
Un an après l’élection de Donald Trump aux États-Unis, les intox, « fake news » et autres « faits alternatifs de désinformation » font partie du paysage sur les réseaux sociaux. Pourtant, journalistes et institutions se mobilisent pour réhabiliter la notion de « vérité » et inventent de nouveaux outils.
« Vous savez ce qui s’est passé à Cologne en début d’année… des milliers de femmes violées. A Bruxelles, cela arrive tous les jours ! » L’homme s’exprime en russe. Dans une émission de télévision, il explique à une audience et un animateur consternés les horreurs qu’a entraînées l’afflux de migrants en Europe occidentale. Bien sûr, tout est faux. Il s’agit d’une forme de propagande dont les médias russes ont fait une arme du Kremlin, utilisée notamment dans certains pays de l’Est.
Bien loin de Moscou, la conférence sur les « fake news » dans la Salle Molière de Lyon, a essentiellement attiré des jeunes de 15 à 25 ans. Il faut dire qu’ils sont les premiers concernés. Avec le rôle décuplé de la propagande et des fausses informations dans les grands combats politiques des dernières années, la notion de lutte contre les « fake news », en particulier sur les réseaux sociaux, est devenue un enjeu majeur de société. Du Brexit à l’élection de Donald Trump en passant par la crise ukrainienne, les défis ne manquent pourtant pas.
Le business du mensonge
Sur Internet, une information sur quatre relèverait de la « fake news », c’est-à-dire non pas d’une erreur, mais d’un mensonge éhonté. Le phénomène parvient ainsi à renforcer certains dans leurs idées, voire dans leur défiance vis-à-vis de l’information. « Avant il y avait une sanction, ne serait-ce que morale, vis-à-vis du mensonge », explique l’économiste Alexandre Delaigue. « Ce qui est nouveau, ce n’est pas le fait que l’on mente, c’est que le fait de mentir n’est plus coûteux. » La fausse information est même un business rentable, comme l’illustre l’exemple de Paul Horner, cet Américain qui prétendait « avoir fait élire Trump » grâce à son site de canulars.
Face à cette économie de la désinformation, les professionnels de l’information et les pouvoirs publics semblent démunis. Des tentatives de pénalisation des « fake news » et de leur partage ont été menées en Allemagne notamment, mais « personne n’a envie d’entendre parler de censure » pour Alexandre Delaigue. Du côté des réseaux sociaux, Facebook a tout de même accepté de recevoir des signalements de médias pour faire baisser les contenus désignés comme de fausses informations dans le référencement de son algorithme.
L’Europe s’engage contre la propagande
Depuis le 14 décembre 2016, explique la chef de la Représentation en France de la Commission européenne, Isabelle Jégouzo, une cellule des « décodeurs de l’Europe » a été créée pour contrer avec « pédagogie et humour » les idées reçues concernant l’UE. Une série de cartes postales humoristiques pour les contrecarrer a été lancée (voir ci-dessous). Moins connu, le site EUvsDisinfo, lancé en novembre 2015, vise de son côté à contrer frontalement la propagande russe dont l’Europe est submergée.
De nouveaux outils
Face à ce phénomène, médias, institutions et Ministère de l’Education Nationale créent de plus en plus leurs propres outils. En service depuis février 2017, le Décodex du Monde est l’une des premières initiatives de journalistes pour lutter à grande échelle contre les « fake news ». Bien qu’il ait essuyé des critiques de tous bords, de Libé au Figaro, ce système assigne une couleur aux sites d’information en fonction du nombre de fausses informations qu’ils ont relayé. A l’origine du projet, les Décodeurs du Monde ont rapidement été accusés de choix partisans dans le référencement des sites considérés comme « suspects », mais Mathilde Damgé, journaliste au Monde, s’en défend. « L’idée des gommettes de couleur a été mal comprise. Le Décodex est un outil, il sert d’abord à montrer qu’il faut vérifier ce qu’on lit sur Internet ». Plus tard, le même mois, l’équipe met en place un mini-jeu proposant aux internautes de dessiner les courbes du quinquennat Hollande.

Malgré les nouvelles techniques des professionnels de l’information, comme l’utilisation de plus en plus fréquente du data-journalisme ou la formation des enseignants, la bataille contre les fausses infos est loin d’être gagnée. Une poignée d’heures avant la conférence, une vidéo circulait sur les réseaux sociaux, où Clément Viktorovitch, docteur en sciences politiques et enseignant à Sciences Po, mettait les journalistes Eugénie Bastié et Pascal Praud en face de leurs imprécisions sur CNews. Pour restaurer la confiance des citoyens dans leurs médias, il y a encore du chemin à faire.