A 39 ans, Nix est une référence chez les jeunes Sénégalais. En marge de ses disques et de ses tournées à l’international, le rappeur cherche surtout à développer l’activité culturelle du pays. Pour lui, le Dakar de demain sera créatif.

Bientôt un nouvel album, des tournées à venir… Ta notoriété est aujourd’hui indiscutable. Comment en es-tu arrivé là ?

J’ai commencé le rap à 13 ou 14 ans mais ce n’était pas sérieux. C’était plutôt une activité entre potes de quartier. J’aurais du mal à expliquer la raison pour laquelle je me suis tourné vers le rap. Je dirais que c’est plutôt lui qui m’a choisi (rires). J’ai eu une révélation en découvrant ce style de musique. À cet âge-là, on ne sait pas trop où l’on va. Nous faisions de la musique parce que l’on était passionné mais, au fond de moi, j’avais envie de devenir artiste, sans forcément avoir de plans de carrière en tête.

Avec ma bande, nous avions donc monté un groupe : Kantiolis. Nous faisions beaucoup de concerts et de premières parties mais pas d’album ou de single. Nous manquions de moyens. En plus, avec notre style de musique, nous étions perçus comme des ovnis, à l’époque. Aujourd’hui, j’ai réussi à installer mon nom dans le rap sénégalais.

Et comment l’a vécu ta famille ?

Pas très bien, du moins au début. Ma grand-mère, qui m’a élevé, était professeur de français et directrice d’école. Elle m’inculquait un mode de vie assez stricte. Bien sûr, elle me voyait travailler ma musique mais, pour elle, il était hors de question que j’en fasse mon métier. Alors, nous avons conclu un deal : si je ramenais des bonnes notes, elle me laissait retrouver mes potes pour rapper pendant les vacances.

Puis, il y a eu le déclic. Elle est venue à mon premier concert et cela a complètement changé sa vision. Elle a découvert une autre facette de ma personnalité. Depuis, c’est devenu ma plus grande fan.

Ta musique touche beaucoup les jeunes, comment expliques-tu cela ?

C’est surtout mon image et ma façon de travailler qu’ils apprécient. Je suis très perfectionniste et cela se ressent dans mes sonorités comme dans mes visuels. Mes textes parlent aux jeunes car ils décrivent la réalité de la vie sénégalaise. Ils expriment aussi ma réalité, celle d’un artiste qui a réussi à voyager grâce à la musique. Et celle d’un fêtard qui profite… On ressent mon style de vie.

J’espère que mon histoire leur donne la niaque et l’envie de réussir. Ils peuvent percer dans ce qu’ils aiment, quel que soit le milieu dont ils sont issus. Au Sénégal, le problème est le suivant : il y a beaucoup d’artistes mais aucune industrie dans ce secteur.

Pour toi, c’est important d’impulser les créations des artistes sénégalais ?

Ils ont beau être doués, certains artistes peinent à vivre de leur musique. Ils peuvent remplir des stades, avoir des millions de vues sur Youtube, sans que cela ne se ressente sur leurs ventes. Pourquoi ? En Afrique, l’industrie du disque est au point mort. Passer par le digital peut donc être la solution. C’est pour cela que j’ai lancé ma plate-forme de streaming, Deedo. L’avantage du streaming ? Dès que ton album figure sur les plates-formes, tu touches un large public qui paye pour l’écouter. Pour moi, il est essentiel de développer cette technique de diffusion au Sénégal. En Afrique, la plupart de gens n’ont pas de compte en banque. Ils payent via des applications téléchargées sur leurs mobiles. C’est ce qu’on leur propose avec Deedo. Ainsi, les artistes peuvent vivre de leur création.

À travers Vudaf, le médium que tu as lancé, tu cherches à donner la parole à la jeunesse sénégalaise ?

Tout à fait ! C’est un médium destiné à la jeunesse. Les jeunes en sont d’ailleurs les principaux contributeurs. Mais tout le monde peut se reconnaître dedans. Vudaf, pour « Vu d’Afrique », vise à mettre en avant tout ce qui se fait sur le continent mais qui reste invisible. J’ai l’impression que les choses négatives bénéficient davantage de relais médiatiques que les éléments positifs. Certains jeunes créent des applications révolutionnaires mais on n’en parle pas. Alors qu’un attentat aura plus d’échos dans les journaux. Pour moi, c’est important de trouver et de mettre en avant les bons angles pour toucher cette jeune génération. Une jeune génération qui lit d’ailleurs de moins en moins. Et puis, travailler avec les jeunes, c’est un plus. Ils apportent de la fraîcheur et maîtrisent des outils que je ne connais même pas ! À bientôt 40 ans, je suis parfois dépassé.

40 ans, tu ne les fais pas ! Tu restes jeune dans ta tête ?

Bien sûr, c’est dans la tête que ça se passe. Et je pense qu’il faut évoluer avec son temps, dans le rap comme dans d’autres domaines. C’est important qu’il y ait du changement… Ce qui n’évolue pas, meurt ! C’est pour cela que les jeunes doivent faire bouger les choses. Nous sommes en Afrique, ils devront travailler deux fois plus mais, surtout, ne pas se mettre de barrières.

Malika Butzbach, Layla Landry et Camille Rioual

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