Le photovoltaïque est l’un des fleurons des énergies renouvelables. Dans ce sens, la France commence à se doter d’un parc de panneaux solaires assez conséquent. Mais ce ne fut pas chose aisée, les pouvoirs publics ont eu du mal à réguler ce marché en devenir. Désormais, la situation s’est stabilisée.
Philippe est agriculteur dans le Massif Central. En 2010 il a besoin de construire un bâtiment sur son exploitation pour héberger ses bêtes l’hiver. En discutant avec ses collègues de la profession et les commerciaux, il apprend que la pose de panneaux solaires sur le toit de sa future stabulation lui permettrait d’en financer la construction.
Il prend donc contact avec EDF qui lui propose d’établir un contrat sur vingt ans de rachat de sa production solaire. « À l’époque 60 centimes le kilowattheure, explique-t-il. Dans le milieu agricole, c’était à la mode. En plus la rentabilité semblait assurée car le prix du kWh était haut mais aussi parce que le prix des installations était en train de baisser. » Notamment grâce à l’Espagne, à ses dépens. La crise financière de 2008 a stoppé les projets immobiliers au-delà des Pyrénées. Terre de soleil, les panneaux solaires prévus pour y être installés remplissaient les stocks d’invendus, donc étaient plus abordables.
Un investissement rentable
« La première motivation restait de construire ce bâtiment dont j’avais besoin sur mon exploitation. Le photovoltaïque était surtout là pour me permettre de rentabiliser les coûts assez vite, et oui, c’est sûr, d’obtenir une petite rente annuelle les sept ou six dernières années de contrat avec EDF. » La construction de la stabulation lui a coûté 200.000 euros, il a reçu 70.000 euros d’aides de l’Etat. Du côté de l’installation du photovoltaïque, il a dû créer une SAS pour produire de l’électricité, qui sera en contrat avec EDF pour 4.000 euros. L’installation des panneaux représentait 155.000 euros, auxquels il faut rajouter 1000 euros de raccordement au réseau ERDF (ENEDIS aujourd’hui) et une étude de 4.000 euros.
Lancée en 2011, son entreprise se révèle très rentable huit ans plus tard : « j’ai dégagé suffisamment de résultats pour rentabiliser mes coûts. Les panneaux produisent 55.000 kW alors que l’estimation en annonçait 40.000. Le bon ensoleillement, couplé avec des températures peu élevées permettent un bon fonctionnement des panneaux. » Philippe rembourse 19.000 euros de crédits par an alors qu’EDF lui achète 33.000 euros d’électricité. Au bout de 12 ans, il aura totalement remboursé ses crédits en 2023, son contrat court jusqu’en 2031.
Après l’élection de François Hollande à la présidence de la République, le ministère de l’Ecologie a repris en main le soutien au secteur, et l’avenir s’est éclairci pour les professionnels du solaire. Les mesures prises par Ségolène Royale à la fin du mandat socialiste sont encourageantes. Si le lobby en faveur de l’énergie nucléaire est encore important, il ne fait que « retarder le développement du solaire, développe Richard Loyen, délégué général du syndicat ERPLAN. Les aides sont certes moins importantes que dans le passé car les coûts d’installation ont diminué. Cependant, alors que nous nous pensions nous-même à genoux il y a dix ans suite au moratoire Fillon, les emplois perdus à ce moment-là seront retrouvés d’ici à cinq ans. » Le syndicat estime que la part du solaire dans la production énergétique française va passer de 2% à 10% sur la même période.
« Aujourd’hui, on a un système vertueux »
En stagnation, le solaire devient secteur d’avenir. L’émergence de la filière a en effet mal démarré quand on compare à la situation outre-Rhin qui voit le solaire présent à toute échelle, de l’équipement domestique jusqu’aux grandes fermes solaires. Alors que l’Allemagne est clairement moins ensoleillée que la France. La faute à un cadre administratif pesant. Quand un projet met en moyenne trois ans à aboutir en France, il suffit d’une année en Allemagne. Le solaire y représente déjà environ 8% de la production énergétique, les pouvoirs publics ont décidé d’abandonner le nucléaire depuis l’accident de Tchernobyl en 1986.
En France, ces charges administratives pesantes ont permis de réguler le développement du solaire. La bulle du début des années 2000 était dangereuse car le marché florissant n’avait aucun code, ni régulation. « Aujourd’hui, on a un système vertueux. Le soutien des pouvoirs publics est mieux orienté. Ces derniers participent à la création de centrales solaires qui produisent les kilowatts en nombre. Ces centrales sont mieux dotées contre les risques électriques que les installations chez les particuliers. » Il y a aussi un argument économique. Quand un mégawattheure produit en centrale coûte entre 50 et 60 euros, celui produit sur une surface de toit revient à presque 100 euros.
Diversifier le potentiel solaire
Du côté des producteurs de panneaux solaires français, ils subissent toujours la concurrence très dure de l’industrie asiatique. C’est pourquoi ils jouent désormais sur la cadre du progrès technologique. « Il ne faut pas oublier que le photovoltaïque ne représente pas seulement la production énergétique. Dans le cas des voitures électrique, les panneaux solaires ont une place tout autant importante ! » En effet, un seul mètre carré de photovoltaïque représente 1000 kilomètres d’autonomie pour la voiture Renault Zoé. Il y a une convergence entre la recherche solaire et d’autres recherches en technologie. Les industries se tournent vers cette énergie propre et inépuisable. « En France, on n’a pas de pétrole mais du soleil et des idées » ironise Richard Loyen.
