
Il reste un peu moins de deux ans au Royaume-Uni pour rendre effectif le Brexit. Sur le plan intérieur, la sortie de l’Union Européenne risque de provoquer une importante crise politique. Mais à l’échelle du continent, l’ambition britannique de retrouver le contrôle de son économie risque de coûter cher. Reste à savoir qui en souffrira le plus.
Difficile de dire quoi que ce soit de nouveau à propos du Brexit, voté par référendum le 23 juin 2016. Avec l’activation de l’article 50 du Traité sur l’Union Européenne en mars dernier, le Royaume-Uni a maintenant jusqu’au mois de mars 2019 pour trouver un accord avec ses partenaires. Si les prévisions laissent penser que la Grande-Bretagne sera en première ligne face aux conséquences économiques de sa sortie de l’Union, les analyses diffèrent sur leur ampleur, et sur les répercussions pour ses voisins.
Le peuple britannique en première ligne
Les Britanniques, après avoir décidé de sortir de l’Union, risquent d’être les premiers à pâtir de cette décision populaire. « Les Anglais ont voté un départ, mais ils n’ont pas choisi de destination », déplore Jon Henley, correspondant du « Guardian » pour les affaires européennes. « Les ‘fous du Brexit’ ont placé le Royaume-Uni dans une position de faiblesse, où 27 pays vont dire à un seul ce qu’ils trouvent acceptable. » Si la place financière de Londres redoute de voir partir services, capitaux et savoir-faire, les contribuables plus modestes vont probablement souffrir aussi. En octobre 2017, le FMI prévoyait une inflation record de 3%, destinée à encore augmenter, tandis que la croissance devrait ralentir pour atteindre 1,7% du PIB.
Concrètement, cela signifie que la consommation coûtera plus cher aux ménages, alors que leur pouvoir d’achat ne devrait pas croître significativement. Les plus exposés sont les retraités et les salariés du secteur public. « Les gens qui ont voté le Brexit rêvent de se jeter du haut d’une falaise et de s’envoler… vers le XIXe siècle ! » poursuit Jon Henley. « Il y a cette nostalgie de l’empire, d’une époque où quand un pays ne voulait pas commercer, on pouvait juste l’envahir. Aujourd’hui le Royaume-Uni doit abandonner cette attitude. »
L’Irlande pas loin derrière
Voir le Brexit comme un saut dans le vide n’est pas pour rassurer ses voisins. « Si les ‘Brexiteurs’ se jettent de la falaise, l’Irlande est juste en-dessous ! » s’alarme l’historien et économiste irlandais Kevin O’Rourke. La situation de l’Ile d’Émeraude, l’unique voisin terrestre du Royaume-Uni à l’exception de l’Espagne (avec le territoire de Gibraltar) et de Chypre (où l’armée britannique possède deux bases), est complexe. En plus des problèmes de réglementation et de contrebande à la frontière, l’Eire craint que son retour ne fasse resurgir le fantôme de la violence politique. « Les accords de 1998 qui ont mis fin à la guerre civile nord-irlandaises [3500 morts entre 1968 et 1998] s’appuient sur l’Union Européenne », poursuit le chercheur. « Que les Anglais remettent en cause la paix sur notre île pour des raisons nationalistes et égoïstes est très grave. »

L’Union affectée de façon disparate
De son côté, l’Union européenne perd un de ses membres majeurs. « L’UE a tout intérêt à favoriser l’intérêt britannique, car le Royaume-Uni restera un partenaire commercial privilégié », avance Xavier Ragot. Sur le long terme, c’est en effet la qualité des conditions dans lesquelles l’Angleterre sortira de l’Union qui va être déterminante sur les relations post Brexit. De son côté, l’ancienne ministre Sylvie Goulard, grand témoin des Journées de l’Économie, n’entend pas la laisser s’en tirer à si bon compte. « Nous avons fait énormément de concessions à l’époque de Thatcher. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où le Royaume-Uni n’est rentré qu’à moitié dans l’Union en profitant des avantages, a détruit le système, et part en se plaignant que ça ne marche pas ! » Évidemment, l’un des défis, lorsqu’on doit articuler la position d’un pays avec celles de 27 autres, c’est que tout le monde puisse y trouver son compte. « Faute de trouver un accord sur-mesure d’ici mars 2019, Européens et Britanniques risquent de devoir se contenter d’un prêt-à-porter » conclut Kevin O’Rourke