Les éco-quartiers, un levier pour la mixité ?

Maquette de l'éco-quartier de La Duchère à Lyon

La métropole de Lyon a fait de l’ancienne « banlieue » de La Duchère une vitrine des éco-quartiers. Les experts estiment que l’attractivité économique du lieu suffira à favoriser la mixité sociale. Ceux qui vivent La Duchère au quotidien sont beaucoup plus sceptiques.

Dans « éco-quartier« , il y a « éco– » comme « écologie » mais surtout comme « économie« .  Un quartier respectueux de l’environnement, à la pointe des technologies de l’énergie est un beau produit vide de sens si personne n’y habite. Or, la question de l’accessibilité est primordiale dans des projets comme celui de La Duchère à Lyon. Depuis 2004, l’ancienne « banlieue » lyonnaise est réaménagée pour améliorer le cadre de vie de ses habitants.  Car « même si la plupart des gens pense que les éco-quartiers sont  des quartiers nouveaux, en réalité, 2/3 des projets en cours concernent des opérations de réhabilitation de l’existant« , précise Bruno Bessis, du ministère de la Cohésion des Territoires.

Une « banlieue » ouverte aux classes moyennes

La volonté des acteurs du réaménagement de la Duchère est de permettre aux habitants les plus défavorisés d’accéder enfin à la propriété. Ainsi, le prix des logements à l’achat a été pensé pour être accessible à tous. « Classiquement, les promoteurs empilent les coûts pour la construction du logement et fixent ensuite le prix du mètre carré. A l’inverse, à La Duchère, nous avons regardé le salaire de tous les Lyonnais et nous avons fixé un prix qui convient au plus grand nombre. » Laurent Escobar, directeur associé du cabinet Adequation, explique ainsi qu’un appartement dans l’éco-quartier coûte 3000 euros au mètre carré contre 5150 euros dans le Vieux Lyon.

Conséquence : 15 % des accédants aux 400 logements neufs de La Duchère sont des anciens habitants du quartier. Mais surtout 50 % des nouveaux propriétaires  – dont beaucoup sont issus des classes moyennes – viennent des quartiers et des communes environnantes. A noter enfin la forte proportion de primo-accédants – de nombreux jeunes devenant, grâce à ces éco-quartiers, propriétaires pour la première fois.

Un dynamisme économique à la traîne

L’objectif d’une telle politique est claire : favoriser la mixité sociale au sein d’une banlieue en voie de ghettoïsation. Malheureusement, si les experts sont confiants dans leur politique immobilière, les habitants de La Duchère soulèvent déjà des objections. Mohamed Tria, dirigeant du club de football de Lyon-Duchère et acteur engagé dans la vie du quartier, reste sceptique: « Malgré les transformations en cours , ceux qui réussissent s’en vont. Je crois au projet mais il faut aussi remettre de l’économie au cœur du quartier, donner aux gens qui sont là des perspectives. » Pour lui, le réaménagement urbain ne change en rien l’image négative du quartier. Une femme dans le public formule clairement le problème. « Comment faire rester les classes moyennes dans ces quartiers ? »

« On reconstruit La Duchère, mais le taux de chômage ne tombe pas » – Mohamed Tria

Laurent Escobar se veut rassurant. « L’emploi arrive toujours après les habitants. Les entreprises viendront à La Duchère, je suis confiant, car l’éco-quartier est agréable à vivre, bien connecté et surtout pas cher. » Néanmoins, la dynamique économique pourrait avoir du mal à se lancer.« La Duchère est une zone franche urbaine, donc les entreprises qui s’y installent bénéficient d’exonérations fiscales avantageuses. Sauf que pour l’instant il y a beaucoup de sièges sociaux d’entreprises « mono-employé », un chef tout seul… Les habitants se plaignent que la création d’activité ne soit pas lié à de la création d’emploi. » Comme dirait Mohamed Tria : « On reconstruit La Duchère, mais le taux de chômage ne tombe pas !«