Clope au bec, jean brut et Stan Smith aux pieds, Astrid se fond dans le paysage des passants du Vème arrondissement. Assise sur les marches de la bibliothèque Sainte-Geneviève, un objet rouge posé à sa droite attire l’œil. En s’approchant on discerne les lettres noires sur la couverture : « code Civil – édition 2019 ». Depuis quelques semaines, elle l’emporte partout. Astrid n’est pas en vacances ou en stage comme les autres étudiants de la Sorbonne. Elle prépare le Barreau. « Du coup je n’ai plus de vie, donc pas grand-chose à vous raconter ! » ironise-t-elle.
L’obligation de réussir
« Ça n’a jamais été dit clairement mais je sais que si j’avais voulu partir dans une filière technique, enfin disons plus … manuelle, mes parents n’auraient pas accepté. »
Issue d’une famille d’avocats, le droit était la « voie royale » selon ses propres mots. Une orientation choisie ou contrainte ? Elle avoue ne « s’être jamais posé la question » sur son choix d’études. Passer le Barreau était la suite logique, l’apothéose d’un parcours sans fausse note. Pourtant, Astrid avoue avoir hésité : « Pendant longtemps je me suis dit que je serai juriste, c’était plus simple. Puis je me suis laissée tenter… Pour mes parents surtout. ».
Si ses deux grands frères n’ont pas choisi de faire du droit, ils sont tous deux passés sur les bancs d’une grande école d’ingénieurs. Astrid, la petite dernière, n’avait pas le droit de décevoir. « Ça n’a jamais été dit clairement mais je sais que si j’avais voulu partir dans une filière technique, enfin disons plus … manuelle, mes parents n’auraient pas accepté. » Cette pression, la jeune femme affirme ne pas en avoir souffert : « Mes parents ont toujours mis à ma disposition tous les outils pour réussir. Moi, je n’ai eu qu’à travailler un peu mais je sais que j’ai eu de la chance. »
Renoncer à l’été
La semaine dernière, elle s’est cependant octroyé quelques jours de vacances :« Les dernières avant au moins un an ». Depuis, elle ne parvient pas à s’y mettre, mais compte sur la pluie attendue cette semaine pour la motiver à travailler. Elle espère plancher sur les textes de lois et autres arrêts, huit heures par jour pendant les trois prochains mois. Cet été, Astrid délaissera donc les terrasses ensoleillées et les longues soirées d’été pour ses livres et les murs blancs de la bibliothèque du Panthéon. Objectif « ambitieux mais faisable ».
« Pas le choix, il faut que je l’ai. »
Quand on lui demande de donner un mot pour décrire son état d’esprit, elle répond « on verra bien » en s’allumant une deuxième cigarette. « Ca ne sert à rien de se prendre la tête avant de toute façon ».
Si elle est admise aux écrits, viendront les épreuves orales, avant, peut-être, d’atteindre le Graal : l’inscription à l’Ecole Française du Barreau (EFB). Si elle rate, elle enchaînera sur un Master de droit social. Elle ne sait pas encore où, elle attend les réponses. Pour conclure la discussion elle assène, son regard acier plus déterminé que jamais : « Je ne compte pas bousiller un autre été de toute façon ! Donc, pas le choix, il faut que je l’ai ! »
Marion RUSSELL