.

Comme quoi la tourista, c’est aussi dans la tête.