D’autres innovations permettent d’envisager un avenir radieux au photovoltaïque français. Un minerai miracle permet d’améliorer le rendement des panneaux photovoltaïques. Il s’agit de la pérovskite. Il a fallu attendre 2009 et les travaux du chercheur japonais Tsutomu Miyasaka, poursuivis par d’autres, notamment à l’Université d’Oxford et à l’EPFL, pour découvrir l’aptitude des pérovskites à former des cellules photovoltaïques.
Un pas crucial est fait en 2013 par une jeune Polonaise, Olga Malinkiewicz, alors doctorante à l’Institut des sciences moléculaires (ICMol) de l’Université de Valence, en Espagne. En marge de ses études, elle crée une cellule photovoltaïque en posant une couche de pérovskites par évaporation, et, finalement, par simple impression à jet d’encre. Dans la conception des cellules photovoltaïques, ce minerai leur permet de produire sans dépendre de fortes températures. Aussi, cette technologie permet de poser des panneaux productifs dans des zones ombragées, car ils ne nécessitent pas non plus une forte exposition aux UV pour créer des kWh.
Cela n’a pas toujours été rose
Cependant, l’énergie solaire française a pris du retard. Alors qu’à la fin des années 2010, le panneau solaire avait le vent en poupe, le gouvernement décide d’installer un moratoire de trois mois gelant les aides financières. Des aides qui permettaient aux particuliers et professionnels installant des panneaux de bénéficier de prix de rachat très importants : environ 60 centimes du kilowattheure. Une embellie qui inquiète le gouvernement français : les subventions accordées commencent à coûter cher à l’Etat.
Face à la multiplication exponentielle des surfaces installées, la France n’a plus les moyens d’acheter le kWh aussi cher. Ces dépenses aggravent le déficit public. C’est pourquoi fin 2010, le gouvernement Fillon fait machine arrière. Il promulgue un moratoire qui stoppent les raccordements de nouvelles installations au réseau ERDF, et les prix de rachat élevés de la part d’EDF sont revus à la baisse.
Par ce moratoire, les pouvoirs publics coupent l’herbe sous le pied de nombre d’entreprises s’étant lancées dans l’aventure solaire. Beaucoup ne pourront pas faire face à telle décision : voyant leurs commandes de panneaux ou de poses s’effondrer, elles devront mettre la clef sous la porte. Une autre motivation du gouvernement Fillon : ces aides qui devaient permettre de créer de l’emploi dans la construction de panneaux solaires revient à acheter des matériels chinois, aux prix beaucoup plus attractifs.
La moitié des entreprises françaises du secteur photovoltaïque auraient fermé après les annonces de la fin du mandat du président Nicolas Sarkozy. Ces entrepreneurs, pour la plupart gérants de PME, Brigitte Chevet est allée à leur rencontre dans son documentaire Les Voleurs de feu. Ces derniers racontent tous la même histoire : ils se sont fait « entourlouper » par des pouvoirs publics qui ne daignent pas subventionner et soutenir une filière d’avenir, qui produit une énergie moins chère aujourd’hui que le nouveau nucléaire.
Un avenir encourageant
Pourtant, dans les années 2000, l’Etat français décide de favoriser l’installation de panneaux solaires sur tout le territoire. Particuliers comme professionnels peuvent toucher des aides financières pour en faire l’acquisition et la pose sur leur surfaces. Bon nombre d’entreprises se jettent dans la brèche, proposant ces surfaces bleues au plus grand nombre. Les toitures équipées fleurissent dans tout le pays. En trois ans, de 2008 à 2010, la capacité installée du photovoltaïque a été multipliée par dix pour atteindre 850 mégawatts, faisant passer la France du 12e au 7e rang mondial selon le baromètre PriceWaterhouseCoopers (PWC). Après vingt ans de disette, tous pensaient que le photovoltaïque reviendrait et resterait sur le devant de la scène.
Aujourd’hui, la situation s’est stabilisée. Le secteur photovoltaïque représente une part croissant dans le pack énergétique français. La prochaine décennie est de bon augure pour cette énergie verte. La recherche et développement est exponentielle dans ce domaine, les nouvelles technologies permettent de couvrir une bonne partie du territoire, même les zones moins ensoleillées dans le nord de la France. D’autant que les pouvoirs publics continuent toujours de soutenir les nouvelles installations, sous une nouvelle forme : celle des fermes solaires. De nombreux hectares leur sont destinés, et les fonds publics de même. La transition écologique française se doit de passer par le potentiel solaire, inépuisable.
CORENTIN BELARD
Chronologie du photovoltaïque en France
1950 : Premières études sur l’énergie solaire. Les Français sont en pointe dans le secteur avec les Américains. Mais le potentiel solaire sera vite dépassé par le développement nucléaire.
1970 : Le four solaire d’Odeillo (54 mètres de haut et 48 de large comprenant 63 héliostats) est mis en service. Il accueille une partie des équipes du laboratoire de recherche PROMES du CNRS pour étudier la puissance thermique du soleil.
2006 : Dominique de Villepin, alors Premier Ministre, donne son aval pour réhausser le prix d’achat du kilowattheure pour soutenir les installations de panneaux solaires. Il passe de 15 à 55 centimes.
2009 : Le nouveau président Nicolas Sarkozy prononce un discours au lac du Bourget. « Nous allons devenir leader dans les énergies renouvelables au même titre que nous sommes leaders dans les énergies nucléaires. Et nous allons prendre des décisions pour ces énergies que celles prises par le général de Gaulle dans les années 1960 sur le nucléaire ». La Savoie est le seul département portant le développement solaire.
2011 : Marche arrière. Face au gouffre financier que représentent les aides financières de l’Etat, le gouvernement Fillon promulgue un moratoire gelant les tarifs avantageux.
2016 : La ministre de l’Ecologie Ségolène Royal relance les aides gouvernementales au secteur solaire en France.