« Ça fait deux ans que je vis dans un squat dans le Finistère » 

Beaucoup en rêvent, peu sautent le pas : vivre sans attache. C’est le choix qu’a fait Léonard il y a deux ans.

 

Un gros sac de randonnée sur le dos, un autre sur le torse, des longs cheveux blonds emmêlés attachés en chignon, un bouc mal taillé et des vêtements beige et kaki. « Là je suis en transit », lâche Léonard* après avoir tiré une latte sur sa cigarette roulée.

Des mecs comme Léo – c’est comme ça qu’il aime se faire appeler –, on en croise tous les jours à la gare Saint-Lazare. L’air gai et le regard distrait, il se balade sur le parvis en attendant son prochain train. « Dans la vie, je fais du bateau, explique-t-il sur un ton insouciant. »

Léo aime le contact. Il y a encore quelques minutes, il entamait la discussion avec un sans-abri qui lui avait demandé une cigarette. Pourtant, il ne se livre pas facilement. Derrière ses lunettes rondes aux verres épais, le regard est un peu méfiant. « Là, je vais à Caen voir de la famille, mais sinon je suis posé en Bretagne », parvient-on à lui extirper au bout de quelques minutes de dialogue. « Au bout de la Bretagne. Dans le Finistère. Au sud de Brest. »

Du e-commerce à la vadrouille

Le grand blond n’a pas toujours été un baroudeur. Jusqu’à ses 25 ans, il travaillait à Paris comme web designer. « Je faisais des sites de e-commerce mais je ne trouvais pas de sens à ce que je faisais. » Changement radical donc. Maintenant, il vit sur ses économies et ne dépense que peu d’argent. Et pour cause, il vit dans un squat. « On est une dizaine à vivre là-bas, on retape des bateaux tous ensemble », confesse-t-il.

Carcasses en bois ou en acier, aucune bicoque ne résiste aux mains aguerries des bricoleurs. « Moi j’ai appris sur le tas, mais la plupart ont fait une formation en charpente dans la région », détaille le voyageur. Des compétences manuelles bien loin de sa formation initiale qui lui ont permis de découvrir de nouveaux horizons. « Là je reviens d’Allemagne où j’ai navigué avec des potes », poursuit-il. Un voyage à moindre coût, évidemment : un bon samaritain leur a prêté un bateau dont il n’avait plus l’utilité. « On n’avait pas de plan précis en tête, mais au final on s’est baladé entre Griefswald et Flensburg, on a donné des spectacles », explique-t-il, désinvolte.

Avec son flegme, Léonard se distingue devant la gare remplie de costards-cravates pianotant sur le dernier iPhone. Mais après tout, il n’en a cure : absorbés par le quotidien, les passants avancent sans même le remarquer. Lui poursuit sa route.

 

MATHILDE BRUGNIERE

 

*Le prénom a été modifié