Jean Arthuis : « Les Britanniques étaient le frein, aux 27 de trouver l’embrayage ! »

Jean Arthuis, député européen depuis 2014, espère que le Brexit va enfin permettre de jeter les bases d’une « Europe qui protège ». Au-delà des divergences entre Etats membres, le débat doit selon lui s'ancrer dans le débat public.

Pour Jean Arthuis, la défense "ne peut plus être uniquement une affaire nationale". (©Marie-Lan Nguyen / CC by 2.5)

[vc_row][vc_column][vc_column_text]Le Brexit a-t-il pu aider à insuffler un nouvel élan au projet de défense européen ?

Jusqu’à maintenant et de façon paradoxale, l’Europe a été structurée par les Britanniques. Ils formatent l’Europe et ils se barrent ! C’est stupéfiant. Les Britanniques étaient le frein, aux 27 de trouver l’embrayage. Pour l’instant, l’élan apparaît encore un peu ténu, tout simplement parce qu’il n’y a pas de leadership. Il y a toujours au moins un Etat à la veille d’une élection … La France et l’Allemagne ont vocation à exercer un rôle moteur mais le gouvernement allemand n’a pas encore été reconstitué. Mme Merkel cherchait un accord avec les libéraux, qui ne veulent pas discuter du budget européen. Maintenant que la CDU traite avec le SPD, je fais confiance à Martin Schultz pour avoir une vision très européenne. Quand ce dernier était président du Parlement européen, il était favorable à une enveloppe pour la défense.

 

Vous évoquez les relations franco-allemandes. Leur différence de points de vue constitue-t-elle le principal problème au développement du projet de défense européen ?

Les Allemands veulent rester le « noyau dur » de l’Union européenne et notamment de l’industrie de l’armement. Constitutionnellement, ils n’ont pas les mêmes prérogatives pour mobiliser leurs forces de défense depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Depuis 2013, ils ont leur National Framework Concept, un début de coopération entre une vingtaine de pays pour les investissements d’armement. La France est restée à l’écart car elle ne voit que par les accords de Lancaster House avec les Britanniques*. Il faudrait que la France réintègre l’ensemble européen du continent, même s’il est bien évidemment important de garder des liens avec les Britanniques. La défense ne peut plus être uniquement une affaire nationale. Quand nous allons au Sahel pour essayer d’endiguer les poussées islamistes, cela concerne tous les pays européens. Notre problème, c’est que nous intervenons avant de demander aux autres de payer. La procédure n’est pas acceptable pour les autres Etats membres.

 

Pourquoi les Européens tardent à adopter une vision commune en matière de défense ?

Tous les pays n’ont pas mobilisé les mêmes moyens pour assurer leur défense. Un certain nombre d’Etats membres pensent qu’en cas de nécessité de se défendre, l’Otan et les Etats-Unis viendraient à leur secours. L’élection de monsieur Trump a peut-être constitué un électrochoc pour nous aider prendre conscience d’assurer nous-mêmes notre défense, sans spéculer en permanence sur l’intervention américaine. Néanmoins, depuis la chute du rideau de fer, les budgets de défense en Europe ont servi de variable d’ajustement à des pays dont la croissance n’était plus suffisante pour assurer l’équilibre budgétaire. L’Europe a baissé la garde pour empocher un peu rapidement les dividendes de la paix. Les projets de coopération pourraient permettre des économies, mais chaque pays a ses propres industriels en matière de défense. Le secteur demeure encore très cloisonné alors qu’il ne peut plus être uniquement une affaire nationale. Il est urgent que l’Europe de la défense devienne aussi l’affaire des Européens et que le sujet constitue un vrai débat au sein de l’opinion publique.

 

L’Europe de la défense peut-elle se constituer sans la marine britannique ?

Il faut attendre les négociations sur les futures relations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Je pense que ce dernier souhaitera rester dans le marché intérieur, comme la Norvège et la Suisse, pour récupérer un peu d’argent. Le Channel ne va pas s’élargir du fait de la sortie des Britanniques. Il faudra garder une coopération très étroite avec les Britanniques mais ça ne dispense en aucune façon les 27 d’avoir une vision et une ambition claire en matière de défense. A charge pour eux de faire vivre une coopération confiante avec le Royaume-Uni pour consolider le pilier européen de l’Otan.

 

Propos recueillis par Thomas Moulin, Corentin Le Dréan et Adrien Lefin

 

Traités militaires signés le 2 novembre 2010 par Nicolas Sarkozy et David Cameron, qui prévoit la coopération en matière de développement et d’emploi d’armes nucléaires, de sécurité et de défense.

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