Dans une toute petite boutique de la rue de Châteaudun, Aziz retouche avec dextérité les vêtements favoris des habitants du quartier. Très fier de sa clientèle fidèle, il raconte son quotidien.
« Vous êtes magique… j’avais bien dit à ma fille que vous auriez une solution ! ». Maryse passe régulièrement la porte des quelques mètres carrés dans lesquels s’agite Aziz. Elle tient entre les mains une robe noire à fleurs jaunes achetée en friperie par sa progéniture. À peine a-t-elle commencé à expliquer son problème qu’Aziz sectionne déjà quelques fils – « vous coupez direct ? moi j’ai pas osé… » – il a l’habitude.
Un large sourire dessiné sur le visage, Aziz virevolte dans ce minuscule espace. Il slalome entre ses machines à coudre, toutes de tailles différentes. Au-dessus de lui, deux tringles artisanales soutiennent tant bien que mal des kilos d’habits à rafistoler. Une odeur de fer à repasser brûlé règne : le matériel n’est plus tout jeune.
Le couturier est installé depuis 4 ans. La plupart de sa vie, il l’a vécue au Maroc, où il a étudié l’histoire. Il a arrêté à la licence car « avec le roi, si t’as pas de tuyaux… y’a pas d’espoir ». Puis il y a eu cette femme, qu’il a épousé mais qui résidait en France. « Et qui m’a dit Aziz le Maroc je te jure plus jamais », rapporte-t-il d’une traite, sans accepter de donner plus de détails.
Il la rejoint donc à Paris. Ils ont des jumeaux. Aziz reste près de 6 ans sans carte de séjour. Au début, il est embauché dans le bâtiment. « Pour quelqu’un qui a été étudiant le plus gros de sa vie, c’était beaucoup trop physique. » Il faut quand même résister aux 40°c de son atelier d’aujourd’hui, chauffé naturellement par les vieux engins de couture.
« Tous mes clients sont satisfaits. »
Comme sa venue en France, la couture est une histoire de famille. « J’ai commencé petit, vers 8 ans, pendant les vacances dans le magasin de mon frère », confie Aziz. Il improvise un temps un atelier de chez lui, puis se fait employer, à Saint-Mandé avant de partir à Puteaux. Il ne supporte pas d’être sous les ordres de quelqu’un : « j’ai mon caractère ». Aziz déteste voir qu’il fait mieux que les patrons. « Ce métier, je le maîtrise très bien. Je suis très fort », fanfaronne-t-il.
Ce ne sont pas ses clients qui vont le contredire. « J’en ai même une qui vient spécialement du Luxembourg pour me laisser ses vêtements ! » Fièrement, il désigne le seul cadre qui habille les murs immaculés de la pièce : un tout petit tableau qui représente vaguement deux cavaliers sur fond orange. « C’est elle qui me l’a offert » sourit Aziz. « Tous mes clients sont satisfaits. »
Une vie modeste
Il vit aussi grâce à un partenariat avec deux pressings. Il raccommode et arrange les pièces Chanel ou Hermès qui ont des accidents de lavage. Avec tout ça, le petit patron ne se paye que 500 € par mois. Pourtant, il travaille tous les jours, « même le dimanche, pour faire la compta ».
Cette somme, il croit qu’il n’aurait pas pu la gagner au Maroc : à Rabat, « les fringues ne valent rien donc les gens les jettent ». Les parisiens achètent selon lui des vêtements desquels ils prennent plus soin : « Ici, mes clients sont blindés. »