A 23 ans, Laurel Gbenafa est un précoce de la programmation sur ordinateur. Fan de jeux vidéo, fasciné par la réalité virtuelle, ce jeune développeur est en quête perpétuelle de nouveaux défis. Une ambition qu’il entend mettre au service des prochaines générations.

C’est au lendemain d’une opération et avec deux dents de sagesse en moins que Laurel Gbenafa a accepté de répondre à nos questions. Il faut dire qu’à seulement 23 ans, le jeune programmeur ne manque pas de détermination. Il a déjà créé plusieurs jeux vidéo et participé à des projets internationaux. L’an dernier, il a même fondé sa société Virimma XR avec des amis. « Jusqu’à récemment, je travaillais beaucoup pour des clients aux États-Unis, en Australie et en Europe. Parce que les rémunérations étaient plus intéressantes et les projets plus ambitieux, explique Laurel Gbenafa. Depuis l’année dernière, au sein de ma société, on essaye de produire des solutions pour des problématiques qu’on a ici au Sénégal. Par exemple, on essaye de créer une application qui permet de faire des visites de locaux grâce à la réalité virtuelle. »

Les jeunes se forment malgré les obstacles

Loin d’être naïf, Laurel Gbenafa a conscience que l’Afrique reste un peu à la traîne dans ces domaines. « A l’heure actuelle, on est en retard en matière d’infrastructures et d’investissement dans l’informatique, observe le jeune homme. Mais quand je vois les acteurs qu’on a ici, les jeunes qui se forment à ces outils, j’ai foi en l’avenir de l’Afrique. »

Autre problème : certaines multinationales tirent le continent vers le bas, dont le géant Google. Le système d’exploitation mobile Android a établi une liste de pays dans lesquels la vente d’applications pour smartphone n’est pas autorisée. Le Sénégal figure sur cette liste, comme beaucoup d’autres pays africains. Ainsi, lorsque des développeurs à l’image de Laurel Gbenafa travaillent sur un jeu vidéo mobile, celui-ci sera forcément gratuit et ses concepteurs devront se contenter des bénéfices de la publicité, beaucoup moins rémunératrices au Sénégal qu’en Europe. « Cela dissuade un peu les programmeurs de travailler ici », observe l’ingénieur en informatique.

Les geeks du Sénégal, les yeux rivés sur leur smartphone

Mais Laurel Gbenafa n’a jamais renoncé. En 2015, il participe au premier hackaton organisé par Orange Sénégal. Durant plusieurs jours, un hackaton réunit des communautés de programmeurs, qui travaillent ensemble sur des projets numériques innovants. Cette année-là, Laurel Gbenafa remporte le premier prix décerné à la meilleure application, pour son jeu vidéo mobile Da’Karapid.

« En fait, on est partis de l’idée qu’il n’existait pas de jeu qui reflète ce qu’on voit tous les jours ici à Dakar, raconte Laurel Gbenafa. On s’est dit : pourquoi ne pas faire un runner (jeu de course, ndlr) ? Qu’est-ce qu’on peut prendre ? Un car rapide. C’est fun et ici, tout le monde connaît. » Avec leur carrosserie bariolée, ces bus souvent bondés filent dans toutes les rues de Dakar.

Les « cars rapides » sont incontournables dans la vie quotidienne des Dakarois. ©WikiCommons

Le jeu a cumulé plus de 20 000 téléchargements. Un succès notable – la plupart des jeux vidéo cumulant entre 10 000 et 50 000 téléchargements sur smartphone. Ce bon résultat s’explique aussi par la structure du marché du jeu vidéo au Sénégal, essentiellement tourné vers le smartphone : « Tout simplement parce que beaucoup de gens en ont un, alors que tout le monde n’a pas un PC ou une console, souligne le développeur. Avec le smartphone, on est sûr d’atteindre un maximum de personnes. Et puis, c’est moins coûteux de développer sur smartphone que sur console. »

Laurel Gbenafa se définit comme un « gamer » de longue date. « Quand j’étais petit, mon père était ingénieur en aviation civile. Chaque fois que j’avais du temps libre, je parcourais ses livres. Mais je ne comprenais pas grand-chose, parce qu’il y avait plein de formules de maths. Un jour, je suis tombé sur un manuel de Turbo Pascal (un logiciel de programmation informatique, ndlr), c’est là que tout a commencé. »

La suite, c’est au Sénégal, autour de ce nouveau projet Virimma XR, que Laurel Gbenafa la voit. Avec pour objectif de faire avancer le pays dans le développement de la réalité virtuelle (ou VR comme virtual reality). En commençant par des productions cinématographiques, tel ce projet d’animation mené avec l’un de ses amis, Pape Malick Baros, journaliste sénégalais.

Dans cette salle aux couleurs de l’Afrique, le développeur cherche à modéliser en 3D Pape Malick Baros. L’idée : que ce double virtuel mette en avant le patrimoine historique et culturel du continent, en racontant des histoires parfois méconnues des Africains eux-mêmes. A plus long terme, Laurel a surtout en ligne de mire la création d’un jeu en VR. Ce sera une première au Sénégal.

Medhi Weber

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